Une nouvelle approche du système scolaire
Critiqué depuis longtemps et de
tous les points de vue, le système roumain de l’Education nationale a expérimenté
différentes variantes de réforme, peut-être même trop nombreuses, de l’avis de
certains. A présent, des modifications importantes à la loi de l’Education
nationale sont en débat au Parlement, avant le vote final. Parallèlement,
certaines écoles et certains enseignants proposent leurs propres projets
alternatifs, approuvés par le ministère de l’Education nationale, dans une
tentative personnelle de remédier au processus d’enseignement et
d’apprentissage.
Christine Leșcu, 03.05.2023, 10:49
Critiqué depuis longtemps et de
tous les points de vue, le système roumain de l’Education nationale a expérimenté
différentes variantes de réforme, peut-être même trop nombreuses, de l’avis de
certains. A présent, des modifications importantes à la loi de l’Education
nationale sont en débat au Parlement, avant le vote final. Parallèlement,
certaines écoles et certains enseignants proposent leurs propres projets
alternatifs, approuvés par le ministère de l’Education nationale, dans une
tentative personnelle de remédier au processus d’enseignement et
d’apprentissage.
Un de ces projets, actuellement un
projet pilote dans trois établissements scolaires roumains est déjà mis en
pratique au Lycée national Gheorghe Șincai de Bucarest, qui l’a d’ailleurs
conçu. Il vise à ré-imaginer l’année scolaire et à la re-diviser en modules, au
lieu de semestres ou de trimestres. D’ailleurs, durant l’année scolaire 2022-2023,
le ministère lui-même a ré-imaginé la structure de l’année scolaire pour la
partager en modules, c’est-à-dire en périodes d’enseignement, interrompues par
de courtes vacances. Mais dans ce cas, les cours sont prévus conformément à la
structure classique alors que dans le cas du projet pilote que nous avons évoqué,
les heures de cours pour certaines matières sont groupées en un seul module.
Détails avec Silvia Mușătoiu, professeure de mathématiques au Lycée national Gh. Șincai.
« L’idée n’est pas nouvelle et elle ne nous
appartient pas dans son intégralité, mais c’est nous qui l’avons mise en
pratique, chose qui n’est pas du tout facile, parce que derrière cette
proposition de projet pilote il y a un travail intense et pas du tout facile.
Mais qu’est ce qui se passe concrètement dans le cadre de ce projet ? Selon le
plan-cadre de l’Education nationale, les lycéens avaient entre 14 et 17 heures de
cours par semaine. Le nombre de matières est aussi très élevé et, par conséquent,
l’enfant ne réussit pas à se concentrer sur toutes les disciplines étudiées,
qui sont trop nombreuses. Notre idée pour leur venir en aide : réduire le
nombre de matières étudiées durant la semaine. Qu’est ce que nous avons
fait ? Les matières qui font partie de la spécialité du lycée et qui
bénéficient de nombreuses heures par semaine, sont des matières étudiées tout au
long de l’année. C’est le cas pour exemple, de la langue roumaine. Dans la
section des sciences exactes, les maths – avec quatre ou cinq classes par
semaine – sont étudiées tout au long de l’année. Par contre, les matières qui bénéficient
de seulement deux heures cours par semaine ont été réunies, en une période plus
limitée, étant enseignées dans le cadre de plusieurs heures de cours par
semaine. Rien qu’un exemple : les arts plastiques qui sont enseignés
durant les deux premières années de lycée. Il s’agit d’un total de 18 heures de
cours sur l’ensemble de l’année scolaire. Nous les avons réunis en une période
plus brève de temps. C’est-à-dire que les arts ne sont étudiés qu’au cours de
trois semaines pendant l’année scolaire, à hauteur de trois cours par semaine.
C’est ce que l’on appelle un module. »
A la fin du module, certaines
matières ne sont plus du tout étudiées jusqu’à la fin de l’année puisque le
contenu en a déjà été parcouru. Le prochain module contiendra d’autres disciplines
qui, à leur tour, seront étudiées d’une manière intensive. Le projet est en
déroulement, mais son l’évaluation officielle n’a pas encore été finalisée.
