Le Palais Bracovan de Potlogi
A la tête de la Valachie de 1688 à 1714, Constantin Brâncoveanu (Brancovan) a eu un des règnes les plus longs et les plus fleurissants de l’histoire de cette principauté roumaine. A son époque, le sud de la Roumanie actuelle a connu un grand essor culturel et spirituel, comme en témoignent les nombreux palais et lieux de culte construits dans le style architectural connu depuis sous le nom de brâncovenesc (brancovan). Déchu par les Ottomans, le prince Constantin Brancovan fut emprisonné en 1714, à Constantinople, avant d’être décapité, le 15 août 1714, avec ses quatre fils et son conseiller, Ianache Văcărescu.
Ion Puican, 31.10.2020, 07:43
Aujourd’hui, nous vous proposons de rendre hommage à cette personnalité éclairée de l’histoire de la Roumanie, en visitant un de ses anciens palais, celui de Potlogi. Pour nous y rendre, il suffit de monter en voiture et d’emprunter l’autoroute A 1 jusqu’à la petite localité de Potlogi, dans le département de Dâmbovița. Ouvert récemment au grand public, l’édifice nous sera présenté par Ovidiu Cârstina, à la tête du Complexe national du Musée de la Cour Princière de Târgovişte, sous les auspices duquel se trouve aussi l’ensemble architectural de Potlogi:« Ce fut grâce à un financement européen mis à profit suite à un projet du Conseil départemental de Dâmbovița que le Palais brancovan de Potlogi fut enfin ressuscité. Aujourd’hui, c’est un endroit vivant, sensationnel, vibrant et chargé d’histoire puisqu’il s’agit du premier palais des quatre que le prince Constantin Brancovan a fait construire pour ses quatre fils. Le prince avait déjà un domaine à Potlogi, une localité qui, à regarder de plus près, se trouve justement au milieu de l’ancienne route reliant Târgovişte à Bucarest, à 40 kilomètres entre ces deux villes, la distance maximale que le cortège princier pouvait parcourir à l’époque, en un seul jour. Constantin Brancovan avait un attachement particulier à la ville de Târgovişte puisqu’il y avait passé son enfance. Voilà pourquoi, avec le feu vert de la Sublime Porte, il a trouvé les ressources financières pour refaire la Cour princière, son palais et les dépendances. Il profitait des terres qu’il détenait dans la région pour s’y rendre notamment en fin d’été – début d’automne sous prétexte de surveiller les vendanges. Dressé en peu de temps, le Palais de Potlogi fut construit pour le fils aîné du prince, Constantin, que son père espérait voir installé sur le trône de la Valachie. La configuration actuelle de l’édifice est particulière : d’abord, sur les quatre palais, il est le seul qui de nos jours encore se rapproche de sa forme initiale. A la différence du Palais de Mogoşoaia, par exemple, transformé par le prince Ghica, celui de Potlogi a préservé son empreinte initiale, malgré une restauration menée par l’architecte Balş, dans les années 1950. Au moment où le prince Brancovan a été écarté du pouvoir et emprisonné à Constantinople avant d’être assassiné avec ses quatre fils et son conseiller, le 15 août 1714, le Palais de Potlogi a été incendié et pillé par les Turcs qui espéraient y trouver les richesses qu’on attribuait à l’époque aux Brancovan. Une fois arrivés dans la cour en style brancovan, ceux qui nous rendent actuellement visite pourront découvrir un palais soigneusement restauré et ses dépendances : la cuisine, les écuries, les habitations des serviteurs – autant d’éléments faisant partie de la cour princière de Constantin Brancovan et qu’on retrouvera dans le cas des autres palais aussi ».
Ovidiu Cârstina nous invite à un tour historique, culturel et gastronomique du complexe du Palais de Potlogi, tel qu’il se présente actuellement, après les travaux de restauration: « Le visiteur aura l’occasion de découvrir le Palais en faisant le tour de tous les endroits et en visitant toutes les salles de l’édifice. L’aile Ouest renfermait jadis la chambre de l’épouse du prince et celles des enfants, tandis que l’aile Est comporte la salle des hôtes, là où le prince Bracovan recevait des visiteurs ou prenait le repas, le bureau du prince, une petite salle du trône où le souverain débattait du sort du pays et prenait des décisions administratives et enfin sa chambre à coucher, que l’on a essayé de mettre en valeur à travers plusieurs éléments de mobilier. Une fois dans la loggia nord du palais, le visiteur pourra admirer le parc aménagé selon les plans de l’époque de Brancovan et l’étang qui lui assurait la source de poisson frais. Voyons aussi le reste des bâtiments, chacun avec son rôle: dirigeons-nous vers la cuisine que l’on a imaginée afin de permettre aux visiteurs de comprendre ce qu’une cuisine voulait dire à cette époque-là, en 1714. L’occasion de voir que sur la plupart des objets exposés, une bonne partie se rapproche justement du nécessaire d’ustensiles de cuisine du temps des Brancovan. A en croire les chroniqueurs de l’époque, souvent, les convives déploraient la distance à parcourir entre la cuisine et la salle à manger, ce qui faisait que les plats leur parvenaient déjà froids. Un inconvénient qu’ils étaient prêts à ignorer devant les repas copieux qui comportaient même 72 plats. Déjà, il ne faut pas imaginer ces repas selon la tradition actuelle. A l’époque, c’était une occasion de rencontre, d’échange et de rapprochement à travers les mets et les vins. Sur le côté gauche de la même cour on trouve Droşcăria, une remise où l’on déposait pêle-mêle tous les outils nécessaires à l’entretien de la cour, du jardin, de l’étang, ainsi que les carrosses et les carrioles. Juste derrière cet endroit, il y a le potager dont les légumes se retrouvaient à l’époque sur la table des Bracovan. »
Madame, Monsieur, si un jour vous êtes de passage à Bucarest et que vous aimeriez sortir un peu de l’agglomération urbaine pour respirer l’air de la campagne, le Palais de Potlogi serait une destination idéale à découvrir en toute saison. (trad. Ioana Stancescu)