La maison-musée Victor Babeș de Bucarest
Pendant lentre-deux-guerres, dans le nord de la capitale roumaine, vers la banlieue de la ville, un beau quartier élevé par la classe moyenne de lépoque allait se faire jour. Cest là quallait faire bâtir sa maison le diplomate Mircea Babeș, fils du savant et bactériologiste Victor Babeș. Bien quau moment où elle a été conçue personne navait pensé à lui donner une telle destination, cette construction allait devenir la maison-musée Victor Babeș. Né dun père originaire du Banat roumain et dune mère autrichienne, Victor Babeș voit le jour en 1854 à Vienne. Une trentaine dannées plus tard, il allait devenir célèbre en tant que co-auteur du premier traité de bactériologie du monde.
Christine Leșcu, 15.11.2020, 13:17
Oana Panait, muséographe au Musée Victor Babeș, parle de la riche activité scientifique du savant roumain :
« Il a publié plus de 1 300 ouvrages très importants pour létude des maladies infectieuses. Pourtant, le plus important, cest le traité de bactériologie publié à Paris en 1885, en collaboration avec le scientifique français André Victor Cornil, sous le titre : « Les bactéries et leur rôle dans l’anatomie et l’histologie pathologiques des maladies infectieuses ». Cet ouvrage jetait les bases de la bactériologie en tant que science. Victor Babeș navait pas encore 31 ans. Cétait le premier traité de bactériologie jamais publié et il contenait presque tout ce que le monde scientifique devait savoir sur les bactéries. Louis Pasteur a lui-même remarqué Victor Babeș et la proposé pour le Prix Montyon, le plus prestigieux accordé par lAcadémie des sciences de Paris. Après sêtre vu décerner ce prix, Victor Babeș est devenu de plus en plus célèbre et Robert Koch la invité à travailler à Berlin, bien que Louis Pasteur eût souhaité le garder à Paris. LUniversité de Fribourg, en Suisse, la également invité, et là il pouvait aussi enseigner. Des invitations lui sont également arrivées des Etats-Unis, où il aurait pu travailler comme chercheur. Au moment où il ne savait justement pas quelle décision prendre, Victor Babeș reçut une lettre qui lui avait été adressée par le ministre roumain de la Culture de lépoque, Dimitrie Sturdza. Celui-ci linvitait à Bucarest. Cest ainsi que Victor Babeș est arrivé dans la capitale roumaine, où on lui offrit la direction du nouvel Institut de bactériologie. A part les laboratoires, celui-ci comportait une aula où il pouvait tenir des cours ainsi quun logement permanent pour lui et sa famille. Après 1886, Victor Babeș et son épouse allaient sinstaller à Bucarest. Il a également enseigné à la Faculté de médecine de Cluj, luniversité de la ville étant nommée, en son honneur, Université Babeș-Bolyai. »
Pendant toute la période passée à Bucarest, Victor Babeș allait habiter dans lenceinte de lInstitut de bactériologie, où il sest dailleurs éteint, dans la nuit du 18 au 19 octobre 1926, après avoir eu un malaise devant le microscope auquel il travaillait. Par la suite, ce microscope allait être exposé dans la maison de son fils, dont le savant na jamais franchi le seuil et qui est devenue musée dans les années 50. Oana Panait :
« Cela sest fait en deux étapes. La première fut en octobre 1956. Une année auparavant, Constantin Parhon, épidémiologiste très connu qui avait été disciple de Victor Babeș, a suggéré à Mircea Babeș de transformer le rez-de-chaussée de sa maison en musée. Le fils du savant et sa femme devaient habiter à létage. On ma souvent demandé si, en 1929, Mircea Babeș, fraîchement rentré de sa mission diplomatique à Ottawa, avait jamais pensé à transformer sa maison en musée. Je ne le pense pas et dans les mémoires quil a écrits, une telle intention nest pas mentionnée. Pourtant, en 1956, le rez-de-chaussée de sa maison est transformé en musée et Mircea Babeș allait en être le muséographe jusquà sa mort, en 1968. Restée seule, son épouse, Sofia Babeș, continue dhabiter à létage. En 1986, par don testamentaire, toute la maison devient musée, appartenant à la municipalité de Bucarest. Ce fut donc là, la seconde étape. »
De nos jours, la maison bâtie par Mircea Babeș et sa femme Sofia est pleine dobjets ayant marqué la vie et lactivité de Victor Babeș. Oana Panait précise :
« La villa a été construite en 1929, selon les plans de plusieurs architectes viennois. Son architecture est éclectique, mais elle comporte aussi des éléments néo-roumains. En 1929, Mircea Babeș, le fils du savant, allait apporter de lInstitut de son père plusieurs objets quil allait exposer plus tard au rez-de-chaussée de sa maison. Il sagit notamment de pièces de mobilier et dobjets décoratifs datant de la fin du 19e siècle, entre autres un bureau en acajou, qui était le bureau favori de Victor Babeș, et une magnifique petite table en porcelaine de Sèvres, ornée de bronze doré. Cette petite table a une très belle histoire. Victor Babeș et son épouse lont achetée à Paris, en 1912. Le savant venait de publier un livre sur la rage, qui a été un grand succès dans le monde entier. Cest avec largent obtenu par la vente de ce livre quil la payée et elle se trouve actuellement au rez-de-chaussée de la maison-musée de Bucarest. On peut également y admirer de nombreuses décorations, médailles et distinctions dont Victor Babeș a été récompensé par le monde scientifique. La Maison royale de Roumanie et même la reine Elisabeta, épouse du roi Carol Ier, ont décerné à Victor Babeș plusieurs décorations. »
Récemment restaurée, la maison-musée Victor Babeș de Bucarest a rouvert ses portes. Elle comporte aussi une section destinée aux enfants, censée les familiariser avec les sciences.
(Trad. : Dominique)