Néanmoins, déjà, des réactions non-officielles de la part des élèves et des
parents ont fait surface.
L’enseignante Silvia Mușătoiu nous en parle.
« Les retours informels des élèves sont
positifs. Avec huit ou neuf matières par semaine, les jeunes peuvent allouer
suffisamment de temps pour chaque discipline étudiée durant la période en
question. Dans ce contexte, les méthodes d’enseignement peuvent varier. Notre
but est d’inciter les lycéens à apprendre d’une manière intensive et plus
rigoureuse que dans le système classique. Le système n’est pas nouveau, il est
utilisé depuis les années 1950 aux Etats Unis et depuis les années 1980 – 90 en
Europe et il vise justement à réduire le nombre de matières étudiées par les
élèves au cours d’une semaine. Cela a déjà été prouvé : le fait que
l’élève étudie les arts plastiques d’une manière intensive, cela ne signifie
point qu’à la fin de ces six semaines, il va oublier tout ce qu’il a appris.
Lorsqu’une discipline est enseignée d’une manière intensive, l’attention est davantage
concentrée sur celle-ci et l’apprentissage est plus rigoureux. Or, on ne perd
pas les connaissances acquises si facilement que ça lorsqu’elles sont apprises
rigoureusement. »
C’est par le biais d’un partenariat
avec l’Université de Bucarest que des experts de la Faculté des sciences de
l’Education envisagent d’examiner la mise en œuvre de ce projet-pilote. Le résultat
de l’évaluation sera présenté au ministère et puis évidemment la décision
d’appliquer – oui ou non – ce système modulaire sera adoptée. A présent, deux
autres écoles, hormis le lycée Gheorghe Sincai l’appliquent : le lycée
Mihai Eminescu de Petrosani et Lycée théorique Constantin Angelescu de la
commune de Ianca, au département de Braila.
Nous avons demandé aussi l’opinion
de l’expert éducationnel Marian Staș:
« Sincèrement, je
n’y vois aucun désavantage, mais plutôt des défis à gérer. Et, certainement, il
y a des avantages. Il est clair que lorsque nous nous concentrons sur une
chose, nous arrivons à mieux la comprendre. Que peut retenir un enfant durant
une heure toute les deux semaines ? En fait, presque rien ! Un autre aspect important est le fait que
chaque module est concentré sur un nombre réduit de matières. Alors,
l’attention ne se dissipe pas, bien au contraire, on apprend à penser d’une manière
structurée, à se concentrer sur un certain objectif. J’ai parcouru l’étude sur
les exemples de bonnes pratiques au lycée Mihai Eminescu de Petrosani. C’est là
que l’on a remarqué le fait que les profs qui enseignent une discipline qui bénéficie
d’une seule heure de cours par semaine, arrivent à enseigner dans trois ou
quatre classes par semaine. Autrement dit, dans le nouveau système ils
disposent d’un volume plus important de temps pour leur discipline. »
Une dernière question qui se pose c’est de savoir si les
programmes actuels sont compatibles avec une telle structure modulaire de
l’année scolaire ou bien s’il faut aussi changer les contenus. Marian Staș
répond:
« A mon avis, ce projet pilote est le premier
exemple de ces 30 dernières années de forme avec fond en matière de changements
éducationnels, au lieu de forme sans fond comme ce fut le cas jusqu’ici. Mon
épouse, qui est professeure de physique, a imaginé un projet de modules pour
enseigner la physique au collège et au lycée. Le résultat en a été correct,
même sans devoir couper les contenus du programme scolaire approuvé par le
ministère. Mais c’est justement ce qu’il faudrait faire : transformer de
manière consistante les contenus, intervenir sur les programmes scolaires. Et
c’est tout à fait possible, car, en fin de compte, l’idée même de ces
initiatives c’est de trouver des solutions adéquates et productives pour
l’ensemble du système et pour les enfants ».
Ceci dit, il ne nous reste plus que d’attendre le
résultat de l’évaluation faite par l’Université de Bucarest pour savoir si ce
projet pilote peut – oui ou non – continuer. (trad. Alex Diaconescu, Valentina Beleavski)