Les plantes exotiques envahissantes, un danger pour la biodiversité
Les plantes envahissantes exotiques sont des espèces qui ne sont pas naturellement présentes dans une région, mais qui y ont été introduites par l'activité humaine. Elles se propagent rapidement en raison de la mondialisation, du commerce et du tourisme, éliminant les espèces indigènes et devenant dominantes. La gestion des plantes envahissantes est considérée comme un élément essentiel de la restauration écologique des habitats dégradés. Alerte.

Daniel Onea, 26.09.2025, 11:33
Un ennemi silencieux, mais extrêmement agressif
Un ennemi silencieux, mais extrêmement agressif, gagne du terrain dans les écosystèmes naturels de la Roumanie. Derrière l’appellation de « plantes exotiques envahissantes » se cache en fait une menace réelle pour la biodiversité locale, avec des conséquences économiques et écologiques profondes. A commencer par les rives des rivières des montagnes de Făgăraș et jusqu’aux zones urbaines, des espèces exotiques, autrefois admirées pour leur beauté, deviennent aujourd’hui un facteur du déséquilibre.
Pour mieux comprendre ce phénomène complexe, nous avons invité au micro de RRI le biologiste Oliviu Pop, de la Fondation Conservation Carpathia. Pour commencer, essayons d’expliquer plus concrètement ce que sont les plantes envahissantes. Ce n’est pas uniquement une plante venue d’un autre continent. Il s’agit en fait d’un processus bien plus complexe et étroitement lié à l’activité humaine.
Qu’est-ce qu’une plante envahissante?
Oliviu Pop explique : « Une espèce peut être considérée comme étrangère lorsqu’elle n’appartient pas naturellement à un continent, à un pays ou à une région biogéographique et qu’elle y a été introduite par l’activité humaine, soit de manière intentionnelle, comme les plantes initialement cultivées dans les jardins, soit de manière accidentelle, comme les graines de certaines plantes apportées avec d’autres produits agricoles. Une fois qu’elles se sont naturalisées, c’est-à-dire qu’elles commencent à se multiplier toutes seules et à produire une descendance fertile, certaines d’entre elles commencent à envahir la nature, en y occupant de très grandes surfaces. On les appelle alors des plantes exotiques envahissantes.»
Mais le vrai problème apparaît lorsqu’en l’absence des prédateurs naturels de leur milieu d’origine, ces espèces commencent à se multiplier de manière exponentielle. Elles arrivent alors à se répandre, tout éliminant la flore locale, qui est essentielle pour l’équilibre de l’écosystème.
Oliviu Pop poursuit : « Effectivement, le problème avec ces plantes, c’est qu’elles se multiplient très rapidement. Elles couvrent d’énormes surfaces en très peu de temps et éliminent les espèces indigènes, importantes pour la biodiversité, les plantes médicinales, les espèces fourragères, etc. Elles deviennent donc mono-dominantes. Le problème n’est pas d’avoir une fleur ou une plante de plus dans nos champs et nos forêts. C’est que ces plantes sont tellement agressives, qu’elles éliminent toutes les autres, y compris les espèces animales qui leur sont associées ».
Une centaine d’espèces ont déjà été identifiées en Roumanie
Au niveau national, la situation est préoccupante. Et pour cause. Plus de 100 espèces potentiellement envahissantes ont été identifiées. Par exemple, dans la région des Monts de Făgăraș, l’équipe de la fondation Conservation Carpathia a initialement identifié sept espèces particulièrement dangereuses, mais leur nombre ne cesse d’augmenter. L’une des plus agressives est, sans aucun doute, la Renouée du Japon (Reynoutria japonica). Non seulement elle élimine la concurrence, mais elle a également un pouvoir destructeur hors du commun, pouvant même endommager l’infrastructure.
La Renouée du Japon, un exemple précis
Le biologiste Oliviu Pop nous en dit davantage : « Nous nous sommes concentrés sur l’une des espèces les plus dangereuses, la Renouée du Japon ou Reynoutria japonica, qui peut occuper de très grandes surfaces, éliminer toutes les espèces indigènes et même empêcher la régénération de la forêt le long des rivières. Elle a même la capacité de pousser à travers l’asphalte, ses racines ne sont pas retirées lors de la construction, ou bien à travers le sol des maisons, si celles-ci sont construites dans une zone envahie. Elle affecte donc à la fois la biodiversité et la valeur économique des prairies, des forêts et même la valeur immobilière des terrains ».
La lutte contre ces espèces est longue et difficile. Une directive de l’Union Européenne oblige les Etats-membres à identifier et à contrôler la propagation de ces envahisseurs. Au niveau local, des organisations telles Conservation Carpathia, mettent en œuvre des projets concrets. Si bien que la gestion des plantes envahissantes est devenue un élément essentiel des activités de reconstruction écologique des habitats dégradés. Dans ce contexte, la petite ville de Rucăr, en Transylvanie, a récemment accueilli un événement censé informer et éveiller les consciences à ce sujet. Il a permis aux habitants des lieux de constater eux-mêmes l’impact de la Renouée du Japon et d’apprendre comment aider pour contrôler cette plante.
Un événement pour éveiller les consciences
Oliviu Pop : « L’événement que nous avons organisé était une activité de démonstration, d’information, de sensibilisation et d’implication des communautés locales dans la gestion des espèces exotiques envahissantes. