Un acteur sans voix ?
« L’amour sans paroles » d'Octavian Iacob, première production cinématographique roumaine dédiée aux malentendants vient de sortir en salle
Ana-Maria Cononovici, 23.09.2025, 11:50
Le succès de son documentaire « L’amour sans paroles » lancé en 2024 et traitant de l’hypoacousie, a poussé le réalisateur roumain Octavian Iacob de reprendre ses tournages pour en faire un long-métrage. Le film, première production cinématographique roumaine dédiée aux malentendants vient de sortir en salle. Le cinéaste Octavian Iacob nous en parle :
« Après le succès de mon documentaire, multiprimé à l’internationale et nominé à Cannes, j’ai décidé, avec le concours de l’Association nationale des malentendants, de continuer les tournages pour faire un long-métrage, afin d’attirer en salle le plus de monde possible. On s’est dit, allez, on va essayer un film atypique, un film où le langage licencieux ne trouve pas sa place, un film qui privilégie la sensibilité humaine, tout en rappelant que les personnes malentendantes vivent parmi nous et cherchent notre soutien et notre compréhension. C’est une histoire d’amour, mais aussi un thriller, j’espère donc que ça va vous plaire ».
Une rencontre entre deux cultures
Parmi les têtes d’affiche on retrouve Constantin Cotimanis, que les cinéphiles connaissent et aiment bien. Il témoigne de son expérience vis-à-vis de ce film :
« C’est un film hors-normes, cela est sûr et certain, mais un film nécessaire, puisqu’il est construit entre deux univers, deux cultures mêmes, dont l’une appartient à la normalité telle que la plupart d’entre nous la conçoivent et l’autre à une normalité réservée à un groupe restreint d’individus. Mon rôle est encore une fois, un rôle négatif, j’aime bien montrer au public la saleté de certains d’entre nous, ce visage caché qu’on n’aime pas regarder. Le film parle de l’amour, de l’attraction des deux mondes, chacun merveilleux à sa manière. Je suis très content d’avoir fait ce film. C’est un film sensible et nécessaire, un bonheur ! »
Pour ce rôle, Constantin Cotimanis a collaboré avec des personnes malentendantes. Une expérience enrichissante, d’après le comédien :
« J’ai été obligé d’apprendre quelques signes, ne serait-ce que pour pouvoir communiquer avec mes deux fils, dans le film. Mon personnage a deux garçons dont un est typique de tous les points de vue, tandis que l’autre est génial, mais malentendant. Par conséquent, mon personnage se voit obliger d’apprendre la langue des signes pour réussir la communication. Le réalisateur a utilisé des figurants qui savaient parler avec les mains. »
Le réalisateur Octavian Iacob, ajoute:
« Ce film nous a donné une leçon de vie ! Déjà, on devrait tous savoir que les personnes malentendantes, qui utilisent des signes pour communiquer, accompagnés parfois de petits sons bizarres et agaçants, ne sont pas muettes. En raison de leur handicap, ces individus ont développé une superpuissance, à savoir lire sur les lèvres. Ils sont très perspicaces et comprennent énormément de choses que nous, par ce film, on a pu montrer à tout le monde. Nous avons voulu apprendre au public comment se débrouillent les malentendants dans leur quotidien, comment font pour utiliser un téléphone qu’ils n’entendent pas sonner, comment font pour éviter les accidents, ainsi de suite. »
Des difficultés oui, mais pas des entraves
L’actrice Monica Davidescu joue le rôle de Mme Lovin, pion de base au sein d’une grande corporation. Elle parle des défis qu’elle a dû relever lors du tournage :
« Ce film a été un réel défi. Tout le monde a été très gentil, l’interprète, Bogdan Aricescu, m’a appris quelques signes, pour m’en servir durant les scènes filmées ensemble. Nous avons beaucoup répété. Le réalisateur Octavian Iacob a beaucoup travaillé avec nous afin que nous passions pour des personnes maitrisant réellement ce langage. Il y a eu aussi des défis. Par exemple, lors d’une scène avec beaucoup de figuration, je m’attendais à ce que l’ambiance soit explosive, avec du brouhaha, de la musique, or, je me suis retrouvée plongée dans un silence total, car la plupart des figurants étaient eux-aussi des malentendants. Et Bogdan leur expliquait ce qu’ils avaient à faire. Je me souviens qu’à un moment donné, on a même rigolé quand il leur a dit d’applaudir à notre manière à nous, en frappant des mains et non pas en les secouant, comme ils applaudissaient normalement, dans le langage des signes ».
Aux dires de l’actrice Monica Davidescu, la surdité ne devrait pas constituer un empêchement pour faire carrière dans le cinéma.
« Je pense que ces gens-là pourraient faire du cinéma. Je prends l’exemple de mes deux collègues malentendants qui ont joué les rôles principaux. Malgré toutes leurs émotions, ils sont restés tellement calmes, tellement surs d’eux-mêmes. Notamment Jeni, qui était à sa première expérience cinématographique et pourtant, elle a fait un rôle extraordinaire. Je me suis réjouie de voir des gens si heureux de pouvoir faire une chose qu’ils ne se sentaient pas capable de faire, mais dont ils rêvaient depuis longtemps ».
Et Octavian Iacob d’ajouter:
« L’actrice principale est en ce moment en congé de maternité après avoir accouché de son deuxième enfant. Sinon, je sais qu’elle travaille en tant que consultante, pour une grande société. Eduard Iacobache, celui qui joue le rôle du fils malentendant est étudiant. Quant aux figurants, la plupart d’entre eux travaillent dans les Ventes, sur des grandes surfaces. Ils n’ont pas eu besoin de leur voix pour se faire remarquer, mais juste de leur visage »
Si l’histoire de ce film a suscité votre intérêt, n’hésitez pas d’aller le voir en salle de cinéma.