Grands industriels de l’entre-deux-guerres
La Roumanie a connu une période d’épanouissement culturel et économique après l’Union des territoires roumains en un seul Etat, en 1918. Considérée jusque là comme un pays éminemment agraire, avec une population rurale majoritaire, la Roumanie allait développer son secteur industriel grâce à quelques hommes d’affaires.
Christine Leșcu, 09.08.2013, 14:57
Né en 1895 dans la commune de Tintea, du département de Prahova, dans une famille de paysans démunis, Dumitru Mociornita est parvenu à dépasser sa condition, grâce à son intelligence et à son ambition. A la fin de ses études lycéales à Bucarest, Dumitru se fait remarquer lors de l’examen de baccalauréat par le premier ministre même de l’époque, Ionel Bratianu. Le jeune étudie par la suite le commerce et l’industrie à Bucarest et à Paris où il avait obtenu une bourse universitaire. Rentré en Roumanie, il met peu à peu sur pied l’industrie de la maroquinerie et de la chaussure du pays. Lhistorien Dan Falcan explique: «Dans un premier temps, Dumitru a privilégié le côté théorique, sans pour autant négliger les affaires. Il a épousé la fille d’un autre industriel, ce qui lui a facilité un bon début dans ce domaine. En 1923, Dumitru Mociornita achète un terrain aux alentours de Bucarest- à présent quartier à l’intérieur de la capitale- et crée une fabrique de chaussures, qui allait devenir le principal fournisseur spécialisé des Bucarestois. Et c’est aussi la fabrique de Mociornita qui a fourni les chaussures aux soldats roumains durant la Seconde Guerre Mondiale. Dumitru s’est aussi mêlé de politique, étant à maintes reprises sénateur et député du Parti National Libéral. Il a également été le patron d’une équipe de foot, célèbre à l’époque ; elle s’appelait Carmen et elle a été une fois sacrée championne nationale, avant d’être démantelée par les communistes dans les années ’46 — 47. A la différence d’autres industriels tels Auschnitt et Malaxa, qui ont réussi à échapper au régime communiste, en quittant le pays et en passant la fin de leur vie à l’étranger, Mociornita a refusé de partir, même s’il anticipait ce qui allait lui arriver».
Dumitru Mociornita meurt en 1953, après avoir vu sa fortune nationalisée et son fils jeté en prison. Il a été enterré dans la clandestinité au cimetière Bellu, de Bucarest.
Nicolae Malaxa, un autre grand industriel, s’est avéré un peu plus habile que Dumitru Mociornita. Sa capacité à poursuivre ses objectifs et à défendre ses intérêts, quel que soit le régime politique au pouvoir, a suscité des controverses le long des années. N’empêche, les rapports étroits avec tous les régimes politiques et le fait d’avoir financé, paraît-il, presque tous les partis politiques, y compris celui communiste, ont valu à Nicolae Malaxa la prospérité dans les affaires, du moins jusqu’à un certain point.
Nicolae a lui aussi fait ses études à l’étranger, où il s’est spécialisé dans l’ingénierie. Son talent pour les affaires il le met à profit toujours dans le domaine industriel. L’historien Dan Falcan nous dit davantage : «En 1921, Malaxa achète un terrain, situé, à l’époque, aux alentours de Bucarest, à présent, dans les faubourgs de la capitale. C’est là qu’il fait bâtir les usines Malaxa, connues sous le nom des « Usines du 23 août » du temps des communistes et de « Faur» après ’89. Malaxa a mis ces usines sur pied, à l’aide des crédits. Il a beaucoup risqué, vu que son affaire devait à tout prix avoir du succès, afin qu’il puisse rembourser le prêt. Malaxa y fabriquait des produits métallurgiques et sidérurgiques, mais notamment des locomotives. C’est là qu’ont été fabriquées les premières locomotives roumaines. Dans un premier temps, Malaxa y a fait venir des spécialistes et des centaines d’ouvriers allemands, vu que chez nous cette industrie n’en était qu’à ses débuts. Ce sont eux qui ont fabriqué les premières locomotives et ont appris le métier aux ouvriers roumains qui allaient les remplacer. La première locomotive Malaxa fut finalisée en 1927 et les usines sont devenues les meilleures en Europe de l’Est ».
Des usines, Malaxa en avait non seulement à Bucarest, mais aussi dans d’autres villes du pays, dont Resita. C’est là qu’on fabriquait l’automobile Malaxa. Le communisme a malheureusement arrêté son ascension et celle d’autres industriels roumains, dont les usines ont été nationalisées. L’historien Dan Falcan: « Ce qui est intéressant c’est que Malaxa a même été, pendant une certaine période, conseiller auprès des autorités communistes qui avaient nationalisé son usine. Tous ont perdu leur fortune de cette manière. Après la révolution de ’89, leurs descendants ont essayé de les récupérer. La plus présente dans l’espace public a été la nièce de Mociornita, Marie-Rose Mociornita. Pour sa part, Malaxa a eu une fille, qui a épousé George Emil Palade, prix Nobel de médecine en 1974. Leurs enfants sont rentrés en Roumanie et se sont vu accorder quelques dédommagements ».
La nationalisation a malheureusement entraîné une baisse dramatique de l’efficacité et de la compétitivité de ces usines, qui n’ont plus jamais atteint les performances souhaitées par leurs fondateurs…(trad. : Alexandra Pop)