L’alpiniste malvoyant Alexandru Benchea
L'année dernière, il a été récompensé par le Club Alpin Roumain du Trophée « Zsolt Török » pour avoir conquis les sommets d'Elbrous, Kilimandjaro et Mont Blanc.
Ana-Maria Cononovici, 16.01.2023, 00:51
Son premier
contact avec la montagne a eu lieu il y a 5 ans seulement, en compagnie d’un
ami, à Cluj. Puis, il a continué aux côtés de ses collègues de la faculté de
Cluj. L’année dernière, il a été récompensé par le Club Alpin Roumain du
Trophée « Zsolt Török » pour avoir conquis les sommets d’Elbrous,
Kilimandjaro et Mont Blanc. Notre invité d’aujourd’hui n’est pas un alpiniste
comme les autres. Il s’appelle Alexandru Benchea et il est malvoyant. Il se
donne une mission très audacieuse : escalader les « Sept Sommets »,
dont il en a déjà parcouru 3. Il lui reste à conquérir 4 montagnes :
l’Everest, McKinley, Mount Vinson et le sommet de Carstensz.
Avant toute
chose, voyons d’où vient sa passion pour la montagne : « Tout a commencé il y a 5 ans quand un tel exploit est devenu possible
grâce à un mentor de Cluj aux côtés duquel j’ai escaladé en première, une
montagne. Il m’avait encouragé et montré ce que la montagne signifiait. Ce fut
justement le fait qu’il m’a donné tellement de confiance, qu’il était si persuadé
que je vais réussir, que du coup, je me suis ambitionné. Puis, j’ai continué à
grimper sur les montagnes aux côtés de mes collègues de faculté, des
professeurs aussi, puisqu’à l’époque, j’étudiais la Géographie à Cluj. Par la
suite, j’ai rejoint le Club Sportif Climb Again, grâce auquel j’ai réussi à
escalader les premiers sommets hauts de plusieurs milliers de mètres. C’est là-bas
que j’ai trouvé tout le support aussi bien financier, que logistique, et tout l’équipement
dont j’avais besoin. »
Avant de
s’aventurer sur des sommets de plus de 4 000 m qui nécessitent une technique
avancée et un équipement très performant, tels le Mont Blanc (4 805 m) ou le
Matterhorn (4 478 m), Alexandru Benchea a commencé doucement, se souvient-il
encore : « L’escalade, je l’ai apprise pas à pas. Au début, ce ne fut pas facile.
Lorsque j’ai fait mes premiers itinéraires, je ne savais pas utiliser les
bâtons de randonnée. C’est sur le Mont Blanc que je l’ai appris et cela m’a été
très utile. Puis, les gens me demandaient souvent comment je fais pour
m’orienter en montagne. Que je vous explique : si le sentier est large,
alors je reste à côté du guide, je le tiens par le bras et, un bâton de
randonnée dans l’autre main, je m’oriente sur le terrain. C’est déjà un
automatisme : je me sers du bâton pour détecter les potentiels obstacles
avant de mettre le pied. Si le sentier est étroit, alors je marche derrière le
guide, je le tiens par son sac à dos et avec l’autre main je me sers de mon
bâton pour garder mon équilibre. Enfin, sur un glacier, le guide marche devant
moi, à une distance de deux-trois mètres, nous sommes attachés l’un à l’autre par
une corde et, dans ce cas, je me sers de mes deux bras pour délimiter le
sentier et le parcourir ».
La
technique s’avère donc très importante pour ce jeune malvoyant surnomme
« l’alpiniste aux yeux blancs ». Alexandru Benchea nous raconte maintenant
comment il s’entraîne : « Ca dépend de mon objectif. Si mon intention est d’escalader une montagne
plus haute, l’entraînement principal comporte des sessions cardio, des courses
à pied, des randonnées en montagne, des tests d’endurance ou encore des séances
sur un simulateur de marche. J’ai aussi fait de la natation, ce qui aide
beaucoup la partie cardio. En revanche, s’il y a des demandes plus techniques,
je m’entraîne beaucoup dans une salle d’escalade, sur un mur artificiel. Cela
me permet d’entraîner tout mon corps. Il en va de même pour la partie cardio,
puisque les montagnes ont un terrain mixte – on y grimpe beaucoup, mais il y a
aussi des pentes douces qui s’apprêtent à la randonnée ».
Pas
facile du tout sans doute, surtout pour une personne malvoyante. Après tant
d’effort, quel est le sentiment qu’il éprouve une fois arrivé au
sommet ? Alexandru Benchea
répond : « Le plus souvent, c’est un sentiment de bonheur, d’accomplissement !
C’est quelque chose de très profond, très intime, très humain ! C’est
comme si j’avais gagné la grande cagnotte du Loto. C’est un sentiment de joie d’avoir
atteint mon objectif et d’avoir dépassé mes limites. Il ne faut pas oublier
qu’une fois arrivé en haut, je dois aussi descendre. Mais quand je suis au
sommet, je suis vraiment très heureux et je pense au moment où je serai de
retour chez moi ou parmi les gens et j’aurai l’occasion de leur faire part de
mon expérience.»
Muni d’une volonté hors du commun, Alexandru Benchea a consacré sa vie à
cette mission : dépasser les limites physiques et mentales et escalader les
plus hauts sommets de la planète. Malvoyant de naissance, il a su y compenser,
en développant ses autres sens, si bien qu’il arrive à se débrouiller
parfaitement tant dans la vie quotidienne, que sur les sentiers des montagnes.
Il est la preuve que le mot « impossible » n’existe pas pour certaines
personnes. (trad. Valentina Beleavski)