L’artiste Dieudonné Auguste Lancelot dans l’espace roumain
Parmi les voyageurs étrangers qui ont traversé l’espace roumain au 19e siècle a figuré aussi le lithographe, graveur et illustrateur français Dieudonné Auguste Lancelot. Il a réalisé des représentations des endroits qu’il a visités et qui sont actuellement des sources d’images précieuses pour l’histoire des Roumains du siècle des romantiques.

Valentina Beleavski, 25.05.2025, 10:05
Dieudonné Auguste Lancelot, un Français qui a visité la Valachie
Le lithographe, graveur et illustrateur français Dieudonné Auguste Lancelot fait partie des étrangers qui ont visité la Principauté de Valachie au lendemain de l’union avec la Principauté de Moldavie en 1859 et peu de temps avant de s’appeler la Roumanie.
Né le 2 février 1823 à Sézanne, au nord de la France, Lancelot s’est spécialisé dans la reproduction des images, ses lithographies et ses gravures ayant été reprises dans les publications françaises Le Tour du monde, Le Magasin pittoresque, Le Monde illustré, Les Jardins, Guides-Itinéraire et Guides-Cicerone du Paris illustré, guide itinéraire pour les voyageurs, des publications destinées aux amateurs de voyages de la moitié du XIXème siècle. Le nom de Lancelot est particulièrement important dans l’histoire des Principautés roumaines en raison de son voyage de 1860 dans le sud de la Roumanie actuelle.
A travers le temps, l’expansion politique s’est accompagnée de la découverte et l’exploration de nouveaux territoires. Au XIXème siècle, l’espace roumain était découvert par l’Europe occidentale en tant que chapitre final du périple continental du Danube, les bouches du fleuve ayant ainsi attisé la curiosité des Européens.
L’importance des témoignages de voyageurs
L’historienne et critique de l’art Mihaela Varga a montré l’importance des témoignages de voyageurs dans la dissémination de l’information et dans la prise des décisions politiques.
« D’habitude, un écrivain voyageait pour découvrir un endroit qu’il ne connaissait pas ; tout comme l’historien ou l’historien de l’art, accompagné d’un photographe, le faisait au XXème siècle. Au XIXème siècle, le voyageur était accompagné par un dessinateur qui réalisait sur place les esquisses lui permettant de passer ensuite à la gravure, qui allait d’abord être publiée dans une gazette et plus tard dans un volume. En 1869 Paris était la véritable capitale culturelle du monde, qui accueillait non seulement un grand nombre d’historiens, d’écrivains, mais aussi de nombreux métiers de l’imprimerie de livres et de la production de biens culturels. »
Dieudonné Auguste Lancelot en Munténie
Dieudonné Auguste Lancelot avait 37 ans quand il arriva dans la région de Munténie en bateau, navigant sur le Danube jusqu’au port de Giurgiu, à 60 kilomètres au sud de la capitale Bucarest. Une fois sur la terre ferme, il préféra se rendre vers le nord-ouest, suivant un itinéraire qui le mena aux monastères du nord de l’Olténie. Il continua son chemin vers l’ouest, jusqu’à une nouvelle rencontre avec le Danube, avant de rentrer dans son pays.
Des lieux et des paysages disparus aujourd’hui
L’historienne et critique de l’art Mihaela Varga décrit ce que les gravures de Lancelot nous permettent de découvrir, des lieux et des paysages disparus aujourd’hui.
« La valeur documentaire des objets est très importante, car ils nous permettent de constater l’existence de constructions en face de la cathédrale de Curtea de Argeș. Nous pouvons également voir des constructions qui encadraient l’église Stavropoleos de Bucarest, mais aussi des détails savoureux, comme par exemple des maisons paysannes avec des toits très hauts, en pailles ou roseaux. Les toits doivent être construits en forte pente pour que la neige ou la pluie soient évacuées le plus rapidement possible. »
Une source précieuse d’information
Concernant le témoignage de Lancelot sur l’espace roumain, l’historienne de l’art Simona Drăgan considère que les gravures de Munténie sont plutôt de très précieuses sources documentaires que des ouvrages artistiques.
« Les Roumains bénéficient, au XIXème siècle, de gravures réalisées principalement par des artistes français et centre-européens. Nous les étudions en tant qu’historiens de la civilisation ou de l’art en tant que philologues aussi, et nous sommes intéressés en égale mesure par ce que ces artistes étrangers avaient vu pendant leurs voyages dans les Principautés roumaines et ensuite en Roumanie au XIXème siècle. Ce fut un siècle qui a produit des changements accélérés, débutés pratiquement sous les princes phanariotes, et qui nous quitte en nous laissant une sorte d’art nouveau à la roumaine, l’art de l’année 1900 ; un siècle, donc, très chargé. Tout document – gravure, texte imprimé ou photographie, car nous avons aussi de la photographie au XIXème siècle – peut faire l’objet d’études comparatives et nous fournir ainsi des informations sur ce que nous avons perdu. Quand je dis <nous avons perdu > je me réfère au fait qu’une nostalgie de la Roumanie prémoderne, au parfum oriental, s’est très rapidement installée. De toute façon, les chancelleries européennes percevaient la Roumanie comme étant « l’Orient européen ». Ainsi, selon l’historien de l’art Adrian-Silvan Ionescu, l’Occident s’intéresse à la Roumanie entre la guerre de Crimée et la guerre d’indépendance de 1877, avec une extension jusqu’autour de l’année 1900. Après cette date, l’intérêt de l’Occident s’éteint, car la Roumanie s’était déjà fixée dans une certaine modernité. »
Des scènes de la vie quotidienne
Simona Drăgan a souligné les scènes de vie quotidienne surprises dans les images de Dieudonné Auguste Lancelot.
« Au-delà des architectures représentatives, nous voyons, cette zone produite par ce que j’appelle <les temps morts> du voyage. Pourquoi les artistes voyageant dans les Principautés roumaines nous ont-ils laissé des images de diligences, de quarantaines? Les images réalisées sur les bateaux sont des temps d’attente. Puisqu’on est là, immobilisé, tant qu’à faire, on dessine: diligences, cochers, architecture des lieux là où on apercevait des huttes mieux entretenues, relais de poste où on changeait les chevaux, typologies humaines, tout ce que Lancelot voyait depuis ou sur le bateau pendant son périple danubien. Tant de choses que nous, les historiens de l’art, étudions en détail. L’image est tout aussi lisible qu’un livre ; nous avons cette métaphore, tellement ancienne qu’on ne perçoit plus en tant que telle, de la lecture de l’image. On peut lire ces images, ou les regarder à l’aide d’une loupe, si besoin. »
Dieudonné Auguste Lancelot est arrivé dans l’espace roumain, l’a regardé de près et l’a immortalisé pour la postérité. (Trad. Ileana Ţăroi)