La décision de la Cour constitutionnelle roumaine critiquée
La Cour Constitutionnelle de Roumanie est à nouveau la cible de critiques. Pourquoi ?

Bogdan Matei, 30.05.2025, 12:53
La Cour Constitutionnelle de Roumanie est probablement l’institution la plus austère mais aussi la plus effrayante du pays. Ses décisions sont souvent critiquées avec véhémence dans l’espace public, mais légalement, elles ne peuvent plus être contredites par aucune autre instance. Et voilà que jeudi, la Cour Constitutionnelle a décidé que désormais les déclarations de patrimoine et d’intérêts des dignitaires ne seront plus rendues publiques ni sur le site de l’Agence nationale d’intégrité (ANI), ni sur les sites des institutions publiques. Qui plus est, les déclarations ne doivent plus inclure les revenus et le patrimoine des époux et des enfants des dignitaires concernés.
La lutte contre la corruption foulée au pied
Les juges constitutionnels ont émis cette décision, définitive et obligatoire, suite à une saisine déposée il y a six ans déjà par une conseillère de l’Avocat du Peuple, l’équivalent roumain du Défenseur des droits. Elle avait écopé d’une amende de la part de l’Agence nationale de l’Intégrité, pour ne pas avoir communiqué dans sa déclaration de patrimoine, les revenus de son époux, qui étaient confidentiels, selon la fonctionnaire. Conformément à l’Agence nationale d’intégrité, « la décision de la Cour Constitutionnelle de Roumanie annule le caractère public des déclarations de patrimoine et d’intérêts et peut transgresser tous les engagements assumés par la Roumanie au niveau international ces 20 dernières années, en matière de lutte contre la corruption et assurer l’intégrité dans la fonction publique. Et pourtant, une telle décision pourrait compromettre l’adhésion du pays à l’OCDE, les progrès enregistrés par la Roumanie dans le cadre des exercices de monitoring au niveau de l’UE (soit le Rapport sur l’Etat de Droit) ou du Conseil de l’Europe (le groupe d’Etats contre la corruption – GRECO). Le nouveau président roumain, Nicuşor Dan, affirme que la décision de la Cour Constitutionnelle relative aux déclarations de patrimoine contredit un principe essentiel de la démocratie – la transparence dans l’exercice de la fonction publique. »
La transparence, pilier de la démocratie
Le chef de l’Etat rappelle que « l’accès des citoyens aux informations sur les déclarations de patrimoine des dignitaires est une garantie de l’intégrité et de la responsabilité dans l’espace public, et ce principe devrait être fermement défendu ». Il affirme qu’au cas où « la motivation de la décision identifie des manquements de nature technique dans le cadre législatif actuel, il incombe au Parlement de les corriger avec célérité. » Et des voix issues des partis parlementaires de Bucarest ont critiqué la décision des juges constitutionnels. Le leader par intérim du Parti Social Démocrate, Sorin Grindeanu, promet de continuer à publier sa déclaration de patrimoine, contenant aussi les revenus de sa femme. L’eurodéputée de l’Alliance pour l’Union des Roumains, Georgiana Teodorescu affirme que la décision de la Cour est « scandaleuse » puisqu’elle « détruit des années d’efforts visant à rendre la fonction publique plus transparente et plus intègre » et pourrait se traduire par une « main libre dans la gestion de l’argent public, sans aucune trace ni contrôle ». Le président par intérim de l’Union Sauvez la Roumanie, Dominic Fritz, propose une révision rapide de la législation et soutient une réforme de l’Agence nationale à l’intégrité et de l’Agence nationale d’administration fiscale (ANAF), pour qu’elles puissent utiliser la technologie pour vérifier « automatiquement et correctement » le patrimoine des dignitaires.