Les problèmes des enfants de Roumanie sous la loupe
Radiographie de la situation des mineurs de l'année dernière faite par l'ONG Sauvez les enfants
Christine Leșcu, 07.08.2024, 07:38
1 enfant roumain sur 5 ne parvient pas à terminer l’école
Il y a peu, l’ONG Sauvez les enfants, Salvații Copiii en roumain, a publié une radiographie de la situation des mineurs dans le pays, radiographie qui met l’accent sur 10 points particulièrement critiques. Il s’agit en partie de situations problématiques bien connues qui se perpétuent depuis longtemps sans trouver de solution. A savoir : 1 enfant roumain sur 5 ne parvient pas à terminer l’école en temps et en heure, chaque année environ 7000 enfants naissent d’une mère mineure, 1200 de ces mères mineures ont déjà un ou deux enfants, plus d’un demi-million d’enfants ont vu au moins l’un de leur parent partir travailler à l’étranger, en zone rural, le taux de mortalité infantile continue à être plus élevé dans les campagnes que dans les villes (6.5% contre 4.2%). A ces problèmes s’en ajoutent d’autres moins discutés dans l’espace public et pourtant tout aussi graves. Ainsi en est-il de la santé émotionnelle et psychique des enfants. Plus de 41% des filles de 15 ans rencontrent des problèmes de sommeil et 57% d’entre elles se sentent souvent nerveuses.
Le bien-être émotionnel
George Roman, le directeur du plaidoyer de Sauvez les enfants déplore la faiblesse des moyens mis en œuvre pour aider ces jeunes : « Le bien-être émotionnel fait référence à la manière dont les autorités investissent dans les structures de santé mentale et de protection des enfants qui ont besoin de soutien, comment les enfants avec des besoins éducatifs spéciaux ou ceux qui sont en situation de handicap. Et nous n’avons pas de résultat positif. L’OMS a mis en évidence le fait qu’il y a des enfants en Roumanie qui présentent des problèmes de sommeil et de contrôle de soi. Ils peuvent se sentir isolés, exclus du groupe, au niveau de l’école ou de la communauté. Il faudrait débloquer des fonds pour permettre l’accès à des séances de psychothérapie, parce que les services sociaux, les directions générales de protection des droits des enfants n’ont qu’un nombre très réduit de psychologues, qui ne sont d’ailleurs pas tous formés à ces problématiques. Il y a peu d’ONG et celles qui existent sont débordées. Par exemple, il y a une longue liste d’attente pour accéder au Centre de santé mentale de Sauvez les enfants. Des enfants en besoin de suivi psychologique doivent parfois attendre entre 3 et 6 mois pour accéder à ce service gratuit ».
Ces problèmes émotionnels sont en partie causés par l’absence des parents partis travailler à l’étranger. Le mirage du départ attire par la suite les jeunes qui ont grandi avec cet horizon.
George Roman : « Plus de la moitié des enfants ne veulent pas rester en Roumanie, et deux des raisons qu’ils avancent pour justifier cette envie de partir sont liées au système éducatif. Un tiers environ d’entre eux a déclaré vouloir partir parce que l’école roumaine n’est pas attractive et qu’ils considèrent qu’ils ne peuvent pas s’y former d’un point de vue professionnel et éducatif. Mais il y a aussi un pourcentage assez important, que nous considérons comme significatif, d’enfants qui veulent quitter le pays parce qu’ils se sentent menacés par la pauvreté ici : entre 21 et 22 % des enfants ont déclaré cela. Ils ne veulent pas vivre dans la pauvreté en Roumanie et veulent donc partir essayer d’accéder à un meilleur niveau de vie à l’étranger, une partie d’entre eux ayant par ailleurs l’exemple de leurs propres parents en tête ».
Les abus sexuels constituent un autre aspect grave.
Seules 20 % des plaintes pour agression sexuel sur mineur aboutissent à un procès.
George Roman : « Il semble que nous soyons vraiment très peu soucieux de combattre ce phénomène. Hormis quelques professionnels du système judiciaire extrêmement compétents et préparés, il y a très peu de personnes au sein des services sociaux au niveau national qui sont réellement investies. Je peux vous donner pour exemple un programme développé par Sauvez les enfants en collaboration avec la Direction générale de protection des droits des enfants du secteur 6 de Bucarest depuis deux ans. C’est, je crois, l’un des rares exemples où l’enfant impliqué dans des procédures judiciaires bénéficie de la protection nécessaire au cours de son audition pour ne pas être traumatisé de nouveau ou simplement tourné en dérision au cours d’audiences qui peuvent compter jusqu’à 14 personnes. Un enfant qui a été abusé sexuellement devrait se remémorer les traumatismes qu’il a vécu devant n’importe quelle personne directement ou indirectement impliquée dans la procédure judiciaire. Je fais référence aux multiples auditions, par la police, le parquet, le tribunal, les services sociaux ».
Dans les rares cas où une plainte d’abus sexuel d’un majeur sur un mineur mène à un procès, les condamnations sont non seulement rares mais 3 sur 5 d’entre elles sont assorties d’une suspension de l’exécution de la peine. Ce qui signifie que l’agresseur va pouvoir réintégrer sa communauté dans laquelle vit également sa victime.
Malgré ce constat accablant, George Roman espère que la radiographie de la situation des mineurs de l’année prochaine montrera quelques améliorations. (Trad. Clémence Lheureux)