Le dramaturge Matei Vișniec, Docteur Honoris Causa de l’UNATC
Le dramaturge Matei Vișniec, l’auteur roumain
contemporain le plus présent à l’affiche des théâtres de Roumanie, s’est vu
remettre le titre de Docteur Honoris Causa en marge des festivités marquant le
73ème anniversaire de l’Université d’Art théâtrale et de
Cinématographie de Bucarest. En 2018, Vișniec a été nommé par la France Chevalier
des Arts et des Lettres. Dans son discours lors de la cérémonie de remise du
titre de Docteur Honoris Causa, Vișniec s’est penché sur le théâtre indépendant
et ses artistes et sur la nécessité pour l’Etat roumain de mettre en place une
stratégie nationale pour les soutenir. Il a également rendu hommage au grand
critique de théâtre George Banu, décédé en janvier dernier, et a mis en
évidence sa relation avec la Roumanie et la France, les deux pays où il s’est
formé et a créé.
Corina Sabău, 22.07.2023, 10:25
Le dramaturge Matei Vișniec, l’auteur roumain
contemporain le plus présent à l’affiche des théâtres de Roumanie, s’est vu
remettre le titre de Docteur Honoris Causa en marge des festivités marquant le
73ème anniversaire de l’Université d’Art théâtrale et de
Cinématographie de Bucarest. En 2018, Vișniec a été nommé par la France Chevalier
des Arts et des Lettres. Dans son discours lors de la cérémonie de remise du
titre de Docteur Honoris Causa, Vișniec s’est penché sur le théâtre indépendant
et ses artistes et sur la nécessité pour l’Etat roumain de mettre en place une
stratégie nationale pour les soutenir. Il a également rendu hommage au grand
critique de théâtre George Banu, décédé en janvier dernier, et a mis en
évidence sa relation avec la Roumanie et la France, les deux pays où il s’est
formé et a créé.
Poète, dramaturge, romancier et journaliste, Matei
Vişniec est né le 29 janvier 1956 à Rădăuţi, dans le nord de la Roumanie. Il a
fait ses débuts littéraires en 1972, lorsque la revue Luceafarul publie
plusieurs de ses poèmes. Il figure parmi les fondateurs du Cénacle de lundi
ayant à sa tête le critique littéraire et professeur des universités, Nicolae
Manolescu. Sa bibliographie comporte sept recueils de poésie, sept romans dont
« Syndrome de panique dans la Ville Lumière», « Amours du type
soulier, amours du type parapluie » ou encore « Monsieur K
libéré », un recueil de nouvelles et plus de 50 pièces de théâtre. En 1987,
il quitte la Roumanie, et arrive en France où il demande l’asile politique. Il
commence à écrire des pièces de théâtre en français et travaille comme
journaliste pour Radio France internationale. Après la chute du communisme, en
décembre 1989, il partage son activité entre la France et la Roumanie, entre deux
cultures et deux langues. Ses pièces de théâtre sont traduites dans une
trentaine de langues et sont intégrées dans les répertoires des théâtres de
plus de trente pays. Le nom de Matei Vișniec figure aussi dans « Le
dictionnaire des étrangers qui ont fait la France ».
Matei Vișniec : « Ce dictionnaire est très
intéressant pour montrer l’ouverture et la force culturelle de la France.
L’ouvrage répertorie quelque quatre milles noms depuis la Révolution française
jusqu’à aujourd’hui, donc depuis 1793 jusqu’à nos jours. Il présente les
étrangers venus en France et ayant eu une contribution significative à la
culture et à la spiritualité française. Parmi eux, les Roumains dont la
participation fut extrêmement importante. Les Roumains ont commencé à voyager
en France vers la fin du XIXème siècle et se sont imposés dans des domaines très
divers. Je voudrais mentionner un des noms que l’on oublie souvent. Celui d’un
comédien originaire de Iasi qui, après des études de théâtre, est devenu une
grande star du film muet et des comédies de boulevard. Son nom ou plutôt son
nom de scène était Eduard de Max. D’autres
Roumains figurent dans les pages de ce dictionnaire. Parmi eux, le regretté
critique de théâtre, George Banu. Il est considéré comme un théâtrologue
français d’origine roumaine, puisque son œuvre n’est pratiquement écrite qu’en
français, même s’il a pris soin par la suite de la traduire en roumain pour la
faire publier en dans son pays d’origine aussi. Ce dictionnaire arrive à mettre
en lumière la forte contribution des Roumains à la culture française et je me
réjouis d’en faire partie. Surtout que j’ai écrit une trentaine de pièces de
théâtre en français, dont plusieurs sont parues chez des éditions importantes
telles Actes Sud. Mes textes ont été joués des centaines de fois par
différentes compagnies indépendantes françaises et presque chaque année, au
moins une de mes pièces est entrée en sélection au Festival d’Avignon. J’ai
toujours essayé de créer des ponts entre la France et la Roumanie, de
m’inspirer de ce que la France m’offrait pour encourager les Roumains à faire
de même. Pour moi, la France a représenté une grande ouverture, elle m’a donné
des ailes, sans me couper mes racines. Parce que moi, je me suis formé en
Roumanie, j’ai la sensibilité d’une âme d’écrivain roumain et de l’Europe de
l’Est et la poésie, c’est surtout en roumain qu’elle fait vibrer mon
cœur ».
Depuis 2016, le théâtre
municipal de Suceava, dans le nord-est de la Roumanie, porte le nom du célèbre
dramaturge Matei Vișniec.
Ecoutons-le :
« A ma connaissance, ce théâtre est le dernier de
Roumanie créé par des fonds publics. Avant son ouverture il y a sept ans, j’avais
lancé un festival de théâtre à Suceava avec l’appui de la regrettée poétesse Carmen Veronica Steiciuc, les membres du Rotary
Club, de l’Association Bucovina, bref autant de personnes aux grandes qualités
humaines et très enthousiastes. Et grâce à ce festival, on est arrivé à faire
venir dans la salle de spectacles les habitants de la ville pour leur présenter
des spectacles importants de toute la Roumanie. C’est grâce à cette
manifestation qu’on a compris que Suceava avait besoin d’un théâtre de
professionnels, d’un théâtre d’art, avec des comédiens qui prennent le pouls de
la ville, qui répondent aux besoins culturels des gens et qui deviennent des
célébrités locales. Heureusement, ce théâtre existe et c’est formidable de voir
que les dix acteurs qui vivent à Suceava et qui forment la troupe du Théâtre
Matei Visniec arrivent à produire au moins quatre spectacles par an.
D’ailleurs, comme je l’ai déjà dit par le passé, ce théâtre a mis en place
plusieurs projets importants. »
Fin mars, le Théâtre national
Ion Luca Caragiale de Bucarest présente en première le spectacle « Le mot
progrès dans la bouche de ma mère sonnait faux », d’après un texte de
Matei Visniec. La mise est scène porte la signature de Botond Nagy, qui a déjà réalisé plusieurs spectacles sur
les textes de Visniec. Parmi eux, « Le retour à la maison » qui présente
l’absurdité du sacrifice humain en temps de guerre. Production du Théâtre
Matei Vişniec de Suceava, le spectacle a été sélectionné dans le
cadre du Festival national de théâtre, édition 2022.