Ces crimes qui pourraient faire changer la loi en Roumanie
Sur toile des fonde de la multiplication des cas de violences contre les femmes, plusieurs ONGs de Roumanie souhaitent que le féminicide soit reconnu par loi en tant que type distinct de crime.
Roxana Vasile, 26.11.2025, 10:01
51 cas de féminicide dans 10 mois
En 2025, dans l’espace de 10 mois – de janvier à début novembre, la Roumanie a recensé 51 cas de féminicide. Selon les statistiques, cela signifie que presque chaque semaine, au moins une femme a été tuée, le plus souvent par son conjoint. Le crime le plus récent a eu lieu dans le département de Teleorman (sud), où une jeune femme de 25 ans, mère de trois enfants, a été tuée par son ex-mari devant une église. Toute la scène a été enregistrée par les caméras de vidéosurveillance avoisinantes. La femme a été poignardée par 15 coups de couteau, sous les regards de l’un de ses enfants âgé de seulement trois ans. Cela, en dépit du fait que la victime bénéficiait d’un ordre de protection provisoire contre l’homme qui l’avait battue, enlevée et violée par le passé. Des faits qui, n’ont pourtant pas empêché la police de le mettre en liberté. Les hommes de la loi se défendent affirmant que l’homicide a été possible parce que la femme aurait refusé de porter un dispositif de surveillance électronique – un bracelet qui aurait alerté les autorités en cas de rapprochement physique avec l’agresseur.
Selon les chiffres officiels, sur les plus de 11 000 ordres de protection provisoires émis depuis le début de l’année, près de 4 000 ont été enfreints par les agresseurs.
Les victimes sont souvent blâmées
Les experts du domaine soulignent que la responsabilité ne peut pas reposer sur les épaules des victimes, puisque c’est l’Etat qui devrait leur offrir des services réels de protection et d’information. Or, la violence contre les femmes est insuffisamment sanctionnée, voire même transformée en prétexte pour en blâmer les victimes – affirment d’avis les ONGs militant pour la protection des femmes.
Des actions concrètes pour prévenir la violence domestique
Par conséquent, elles demandent aux responsables de mettre en place des actions concrètes pour prévenir les faits de violence domestique. Concrètement, les ONGs demandent que le féminicide soit reconnu en tant que forme distincte de crime, soit le meurtre d’une femme pour des raisons de genre, c’est-à-dire un crime commis pour la simple raison que la victime est une femme.
Déjà, des Etats tels la Belgique, la Croatie, Chypre, la Turquie et la Macédoine reconnaissent le féminicide dans leur législation et en Italie, ce crime est puni par la prison ferme à perpétuité.
Une nouvelle loi en débat public en Roumanie
Entre temps, en Roumanie, début novembre le ministère de la Justice a soumis au débat public une initiative législative conformément à laquelle tuer pour des raisons de genre pourrait être puni aussi par des peines de prison ferme à vie – selon l’annonce faite par le ministre Radu Marinescu. Et de préciser qu’actuellement le Parlement débat d’une initiative qui souhaite incriminer l’infraction de féminicide de manière explicite et distincte dans la législation pénale de Roumanie.
Signé par plus de 250 sénateurs et députés de la coalition gouvernementale, le projet de prévention et de lutte contre le féminicide propose des peines plus dures contre les agresseurs, ainsi que la création d’un Observatoire national d’analyse et de prévention des meurtres. Celui-ci élaborera annuellement des rapports sur les victimes, les agressions et les causes, afin de mieux comprendre et combattre le phénomène, selon la présidente de la Commission parlementaire spécialisée en charge de la prévention, de la lutte et de la sanction de la violence domestique, la sénatrice du Parti national libéral, Alina Gorghiu, qui a souligné que :
« La loi oblige la police, le parquet et la médecine légale à collecter et à publier des données sur tous les cas ».
Le projet prévoit également des peines significativement majorées, surtout si les actes de violence et les crimes se déroulent devant un enfant.
Simona Spătaru, sénatrice de l’Union Sauvez la Roumanie (USR) précise : « Ce type de meurtre sera sanctionné par des peines de prison à perpétuité, étant donné que l’on a découvert de multiples cas d’agresseurs mis en liberté après une peine de 3 à 5 ans, qui n’ont pas hésité à tuer encore une femme et ensuite une autre. »
Le gouvernement de Bucarest envisage également d’éduquer les enfants à l’école afin de prévenir les comportements violents.
Victoria Stoiciu, sénatrice sociale-libérale renchérit : « Le féminicide survient au bout d’une chaîne d’agressions contre les femmes, une chaîne qui, si elle n’est pas interrompue à temps, conduit au meurtre. »
La Députée d’Union Démocrate Magyare de Roumanie (UDMR), Eva Csép, souhaite quant à elle que les institutions compétentes répondent rapidement à toutes les demandes des femmes victimes de violences :
« On ne peut pas parler d’une Roumanie sans violences domestiques si les citoyens ne font pas confiance aux institutions, si l’on n’investit pas davantage dans la prévention, si l’on n’investit pas dans l’éducation ».
Etant donné le grand nombre d’agressions survenues depuis le début de cette année, les signataires du document ont demandé que le projet de loi soit débattu en procédure d’urgence.
Les ONGs se mobilisent
Une cinquantaine d’ONGs ont également souligné l’urgence de la situation et ont unanimement exhorté le Parlement à accélérer le processus d’adoption du projet de loi visant à prévenir et à combattre les féminicides, ainsi que les violences qui les précèdent. « Cette année, plus que jamais, la société tout entière a constaté l’échec des autorités en matière de sécurité des femmes. Dans les cas de féminicides, il existait un antécédent de violence, parfois connu des autorités ou de la communauté, et ces féminicides auraient pu être évités », déplorent ces organisations.
La société civile contribue à sa manière
En attendant, la société civile adopte les mesures de prévention à sa portée. A Cluj par exemple, de plus en plus de bars et de boites de nuit adoptent le « Angel shot », un code verbal spécialement conçu pour aider les femmes et les filles qui se sentent en danger lorsqu’elles sortent en ville. Utilisant ce mot de passe pour commander un « Angel shot », une femme qui se sent menacée peut alerter le personnel du bar. Si tels est le cas, la priorité c’est d’escorter dehors la personne en question, pour l’aider ensuite à appeler un taxi et, en cas de violence grave, d’appeler la police. Le plus important c’est de ne jamais laisser la potentielle victime seule. (trad. Alex Diaconescu)