« Alice On & Off », un début remarquable
Dans son premier film documentaire, « Alice On & Off », la réalisatrice Isabela Tenț raconte l’histoire d’une jeune fille bloquée dans un moule traumatique. Selon la critique c'est "un portrait de famille qui nous hante longtemps après le générique de la fin".
Corina Sabău, 13.12.2025, 10:14
L’histoire d’une jeune fille bloquée dans un moule traumatique
Dans son premier film documentaire, « Alice On & Off », la réalisatrice Isabela Tenț raconte l’histoire d’une jeune fille bloquée dans un moule traumatique. Privée de l’affection de ses parents, Alice, une adolescente de seize ans, tombe amoureuse d’un quinquagénaire, Dorian, accepte de l’épouser et, quelque temps plus tard, elle accouche d’un petit Aristo. Pour nourrir sa famille, Alice doit abandonner ses études de beaux-arts et gagner de l’argent en pratiquant le tchat vidéo. En même temps, les difficultés financières la poussent à chercher refuge dans la drogue. Motivée par le désir de rester présente dans la vie de son fils, elle veut sortir de cette dépendance, mais ses efforts semblent échouer. Voilà le résumé de l’histoire racontée par le documentaire « Alice On & Off ».
Un documentaire récompensé de nombreux prix
Récompensé en 2024 de plusieurs prix – celui du meilleur début aux Journées du film roumain et du prix FIPRESCI au TIFF/le Festival international du film Transilvania, ainsi que du prix du meilleur documentaire roumain à l’Astra Film Festival, le film « Alice On & Off » s’est vu attribuer cette année le prix Gopo (le César roumain) du meilleur documentaire. Projeté en première mondiale au Festival du film de Cracovie, en Pologne, le documentaire d’Isabela Tenț a également été présenté dans d’autres festivals importants, tels que celui de Sarajevo, en Bosnie, d’Indie Cork, en Irlande, et Doku Baku d’Azerbaïdjan, où il a remporté une Mention spéciale du jury.
Les débuts d’Isabela Tenț
Invitée au micro de RRI, Isabela Tenț a parlé de sa découverte du cinéma à l’adolescence, lorsqu’elle rêvait de devenir neurochirurgienne. Ses rêves et sa vie ont changé grâce à la participation à un atelier « Let’s Go Digital! », un des projets les plus populaires du Festival international du film Transilvania, ayant pour but de promouvoir l’éducation au cinéma parmi les adolescents et la découverte de nouveaux talents, affirme Isabela Tenț.
« À la fin de cet atelier, nous avons participé à un dialogue avec les invités et les coordinateurs. C’est lors de cet échange que Sorin Botoșeneanu, le doyen de la Faculté de Film de l’Université nationale d’Art théâtrale et cinématographique « Ion Luca Caragiale » de Bucarest, a voulu savoir si j’étais intéressée par la réalisation de film. Ça a été décisif pour moi, malgré la réponse négative que je lui avais donnée, car je continuais à rêver d’étudier la médecine. Mais sa question m’est restée et lorsque j’ai passé en Terminale, j’ai informé mes parents du changement de mon option et de la décision de faire des études de cinéma. Il a fallu attendre plusieurs années pour qu’ils comprennent enfin que j’étais bien, que j’étais même très heureuse d’avoir pris cette décision. Je me rends compte que j’ai commencé à m’inspirer du travail de certains cinéastes seulement après avoir choisi mon chemin. Par exemple, du travail d’Agnès Varda, une réalisatrice qui a réussi à passer de façon fabuleuse du documentaire à la fiction. »
Un tournage compliqué
Isabela Tenț a ensuite expliqué le processus de production du film et les défis qu’elle avait dû surmonter durant la dizaine d’années de travail.
« C’était compliqué, mais je ne regrette rien. C’était à la fois compliqué et douloureux, parce qu’au fur et à mesure que le tournage avançait, je commençais à comprendre certaines choses liées à ma propre famille. Parfois, il est difficile de plancher trois mois sur un projet, alors dix ans… Lorsqu’Alice s’est mise à parler de son enfance, du traitement et du manque d’affection subis de la part sa famille, j’ai commencé à réfléchir avec elle. Je crois de plus en plus que ma génération est consciente des traumatismes qu’elle a vécus. C’est du moins ce que je veux croire, et c’est ce que le film dit d’ailleurs, il me semble qu’au moins nous essayons de rompre ce cercle vicieux. Que l’on réussisse ou non, je crois qu’il est essentiel de l’affronter. À l’heure actuelle, ce besoin de parler d’un traumatisme est très présent. Et je peux vous dire que le travail sur ce film a été une montagne-russe d’émotions et d’états d’âme, mais aussi d’informations. »
L’avis de la critique
Le jury de l’Astra Film Festival a expliqué ainsi sa décision de récompenser le documentaire d’Isabela Tenț :
« Le documentaire gagnant du prix du meilleur film est un portrait de famille qui nous hante longtemps après le générique de la fin. Résultat d’un effort de réalisation tenace, étendu sur dix ans, ce documentaire met en lumière une adolescente artiste devenue mère, dans un univers liminal, ténébreux, brutal et plein de risques. Une relation, qui oscille entre compassion et exploitation, entre attraction et dégoût, nous permet de découvrir un monde dans lequel la survie est constamment remise en question. C’est pour les défis surmontés par l’équipe de production du film, c’est aussi pour la solidarité et l’empathie envers des héros vulnérables et imparfaits, que le prix du meilleur fil de la Compétition Roumanie est attribué au film « Alice On and Off » », a conclu le jury d’Astra Film Festival sa motivation. (Trad. Ileana Ţăroi)