Spectacles au FITS 2013
Luana Pleşea, 31.08.2013, 13:00
C’est par ces mots que Constantin Chiriac, directeur du festival et du Théâtre National « Radu Stanca » de Sibiu a marqué la clôture de cet événement culturel qui a transformé Sibiu du 7 au 16 juin en une véritable capitale européenne de la culture et du tourisme.
Lors de cette vingtième édition, le public a eu l’occasion d’assister à une coproduction réalisée dans le cadre du projet européen « Villes en scène », qui figurera en 2014 à l’affiche du Festival d’Avignon et du Théâtre National de Bruxelles. Il s’agit du spectacle « Solitarity » mis en scène par la jeune Gianina Carbunaru, fondatrice du groupe « dramAcum », une plate-forme pour la promotion de la dramaturgie roumaine dans le monde. Le projet européen « Villes en scène » invite six théâtres européens à participer à un vaste programme sur cinq ans dans le cadre duquel ils vont créer des spectacles autour des enjeux cruciaux liés au vivre-ensemble dans les grandes villes de l’UE.
Gianina Carbunaru: « Avant de commencer les répétitions, je me réserve normalement le temps de faire un peu de documentation, de fouiller dans les archives. Or, cette fois-ci, cela ne m’a pas pris trop de temps, puisque j’avais dans ma tête une idée très claire sur les thèmes abordés. Il s’agit d’une série de sujets très souvent débattus dans l’espace public. Ce qui m’a particulièrement attirée, ce fut justement la façon dont le discours politique se radicalise de plus en plus pour incriminer les personnes qui s’avèrent inefficaces et peu compétitives. Il m’est déjà arrivé d’entendre des répliques telles que celui qui ne travaille pas, n’a pas le droit de manger! Or, à ce moment là, une question s’impose: que fait-on avec ceux qui travaillent, mais qui ne gagnent pas assez? C’est une question que l’on ne se pose pas généralement. D’habitude, par temps de crise, on préfère trouver des boucs émissaires. Plus grave encore, c’est un discours que l’on entend tellement souvent qu’on finit par l’adopter en présence de nos proches. Une attitude dangereuse qui risque de diminuer le niveau de tolérance enregistré dans les grandes villes. C’est une question à laquelle se confronte aussi bien la Roumanie que le reste de l’Europe ».
Sur l’ensemble des spectacles présentés lors de cette vingtième édition, ce fut « De la vie des insectes — mystère musical psychédélique» de Karel et Josef Capek, mis en scène par Victor Ioan Frunza au Centre culturel l’UNESCO « Nicolae Balcescu ». Le spectacle est une fable contemporaine récitée par cinq jeunes comédiens et qui parle au public de la mort, de la fragilité de l’homme et de la compétition pour la survie.
Victor Ioan Frunza : « Ce texte m’a préoccupé depuis longtemps, notamment parce que derrière sa forme ésopique, on trouve pas mal de réalités. Cela nous fait penser aux mystères du Moyen Age, un genre littéraire oublié par les gens du théâtre, mais qui plaide pour l’importance de la morale sur scène. D’ailleurs, en jugeant d’après la réaction du public, j’ai remarqué qu’une certaine naïveté du texte sensibilise le spectateur mieux que ne le fait une réplique directe et brutale. Cette mise en scène d’insectes nous aide à mieux remarquer nos problèmes, tout comme les perspectives sombres de l’avenir. Comme tout spectacle de théâtre, ma pièce n’offre pas de solutions non plus. Par contre, elle sait placer à l’endroit juste des points de suspension, ce qui est beaucoup plus important. »
Parmi les invités de marque à cette vingtième édition du festival a figuré aussi la compagnie Sasha Waltz and Guest, désignée ambassadrice de la culture de l’UE. Créée il y a vingt ans par la danseuse et chorégraphe allemande Sasha Waltz, cette compagnie est montée sur la scène de Sibiu avec le spectacle « Continuu ».
Avec des détails, Harriet von Froreich : « Sasha Waltz a toujours mis à l’honneur le dialogue autour duquel a tourné cette édition du festival. Les spectacles de notre compagnie sont ciblés sur le dialogue, sur le contact non seulement entre les artistes, mais aussi avec des édifices ou des espaces spéciaux. Le spectacle Continuu a pris naissance suite aux deux projets déroulés en 2009 au Neues Museum de Berlin et respectivement à Maxxi de Rome. Les deux chorégraphies ont été imaginées en rapport avec la spécificité des locaux, ce qui nous a fait penser à un dialogue réel avec les édifices. Par la suite, on a eu l’idée d’adapter les deux spectacles pour les présenter sur scène afin de partir en tournée dans le monde entier. Et c’est comme cela qu’a pris naissance « Continuu » qui tourne autour de l’idée que l’espace, tout comme la musique, peut devenir protagoniste dans un spectacle. Nous avons invité sur scène un percussionniste qui fait pas mal d’effort physique, puisqu’il faut dépenser beaucoup d’énergie pour jouer une telle musique. Or pour Sasha Waltz il est essentiel que l’on exprime cette énergie, cette dynamique de la musique ».
A propos de cette vingtième édition du Festival International de Théâtre de Sibiu, le directeur Constantin Chiriac affirmait : « Par cette édition, on a montré que la ville de Sibiu place le dialogue en position privilégiée pour devenir une ville qui a la force et l’orgueil de faire preuve de sa beauté, de sa fierté et de sa capacité d’organiser des événements comparables aux plus importants de ce type existant dans le monde. En plus, c’est une ville qui a la force de continuer la tradition des grands projets. L’actuelle édition parle de l’avenir du théâtre, tout en faire preuve d’une continuité du succès et de notre capacité de nous retrouver dans le top. Or, quoi de plus important que d’avoir pu faire de la performance dans un domaine tellement dur ? »
Le rideau est tombé sur la vingtième édition du Festival International de Théâtre de Sibiu. Une édition déroulée sous le motto « c’est bien aujourd’hui qu’on fait le demain »…(trad. : Ioana Stancescu)