Le Babic de Buzău
Plusieurs
saucisses produites en Roumanie contiennent dans leur appellation le lieu
d’origine. Ainsi y a-t-il des saucisses du Banat ou bien des saucisses sicules,
produites dans l’est de la Transylvanie. Même si les recettes de ces
produits sont différentes, ils partagent un ingrédient commun : le paprika.
Qui plus est, le processus de fumage, qui leur est appliqué pour qu’ils puissent
être consommés pour une période plus longue, leur donne une couleur rougeâtre
foncée. Les plus populaires sont les saucisses étroites, légèrement fumées,
préparées dans des boyaux naturels, appelées « cabanos » en roumain.
En Olténie il y en a une autre version spécifique, plus épicée.
Ana-Maria Cononovici, 06.06.2023, 00:11
Plusieurs
saucisses produites en Roumanie contiennent dans leur appellation le lieu
d’origine. Ainsi y a-t-il des saucisses du Banat ou bien des saucisses sicules,
produites dans l’est de la Transylvanie. Même si les recettes de ces
produits sont différentes, ils partagent un ingrédient commun : le paprika.
Qui plus est, le processus de fumage, qui leur est appliqué pour qu’ils puissent
être consommés pour une période plus longue, leur donne une couleur rougeâtre
foncée. Les plus populaires sont les saucisses étroites, légèrement fumées,
préparées dans des boyaux naturels, appelées « cabanos » en roumain.
En Olténie il y en a une autre version spécifique, plus épicée.
Dans
la région de Buzău (est de la Roumanie) il y a deux types de saucisses dont l’appellation
inclut aussi l’origine. Il s’agit de la saucisse de Pleşcoi et de la saucisse appelée
en roumain « Babic ».
En
2019 les saucisses de Pleşcoi ont été incluses sur la liste des produits portant
le label IGP (indication géographique protégée) de l’Union Européenne. Les
saucisses de Pleşcoi ne sont pas produites uniquement dans la fameuse localité
d’origine mais à travers le département de Buzau. Il y en a deux types : séchées
et fumées. La recette comprend deux tiers de viande de mouton et un tiers de bœuf.
La recette traditionnelle permet de remplacer la viande ovine par de la viande
caprine, mais le taux de cette dernière dans le produit final ne doit pas
dépasser les 10 %. Les autres ingrédients utilisés sont le piment rouge, le
thym, le paprika fort et doux, l’ail et le sel. Les saucisses de Pleşcoi sont
préparées sur le grill ou bien à la poêle, comme entrée chaude ou accompagnées
par d’autres grillades, avec ou sans accompagnement. En hiver on prévoit souvent
une salade de tomates vertes en saumure ou de cornichons en saumure.
A la
fin du 18e siècle, les guerres russo-turques ont déterminé beaucoup
de bulgares et de serbes de trouver refuge dans la région de Buzău. Ces
réfugiés ont repris la recette locale de saucisses de Pleşcoi, mais ils l’ont
modifiée, en y remplaçant la viande ovine par du porc, probablement afin
d’empêcher les ottomans de les consommer. Ils leurs ont ajouté du piment rouge fort,
séché et broyé, pour obtenir ce que l’on appelle en roumain le
« babic » de Buzău, ou le « babic serbe de Buzău ».
George Buzoi,
qui est né dans la région de Buzău, a
raconté pour la Radio publique roumaine l’histoire du babic :
« Le babic est apparu par
nécessité. Chaque famille qui vivait à la campagne élevait un ou deux cochons
ou bien des veaux. Les villageois devaient se préparer pour labourer la terre,
pendant l’été. Pour le déjeunes, ils ne pouvaient pas prendre avec eux du salami
habituel, car celui-ci risquait de s’altérer à cause des températures élevées.
Le « babic » était, en revanche, très adapté à leurs nécessités, car c’est
un produit cru et séché. La graisse coulait, mais le produit ne s’altérait pas.
Vous vous rendez compte combien de protéines contient un produit qui n’a pas
été soumis au traitement thermique ? Les maraîchers n’avaient pas trop d’argent.
Ils partaient avec leurs chariots remplis de légumes et ce « babic »
remplissait un besoin de base : leur fournir des protéines lorsqu’ils étaient
affamés. Des aubergines grillées en accompagnement, ils en avaient pleinement. »
George Buzoi passe
aussi en revue les principaux ingrédients du « babic », sans omettre non
plus quelques secrets du métier :
« La
base est la viande de porc, et pas nécessairement le bœuf. Ensuite, on met du
coulis de poivrons qui est le secret de la recette. Le coulis de poivrons est
très cher dans les magasins, donc en été il faut mettre de côté une certaine
quantité de poivrons pour le préparer à la maison. Ma famille en fait aussi. Il
donne à la saucisse tant de la couleur que du gout. On ajoute aussi du paprika fort
et du sel. Le fumage est très important aussi, les serbes le confirment. »
La
tradition est transmise d’une génération à l’autre. Marcel et Valentin Popa,
père et fils, producteurs de babic, partagent eux aussi quelques secrets :
« Il faut respecter les quantités de viande et
d’épices. Nous utilisons uniquement de vrais piments et du thym, aucun autre
condiment. Nous achetons des ingrédients pour toute l’année, car parfois les piments
et le thym peuvent manquer. »
Costel
Matei produit des dizaines de saucisses de babic. Pour sa part, il a décrit
aussi au micro de la Radio roumaine la manière dont il les prépare :
« Auparavant, on utilisait 60 % du bœuf et 40
% du porc. Maintenant tout le monde utilise le porc. Ensuite, on met du
paprika. On fait sécher les poivrons et après on les fait passer par un moulin,
avec des piments forts, si on souhaite obtenir des babics plus pimentés, ou
avec de poivrons, si on veut obtenir des babics doux. On fait bouillir le coulis
à deux reprises. Premièrement, on le fait bouillir jusqu’au moment où la
quantité diminue. On le laisse reposer jusqu’au lendemain et on le fait
bouillir à nouveau. A partir d’un sac de poivrons on obtient deux petits pots
de 200 grammes de coulis. La consistance est importante. Auparavant, ont les
préparait dans des récipients en bois appelés « albie » en roumain.
C’est un aliment de base, qui ne s’altère pas et qui est très bon. Bref, on met
du paprika, du sel et du coulis. Le secret et de bien mélanger et pétrir la
viande. Il faut le faire uniquement avec les poings, deux fois par jour, pendant
trois ou quatre jours, jusqu’à ce qu’il prenne une odeur agréable de viande
maturée. Ensuite, on introduit ce mélange dans les boyaux, on pique les saucisses,
surtout aux extrémités, et on les fait sécher, jusqu’au moment où les boyaux collent
à la viande, c’est-à-dire entre 5 et 6 jours, en fonction du temps et de
l’humidité. Le dernier pas est le fumage. »
Dans
la région de Buzău on prépare aussi de la soupe aigre, en roumain
« ciorbă », de babic, avec beaucoup de légumes et, bien sûr, avec de très
petits morceaux de saucisses.
Disons
pour finir que les producteurs locaux doivent collaborer d’une manière plus
intensive et plus efficace afin d’obtenir l’inclusion du babic dans le registre
européen des produits à l’Indication Géographique Protégée. Le but est de
déterminer les producteurs industriels de respecter la même recette
traditionnelle.