La victoire des pro-européens et l’avenir de la République de Moldova
Le parti pro-européen Action et Solidarité (PAS) a remporté une victoire historique, obtenant plus de la moitié des sièges au Parlement. Un résultat qui donne une véritable chance au projet européen de la république de Moldova et valide la promesse de poursuivre les réformes exigées par Bruxelles, soit justice indépendante, lutte contre la corruption, modernisation des institutions.
Corina Cristea, 17.10.2025, 11:00
Au mois de septembre passé, la République de Moldova a passé un test électoral décisif. En jeu : la direction que prendra le pays. Depuis plusieurs années, l’adhésion à l’Union européenne représente pour la Moldavie un objectif politique majeur, porteur d’espoirs de stabilité, de prospérité et de sécurité. Cette fois, le pays a tranché : le parti pro-européen Action et Solidarité (PAS) a remporté une victoire historique, obtenant plus de la moitié des sièges au Parlement. Un résultat qui donne une véritable chance au projet européen de la république de Moldova et valide la promesse de poursuivre les réformes exigées par Bruxelles, soit justice indépendante, lutte contre la corruption, modernisation des institutions. Mais à quel point la route vers l’adhésion sera-t-elle difficile ? Sorin Ioniță, expert en politiques publiques :
« Le chemin européen a toujours été difficile, et je ne pense pas que l’on puisse envisager une date butoir, même si l’on évoque 2030. Ce qui est très positif, c’est que ce chemin peut désormais continuer. Ils peuvent entamer des négociations sérieuses, avec une perspective d’au moins quatre ans de gouvernance stable. Et c’est la seule option possible, car tout autre résultat électoral aurait bloqué définitivement la voie européenne de la république de Moldova. Nous savons, en regardant les Balkans occidentaux, ce que signifie un tel déraillement : quand on rate la fenêtre d’opportunité, il est presque impossible de la rouvrir. La république de Moldova se trouve donc aujourd’hui dans le meilleur scénario européen possible, bien que la suite du processus d’adhésion, dans ses composantes techniques notamment, ne sera pas de tout repos. »
Poursuivre le chemin des réformes
Le chemin européen de la République de Moldova s’annonce être en effet semé d’embûches. À l’intérieur du pays, l’opposition politique évoque le coût de l’intégration européenne et tente de capitaliser sur les peurs liées aux changements économiques et sociaux. À l’extérieur, la Russie maintient son influence dans la région transnistrienne et alimente la désinformation. Autant de raisons supplémentaires pour que les réformes promises, en matière de justice, d’administration et d’économie, se concrétisent réellement. Rufin Zamfir, expert en communication stratégique, détaille :
« Il faut tout d’abord renforcer la compréhension des vulnérabilités que présente la société moldave et que la Russie entend exploiter. Je pense ici à une frange appauvrie de la population, mal informée, éloignée des bénéfices du développement européen. Les écarts de développement entre la capitale, Chișinău, et le reste du pays facilitent les messages qui véhiculent la manipulation et la propagande anti-européennes. C’est là qu’il faut agir en priorité. Par ailleurs, l’agenda pro-européen doit être soigneusement synchronisé avec Bruxelles pour que les premières mesures du parcours européen apportent des bénéfices concrets à la population. Le chemin sera difficile à naviguer : la Russie ne s’arrêtera pas, et les acteurs politiques qui soutiennent son agenda en Moldavie continueront à contester l’ordre démocratique. Tout cela va marquer la période à venir. »
Pour Moscou, le résultat de ces élections législatives représente un revers stratégique majeur, poursuit Rufin Zamfir :
« N’oublions pas la désespérance avec laquelle la Russie cherchait une victoire en Moldavie, qu’elle entendait présenter comme un succès à sa propre population. Cette défaite est d’autant plus douloureuse que les efforts matériels et financiers investis pour détourner le résultat électoral ont été sans précédent, même pour un pays aussi éprouvé que la Moldavie. Tout cet échafaudage d’influence construit par Moscou avec l’aide d’acteurs politiques et économiques locaux s’est effondré face à la résilience que les citoyens moldaves ont démontrée face aux urnes. Cela ne signifie pas pour autant que la Russie renoncera à tenter de ramener la Moldavie dans sa sphère d’influence. »
Que faut-il attendre maintenant de Moscou ? Selon les estimations des acteurs démocratiques de Chișinău, la Russie tentera à pousser la république de Moldova vers une zone de turbulence, marquée par une instabilité politique et sociale, en créant des blocages suffisamment graves pour ralentir, voire stopper, les réformes et les progrès économiques. Son objectif : nourrir la frustration de la population face aux promesses européennes du gouvernement. À Bruxelles, Bucarest et dans les autres capitales occidentales, la victoire des pro-européens en république de Moldova a été unanimement saluée. À Kiev aussi : le président Volodymyr Zelensky s’est en effet réjoui, en soulignant que la Russie avait échoué à déstabiliser la république de Moldova, et que son influence subversive ne s’étendrait pas davantage vers l’Europe. (Trad. Ionut Jugureanu)