Importation de main-d’œuvre en Roumanie
Alors qu'il y a dix ans, la Roumanie ne délivrait pas plus de 20.000 permis de travail aux travailleurs extracommunautaires, leur nombre a grandement augmenté ces dernières années.
Corina Cristea, 09.05.2025, 11:00
Les données statistiques montrent que ces dernières années l’importation de la main-d’œuvre extracommunautaire s’est intensifiée en Roumanie, un phénomène fréquemment rencontré dans d’autres pays européens. Alors qu’il y a dix ans, la Roumanie ne délivrait pas plus de 20.000 permis de travail aux travailleurs extracommunautaires, leur nombre a grandement augmenté ces dernières années. En effet, alors que la Roumanie demeure le plus grand exportateur de main-d’œuvre de l’Union, elle délivre chaque année un nombre considérable de permis de travail au bénéfice des travailleurs extracommunautaires, principalement originaires d’Asie.
La Roumanie face à une pénurie persistante de main d’œuvre
« La crise de la main-d’œuvre au niveau national est une réalité », affirment a l’unisson les représentants du ministère du Travail de Bucarest, qui mettent en exergue les secteurs en déficit de travailleurs, à savoir la construction, la messagerie rapide, le commerce et la restauration. Le contingent de travailleurs étrangers destinés au marché intérieur du travail est établi en fin d’année, après des consultations avec les milieux d’affaires et une minutieuse analyse du taux d’occupation des permis de travail délivrés précédemment. À propos de la présence de travailleurs extracommunautaires sur le marché du travail roumain et des avantages qui en résultent, Violeta Alexandru, ancienne ministre du Travail, a déclaré à Radio Roumanie :
« C’est une véritable nécessité ; leur venue comble des secteurs en manque de main-d’œuvre. Ils nous rendent service en nous permettant de combler le déficit de main d’œuvre dans les domaines de la messagerie, du transport – beaucoup d’entre eux étant chauffeurs – des services dont nous avons besoin et dont ils assurent le bon fonctionnement par leur travail. La construction se trouve d’ailleurs en tête de liste. Quels bénéfices pour l’État roumain ? Ils versent des contributions comme tout autre contribuable, participant ainsi au budget des retraites, à celui de la santé, enfin ils paient des impôts en fonction des accords bilatéraux. »
Un recours à la main-d’œuvre étrangère strictement encadré
En 2024, la plupart des travailleurs extracommunautaires arrivés en Roumanie provenaient du Népal, du Sri Lanka, de l’Inde et du Bangladesh. Pour 2025, un contingent de 100.000 nouveaux travailleurs étrangers sera admis sur le marché du travail roumain, un nombre resté inchangé depuis trois ans. Aussi, le ministère du Travail estime que le nombre de personnes employées ou détachées en Roumanie cette année représenterait environ 1,25% de la main-d’œuvre totale du pays. Les travailleurs extracommunautaires arrivent en Roumanie par l’intermédiaire d’entreprises spécialisées, les procédures étant plutôt transparentes. Dans l’éventualité où un travailleur souhaite proroger son contrat ou trouver un emploi ailleurs, c’est au nouvel employeur d’effectuer les démarches nécessaires. Ainsi, l’Inspection générale de l’immigration dispose toujours d’un suivi des mouvements des travailleurs d’un employeur à un autre, précise également Violeta Alexandru.
Mais quel est l’impact de ces travailleurs étrangers sur le marché du travail roumain ? Le sociologue Dan Petre explique :
« Ils ont sans doute un impact, principalement parce qu’il s’agit d’un phénomène inédit. Nous n’avons jamais été confrontés à une telle situation et nous apprenons à coexister avec des groupes aussi importants de personnes originaires d’autres cultures. Notre hospitalité proverbiale pourrait être mise à l’épreuve. L’évolution de la situation économique influencera grandement l’attitude de la société. Il est certain qu’une économie qui progresse facilitera l’intégration de ces nouveaux venus sur le marché du travail. Il est néanmoins trop tôt pour prévoir l’évolution et l’impact à long terme de ce phénomène. »
La situation roumaine est cependant loin d’être particulière à cet égard, affirme également Cosmin Boiangiu, directeur exécutif de l’Autorité européenne du travail, qui poursuit :
« Au niveau européen, nous constatons le même phénomène dans tous les États membres : une augmentation du nombre de travailleurs provenant de pays tiers et une pénurie chronique de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs tels que le transport routier, la construction, l’Horeca, la logistique et les soins. Il s’agit d’un problème de plus en plus préoccupant. Il est important à ce que les règles établies par chaque État en fonction de ses besoins soient correctement appliquées. Concernant la Roumanie, il est essentiel que les travailleurs amenés pour répondre aux besoins économiques demeurent dans le pays, et que la Roumanie ne devienne pas un tremplin pour une main d’œuvre exportée illégalement dans d’autres Etats membres. »
Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’espace Schengen, une partie des travailleurs extracommunautaires se dirige vers l’Ouest de l’Europe à la recherche des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Selon les agences de recrutement, en juin 2024, soit moins de deux mois et demi après l’intégration aérienne de la Roumanie dans l’espace Schengen, de 35 à 40 % des travailleurs étrangers avaient déjà quitté le pays. Ce nombre pourrait encore augmenter après l’ouverture des frontières terrestres.