La banlieue bucarestoise à l’entre-deux-guerres…
... dans les photos exposées au Palais Sutu de Bucarest.
Ion Puican, 28.10.2023, 00:37
En septembre dernier, le Musée de la capitale roumaine a inauguré une
exposition qui invite les visiteurs à une incursion dans l’histoire de
Bucarest, de 1918 à 1939, soit durant les années qui ont séparé les deux
guerres mondiales. Jusqu’au mois de novembre, le public est attendu au Palais
Sutu, au centre-ville historique, pour découvrir des « Aspects de la
banlieue bucarestoise de l’entre-deux-guerres ». Capitale de la Roumanie,
Bucarest est, avec ses 2 millions d’habitants, le centre industriel et
commercial le plus important du pays, principal pôle artistique, culturel et
médiatique de chez nous. Attesté pour la première fois en 1459, il devient
en 1862 capitale des Principautés roumaines de Valachie et de Moldavie.
Pour
plus de détails sur certains aspects liés à l’histoire de Bucarest de l’entre-deux-guerres,
nous avons interrogé le muséographe et commissaire d’exposition, Cezar Petre Buiumaci:
« L’idée d’une telle exposition est venue de la nécessité de
présenter au public les transformations de la capitale au fil des années,
notamment entre les deux guerres quand elle a subi l’une des plus grandes
expansions territoriales. Cet accroissement s’explique par le fait que Bucarest
est resté une cité ouverte, accueillante, malgré les tentatives de limiter son
extension géographique et démographique. Le fait d’avoir fixé la capitale de la
Valachie au bord de la Dambovita avant de faire de cette même ville capitale
des Principautés unies et plus tard, de la Roumanie, a créé un véritable mirage
qui n’a pas cessé de séduire les gens. Voilà pourquoi, Bucarest a attiré des
allogènes qui s’y sont installés avec leur propre bagage culturel, en
transformant la ville en une métropole multiculturelle. Mais puisque la plupart
des étrangers qui y arrivaient étaient moins fortunés, ils optaient pour des
quartiers périphériques, en contribuant de cette manière à l’élargissement de
la ville ».
Le Musée de la capitale roumaine possède une série de photographies de la
banlieue bucarestoise, plus précisément des zones vers lesquelles la ville
allait s’élargir et qui ont disparu durant la deuxième partie du siècle
dernier.
Qu’est-ce que le muséographe Cezar Buiumaci s’est-il proposé à réaliser à travers
cette exposition mise en place à l’aide des ressources issues du patrimoine du
Musée?
« J’ai essayé et j’espère avoir réussi à réaliser un miroir de
la périphérie urbaine d’une ville en plein essor. La dynamique de Bucarest est
unique dans le paysage roumain, son élargissement étant constant – d’où le
permanent changement auquel nous assistons. Si au 17e siècle la ville
s’arrêtait vers la zone de l’actuelle Place de l’Université, au début du 19e
siècle elle arrivait jusqu’à la zone où se trouve aujourd’hui l’Athénée
roumain, pour arriver à la fin du 19e siècle à la Place de la
Victoire, en suivant une route circulaire périphérique sur un parcours reliant
les principales gares de la ville. Pour mieux comprendre le phénomène de la croissance
géographique de Bucarest, il faut aussi fouiller dans les données statistiques.
Celles-ci présentent les données démographiques suivantes : en 1831,
Bucarest recensait environ 60 000 habitants. En 1859 le nombre d’habitants en
avait doublé. En 1878 on a le triple, pour arriver à 230 000 habitants à la fin
du 19 siècle et à 300 000 au début du 20e. En 1930, c’est-à-dire au
milieu de l’entre-deux-guerres, Bucarest comptait 640 000 habitants, puis
1 million – au milieu du siècle passé et le double dans les années 1980. »
Et alors, que peut-on voir concrètement dans le cadre de cette exposition
proposée par le palais Suțu ? Cezar Buiumaci nous guide :
« Notre exposition présente la périphérie de la ville,
selon un itinéraire qui suit la route mentionnée antérieurement, avec tout ce
qui se trouvait à ce moment-là à l’extérieur de ce boulevard périphérique, à
savoir des zones qui allaient être démolies et qui avaient été documentées sur
demande de l’administration locale par les grands photographes de l’époque. Il
s’agit de 60 photographies, donc 60 clichés montrant des aspects de la vie dans
ces quartiers-là. On peut voir les anciens troquets, les rues avant d’être asphaltées,
les grands boulevards qui marquaient la sortie de la ville avant d’être pavés
et des zones qui sont carrément méconnues aujourd’hui. On peut aussi y voir les
gens se baigner dans les lacs ou laver leurs animaux et leurs automobiles. On
les voit sortir la glace de l’étang durant l’hiver pour mettre à froid les
aliments pendant l’été. On voit aussi comment l’on ferrait les chevaux ou l’on
faisait pâtre les moutons dans la zone connue aujourd’hui comme Calea Plevnei
(pas loin du centre-ville actuel). C’est ce type d’images que nous exposons.
Elles avaient été commandées par la municipalité pour présenter la périphérie
de la capitale de cette époque-là. ».
Voilà donc, une belle occasion de voir la capitale telle qu’elle était il y
a des décennies et à réfléchir à son évolution passée et future. A découvrir au
Musée de la ville de Bucarest. (Trad. Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)