« N’attendez pas trop de la fin du monde” de Radu Jude
... la proposition de la Roumanie aux Oscars 20
Ion Puican, 04.11.2023, 03:18
Chef-d’œuvre de collage et de montage,
dramatique et comique à la fois, le dernier titre du cinéaste roumain, Radu
Jude, N’attendez pas trop de la fin du monde représente la proposition de la
Roumanie aux Oscars du meilleur film étranger en 2024. La comédienne Ilinca
Manolache și l’acteur amateur Ovidiu Pîrșan sont les protagoniste de ce long
métrage récemment sorti en salle, en Roumanie. Présenté en première au Festival
international de film de Lucarno, le film a été récompensé du Prix du jury, de
la Maintien du jury oecuménique et du Prix du public jeune.
Considéré comme l’un des cinéastes les plus
importants du moment, Radu Jude fait ses débuts en 2009 quand son premier long
métrage, La Fille la plus heureuse du monde décroche le prix de la
Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai à la Berlinale. En
2015, son film Aferim est sélectionné en compétition officielle au 65e
festival international du film de Berlin et obtient l’Ours d’argent du meilleur
réalisateur. En 2018, le film Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme
des barbares est couronné par le Globe de cristal du Festival de Karlovy Vary.
Dans un article sur la publication en ligne
les Inrockuptibles, Robin Vaz affirme et nous citons En montant ces séquences
avec des extraits d’un film produit dans les années 1980 sous la dictature de
Ceaușescu et à la gloire d’une chauffeure de taxi modèle, le cinéaste met en
perspective le pouvoir économique d’aujourd’hui avec le pouvoir politique
d’hier. Dans les deux cas, les images dominantes reposent sur des mécanismes pervers
qui dépouillent les plus démuni·es de leurs propres reflets, paroles et
histoires. Par le zoom et le ralenti, Jude exhume alors du fond de la pellicule
des figures du lumpenprolétariat que la censure avait tenté de dissimuler
derrière le visage d’une brave travailleuse héroïque.
En octobre dernier, lors d’une conférence de
presse, la Roumanie annonçait sa proposition aux Oscars. Invités aux micro de
RRI, le réalisateur Radu Jude et la protagoniste, Ilinca Manolache, se penchent
sur l’avatar numérique créé dans le film.
Ce film se nourrit de mon désir de mettre à
profit ma frustration envers ce type de dynamique si présente dans la société
roumaine. Moi, j’avais déjà travaillé avec Ilinca pour des rôles secondaires et
je voulais absolument lui offrir un rôle principal. J’ai été séduit par l’idée
de cet avatar car il m’a permis de formuler des critiques d’une manière très
intelligente. Après, les collages ont ouvert plusieurs voies à l’exploration.Et
puis, enfin, j’ai tenté de répondre à travers ce film à la question qu’est ce
que c’est qu’une image? Qu’est-ce qu’une image représente-t-elle en rapport
avec la réalité? Qu’est ce que l’humanité perd avec toutes ces images
virtuelles qui ont le vent en poupe, avec l’Intelligence artificielle qui rend
les choses parfois plus compliquées. Il y a une certaine énergie qui se
dégagent de toutes ces plateformes en ligne qui nous renvoient au début du
cinéma.
Effectivement, Robin Vaz affirme sur le même
site les Inrockuptibles que tous ces
collages déconstructivistes de Radu Jude évoquent les films de Godard, tout en
se parant d’un humour dévastateur. Comment le cinéaste a-t-il construit ce
film, et comment a-t-il fait pour insérer
la partie en noir et blanc datant des années 1980?
A parler de tous ces extraits du film en noir
et blanc, les choses se sont construites pas à pas, parce que même le projet,
dans son ensemble, il s’est construit pas à pas. Je n’ai pas eu dès le départ
l’idée de faire un montage qui mélange le fil principal à l’histoire d’un avatar
et aux images en noir et blanc extraites du long-métrage de Lucian Bratu,
Angela avance. Tout cela est venu au fur et à mesure que le projet avançait.
Nous avons décidé de tourner non seulement en noir et blanc, mais aussi sur une
pellicule cinématographique d’une largeur de 16 mm, par souci de faire une
sorte d’expérience en voie de disparition.
Comment Ilinca Manolache a-t-elle reçu la
proposition de faire un tel rôle?
Pour moi, le plus important a été de rester
attentive à tout ce que Radu voulait de moi, à me concentrer sur les choses
qu’il me prétendait à faire. Quand j’ai lu le scénario, je m’y suis retrouvée,
donc, le personnage était assez proche de moi. Je suis tellement fière d’avoir
fait ce rôle qui me représente beaucoup que j’avoue que parfois, il m’arrive de
me poser la question: et maintenant, comment ma carrièreva évoluer? Est-ce que
l’avenir pourrait-il m’apporter un autre rôle tout aussi important que celui du
film de Radu?
Interrogé sur sa participation, l’acteur
amateur Ovidiu Pîrșan a ajouté:
Pour moi, ce projet reste ma plus belle
expérience de vie. C’est pour la première fois que j’ai joué dans un film et je
suis comblé. Quant à mon personnage, je l’ai vite incarné, car, je ne sais pas
si vous le savez, mais moi, dans ma vraie vie, je suis vraiment immobilisé dans
un fauteuil roulant. Donc, en quelque sorte, j’ai porté à l’écran ma propre
histoire, mais d’une manière différente. (trad. Ioana Stancescu)