La dépression : une pathologie de plus en plus présente
Au niveau mondial, une personne sur huit souffre d’un trouble mental, comme l’anxiété ou la dépression, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Corina Cristea, 13.06.2025, 10:59
La dépression est souvent définie comme un trouble de l’humeur qui peut affecter la cognition, c’est-à-dire les capacités de pensée, de mémoire, d’attention et de traitement de l’information. Les personnes touchées peuvent éprouver des difficultés de concentration, de prise de décision et de résolution de problèmes, ainsi que des pensées dysfonctionnelles, manifester des troubles de mémoire, de l’apathie, l’absence de motivation, des sentiments d’impuissance et de culpabilité. Pourtant, la dépression, les troubles cognitifs s’installent insidieusement, et peuvent briser la vie de ceux qu’ils touchent.
Au niveau mondial, un jeune sur sept âgé de 10 à 19 ans souffre d’une forme de dépression
Au niveau mondial, une personne sur huit souffre d’un trouble mental, comme l’anxiété ou la dépression, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui précise également qu’un jeune sur sept âgé de 10 à 19 ans est confronté à ce type de troubles, qui demeurent pourtant encore trop souvent ignorés et surtout non traités. « La dépression est d’abord le nom d’une pathologie, et je tiens à souligner cela car ce terme est surutilisé, et toute tristesse, toute apathie, toute fatigue émotionnelle ponctuelle, liée à des causes réelles dans notre vie quotidienne, est qualifiée de dépression », tient à préciser Yolanda Crețescu, psychologue clinicienne, psychothérapeute et fondatrice du premier hub anti-dépression en Roumanie, présidente de l’Association Happy Minds. Ecoutons-la :
« La dépression est une détresse émotionnelle, cognitive et comportementale qui doit durer au moins deux à trois semaines, de façon continue, impactant tous les domaines de notre vie. Cela signifie que nous ressentons un état d’épuisement, d’apathie, un manque d’énergie lorsque l’on déroule des activités qui nous plaisaient auparavant, que nous sommes affectés par des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, une profonde tristesse et, par-dessus tout, sans que l’on puisse déceler d’événement déclencheur réel de cet état de fait. On diagnostique la dépression comme un état de malaise généralisé en l’absence de toute cause externe clairement identifiable.»
La surprotection de l’enfant a pour conséquence une intelligence émotionnelle moins résiliente
En Roumanie, l’Institut national de santé publique estime que 3 personnes sur 100 souffrent de troubles mentaux et comportementaux. Et l’âge d’apparition de ces troubles est de plus en plus jeune, dès 10 ans. Yolanda Crețescu ajoute :
« Malheureusement, nous rencontrons ces symptômes chez des enfants de plus en plus jeunes. Si auparavant l’on ne pouvait pas diagnostiquer la dépression avant 18 ans, aujourd’hui l’on observe des cas diagnostiqués à des âges très jeunes. La question est : s’agit-il vraiment de dépression ou d’autres causes provoquent ces symptômes ? La surprotection qui a cours pendant l’enfance a pour conséquence de former une intelligence émotionnelle moins résiliente, à cause d’un mode de parentalité excessivement protecteur, où les enfants n’apprennent pas à faire face à l’échec ou à la frustration. Ils sont alors confrontés à des périodes de tristesse, de mal-être émotionnel, presque à chaque défi social. Par ailleurs, l’apparition de la communication digitale a réduit les interactions sociales réelles, ce qui peut également engendrer une véritable détresse émotionnelle. Enfin, prenons aussi en considération les pressions académiques et sociales croissantes, nourries par des idéaux irréalistes, véhiculés par les réseaux sociaux ou même par notre entourage immédiat. J’entends souvent des parents qui comparent leurs enfants à des modèles irréalistes. »
En 2024, un Roumain sur quatre a souffert de dépression ou d’anxiété
Une étude nationale montre qu’un Roumain sur quatre affirme avoir souffert de dépression ou d’anxiété en 2024, et près de la moitié de ceux qui ont reconnu avoir eu des problèmes sont des jeunes de moins de 30 ans. Parmi eux, 61 % n’ont pas fait appel à l’aide spécialisée. Par peur de stigmatisation. Yolanda Crețescu :
« Même si la période de pandémie a aidé les gens à se familiariser avec le processus thérapeutique et à distinguer maladie mentale, psychiatre, médicaments, hôpital psychiatrique, psychologue, séance de psychothérapie, entraînement émotionnel, en ligne ou en présentiel, pour aider la personne en souffrance émotionnelle, la stigmatisation persiste. Et puis, l’accès aux spécialistes demeure difficile souvent pour des raisons financières. »
De plus en plus de programmes de prévention et de lutte contre la dépression
Les enfants confrontés à cette situation disposent pourtant de plus en plus de programmes et de projets de prévention de la dépression mis à leur disposition. Yolanda Crețescu :
« Parce que la meilleure intervention est la prévention, d’autant que les enfants sont parfois protégés, mais d’autres fois empêchés d’accéder aux spécialistes à cause de la stigmatisation venant même de leurs propres parents. L’on entre alors dans un conflit de rôle : accepter que mon enfant a des problèmes émotionnels, c’est conclure que j’ai été un parent défaillant ou incompétent dans mon rôle. Ce qui entraîne le déni ou la minimisation de l’impact émotionnel de l’environnement sur l’enfant. »
Heureusement, ajoute la psychologue, il existe des autorités auprès desquelles les enfants peuvent recevoir du soutien, indépendamment de la volonté de leurs parents : les DGASPC (Directions générales d’assistance sociale et de protection de l’enfance) disposent de protocoles et bénéficient de la présence de spécialistes qui peuvent leur venir en aide. Il existe encore le Défenseur des droits de l’enfant, le conseiller scolaire, ainsi que des lignes téléphoniques dédiées aux enfants, auxquelles ceux-ci ou leurs enseignants peuvent souvent avoir recours. (Trad. Ionut Jugureanu)