La lumière au cœur de la ville
Pendant près de trois siècles, la Cathédrale Saints-Pierre-et-Paul, érigée à Saint-Pétersbourg par Pierre le Grand, fut la plus haute église orthodoxe du monde. Jusqu’à aujourd’hui. Le 26 octobre dernier, après plus d’un siècle de projets avortés et quinze années de construction effective, la Cathédrale nationale de Roumanie a ouvert ses portes dans un pays où 85 % des citoyens se déclarent orthodoxes.
Corina Cristea, 14.11.2025, 13:00
Des milliers de pèlerins, de hauts dignitaires religieux et de responsables politiques ont participé à Bucarest à la grande cérémonie d’inauguration, présidée par le Patriarche œcuménique Bartholomée Ier, chef spirituel des chrétiens orthodoxes du monde entier, aux côtés du Patriarche roumain Daniel. Mais le projet d’ériger une cathédrale nationale remonte à la période qui suivit l’indépendance de la Roumanie, en 1877-1878. Aussi, en 1882, le roi Carol Ier promulgue une première loi en faveur de ce projet. Pourtant, les aléas de l’histoire, deux guerres mondiales, des décennies de régime communiste et une transition politique fragile avant l’adhésion du pays à l’Union européenne ont sans cesse repoussé sa réalisation. Après 2007, l’État et le Patriarcat roumain ont relancé conjointement le projet, aujourd’hui devenu réalité.
Plus qu’un monument – un lieu d’espérance et de mémoire
Édifiée au centre politique de la capitale, à côté du Palais du Parlement, la Cathédrale nationale est bien plus qu’un monument de pierre et de marbre : elle se veut signe de continuité, lieu de mémoire et d’espérance. Elle pose aussi une question tournée vers l’avenir : Comment transformer ce symbole en action concrète, en aide pour les plus démunis, en projets éducatifs, culturels ou sociaux capables de rassembler ? Son architecture combine des éléments traditionnels roumains à des influences byzantines et occidentales. La plus haute de ses coupoles dorées culmine à 127 mètres. Les mosaïques, réalisées avec plus de 2.500 nuances de pierres sur une surface de 25.000 m², proviennent de Venise et de Carrare.
Dans son homélie, le Patriarche Bartholomée Ier a souligné la valeur spirituelle et artistique de cette œuvre monumentale :
« En particulier, la peinture de l’église, du Christ Pantocrator dans la coupole jusqu’à la Vierge Platytera dans l’abside, avec tous les saints représentés sur les murs et les voûtes, fait descendre mystérieusement le Ciel sur la Terre. L’art byzantin de l’icône et de la mosaïque a donné naissance à des chefs-d’œuvre uniques et impérissables, conservés jusqu’à aujourd’hui à Constantinople. »
La Cathédrale nationale est placée sous le double patronage de « l’Ascension du Seigneur — Journée des Héros » et de « saint André, le premier appelé », protecteur de la Roumanie. La coupole principale, celle du Pantocrator, abrite une immense icône du Christ de 12 mètres de diamètre, dont le visage mesure à lui seul 4,5 mètres. Quant à l’icône de la Vierge Platytera, haute de 16 mètres, elle constitue la plus grande représentation en mosaïque de la Mère de Dieu en Roumanie, et l’une des plus vastes du monde orthodoxe. Partout, la mosaïque donne aux images un dynamisme unique, changeant selon la lumière du jour et le regard du visiteur, animant les figures saintes d’une vibration presque vivante. Plus de 200 artistes spécialisés dans la mosaïque byzantine ont travaillé pendant sept ans à leur réalisation. Le peintre Daniel Codrescu, coordinateur de l’équipe, explique le sens de cette composition :
La lumière
« L’idée de lumière peut s’exprimer de bien des manières. La combinaison du blanc et de l’or, le jeu des reflets d’une zone à l’autre, tout cela porte un message théologique. Le fait d’avoir réservé l’or aux zones clés du plan iconographique — la Vierge Platytera, le Pantocrator, la Vierge Orante, les voûtes des absides — enrichit aussi les espaces environnants. »
L’intérieur peut accueillir jusqu’à 5 000 fidèles. On y trouve l’iconostase la plus vaste du monde, composée de quarante-cinq icônes disposées sur quatre registres, ainsi que la plus grande iconostase sculptée. Le plus grand clocher oscillant d’Europe y résonne également, tandis que sous l’esplanade a été aménagée la « Grotte de saint André », comprenant un espace souterrain de 6.900 places destiné aux activités culturelles, catéchétiques et muséales.
Pour beaucoup de Roumains, la Cathédrale nationale est un symbole d’identité, de continuité et de foi. Pour d’autres, elle soulève des interrogations sur les priorités d’une société confrontée à des besoins urgents dans l’éducation, la santé ou les infrastructures. Son coût s’élève à environ 270 millions d’euros, financés par des dons, la contribution du Patriarcat et des fonds publics. Dans son discours, le Patriarche Daniel a exprimé sa gratitude :
« Nous remercions tous les bienfaiteurs, sponsors et donateurs, anonymes ou nommés, qui ont souhaité être commémorés à l’autel pour leur soutien à la réalisation de cet idéal roumain, en cette année riche en significations pour le centenaire du Patriarcat de l’Église orthodoxe roumaine. »
En effet, c’est en cette année de jubilée que l’Église a souhaité consacrer les fresques de la Cathédrale nationale, marquant les cent ans de l’élévation de l’Église orthodoxe roumaine au rang de Patriarcat. Toujours en 2025, elle célèbrera également les 140 années depuis la reconnaissance officielle de son statut d’Église autocéphale.
(Trad Ionut Jugureanu)