« L’Atlas de la solitude »
Un projet qui se propose d’enquêter sur la manière dont les jeunes de la Génération Z (Gen Z) vivent la solitude dans un monde connecté en permanence. C’est à l’aide de photographie et d’une immersion sonore que l’exposition trace une véritable carte émotionnelle d’une génération se trouvant au croisement entre la pression du numérique et un besoin réel d’authenticité.
Ion Puican, 06.12.2025, 10:13
La Génération Z sous la loupe
Cet automne, une exposition itinérante pas comme les autres a parcouru plusieurs villes, dont Bucarest, la capitale, et Timisoara (dans l’ouest). « L’Atlas de la solitude » est un projet qui se propose d’enquêter sur la manière dont les jeunes de la Génération Z (Gen Z) vivent la solitude dans un monde connecté en permanence. C’est à l’aide de photographie et d’une immersion sonore que l’exposition trace une véritable carte émotionnelle d’une génération se trouvant au croisement entre la pression du numérique et un besoin réel d’authenticité.
Pour en savoir davantage, nous nous sommes adressés à l’un des organisateurs de ce projet unique, le journaliste et documentaliste Ionuț Dulămiță. C’est lui qui a réalisé les interviews présentées dans le cadre de ce projet.
L’origine de l’idée
Pour commencer, il nous parle dès début de cette initiative :
« L’exposition fait partie d’une démarche multimédia dans laquelle nous avons exploré la manière dont la solitude se manifeste au sein de la génération Z. Nous sommes partis de l’idée que de plus en plus d’études et reportages media la décrivent en tant que « la génération de la solitude », notamment en raison du contraste entre le fait d’être tout le temps connectés en ligne et celui d’avoir très peu de liens profonds et réels au-delà des écrans. Nous avons voulu montrer non seulement la difficulté de cette solitude, qui peut se traduire par l’absence d’une connexion humaine satisfaisante ou la sensation de « ne pas appartenir » même parmi des personnes connues, mais aussi son côté positif, qui se superpose toujours avec la solitude. Là il s’agit surtout d’un temps de réflexion intérieure passé avec soi-même. Pour ce faire, nous avons discuté avec des jeunes hommes et jeunes femmes de la génération Z. Nous les avons invités à nous parler ouvertement de la solitude. Nous avons filmé leurs petits rituels alors qu’ils sont tous seuls : par exemple, comment ils préparent leur café ou comment ils passent leur temps à scroller ou bien à regarder les dessins animés japonais « anime ». Nous avons aussi enregistré des sons de cette solitude aussi. Et nous avons également pris des photos à l’aide de la caméra obscure pour montrer leur habitation, soit un regard jeté sur les personnages et leur chambre à travers un trou créé dans une fenêtre obturée. Résultat : des textes, des podcasts, des vidéos et des photographies. Tout cela réuni au même endroit – c’est notre exposition et on les retrouve aussi sur un petit site accueilli par la publication culturelle Scena9.ro »
Mais pourquoi enfin de compte créer un « Atlas » de la solitude ? Notre invité répond :
SON : « Nous avons trouvé cette idée d’atlas, puisque la solitude, bien qu’elle les concerne tous, c’est un territoire avec des approches différentes : telles la colère, la honte, la méfiance, la appartenance, ou bien la tranquillité, la réflexion ou un nouveau début. Nous avons donc voulu que notre exposition soit une carte de tous ces endroits intérieurs, présentée par les voix et les images de ceux qui les vivent ».
« L’Atlas de la solitude », c’est un regard jeté de l’extérieur sur le monde intérieur de des membres de cette jeune génération. On découvre ainsi leur univers intime, leurs rituels domestiques, leurs habitudes, et l’on constate que la solitude est une expérience profondément individuelle et subjective, affirme encore notre invité.
Des participants désireux de partager leur expérience de vie
Qu’en est-il des jeunes qui ont participé effectivement à réaliser cette exposition ?
Ionuț Dulămiță nous fait part de leurs retours:
« J’ai été surpris de voir à quel point ils sont conscients et lucides en ce qui concerne les défis de leur génération. Mais aussi et surtout à quel point ils sont ouverts à parler avec nous de tous ces aspects intimes. Parfois, j’ai eu l’impression qu’ils avaient hâte que quelqu’un leur pose des questions à ce sujet. Cela veut dire qu’ils ne n’en discutent pas normalement avec leur entourage, ou bien qu’ils n’ont même pas le temps nécessaire d’y réfléchir. Et c’est surtout la peur d’être jugé qui a fait surface constamment dans nos discussions, tout comme le rythme alerte dans lequel ils reçoivent des informations et des perspectives sur la vie à l’aide des réseaux sociaux et des médias, une rapidité qui ne leur offre pas souvent le temps de comprendre et d’assimiler tout ce qu’ils ressentent ».
Concrètement, il s’agit de six jeunes avec des histoires différentes ; des étudiants des artistes, une jeune femme venue d’un pays en guerre. Les visiteurs les accompagnent le long d’un parcours visuel et auditif sur la vulnérabilité, l’isolation et la survie émotionnelle.
Un dialogue pluridisciplinaire
L’exposition se veut également un dialogue pluridisciplinaire, notamment entre la sociologie, la psychothérapie, le journalisme et les arts visuels réussissant à marier harmonieusement la perspective scientifique et celle artistique, le tout pour mieux comprendre la manière tellement profonde dont les jeunes d’aujourd’hui vivent la solitude.
Le journaliste et documentaliste Ionuț Dulămiță, un des organisateurs de l’exposition « L’Atlas, de la solitude » conclut sur ce dialogue culturel :
« Effectivement, cet espace de dialogue est né au moment où l’on a mis ensemble plusieurs sources : textes, photographies, sons et vidéos. Tout cela a ouvert au public l’accès à la même expérience émotionnelle vue de perspectives différentes, mais complémentaire. Le message que j’aimerais transmettre aux visiteurs, est celui donné par un de nos protagonistes et je cite : « tu arrives à la maison et tu te rends compte que tu n’es pas le seul à sentir cela. Et c’est très bien. Même si l’on est seul, on sait que quelque part, il y a quelqu’un en train de vivre la même expérience. Et alors, ça va ».
Peut-être, c’est bien la solitude qui pourrait réunir les jeunes de la génération Z. Il suffit d’en parler pour constater qu’il y a plein de gens en train de vivre les mêmes émotions. (trad. Valentina Beleavski)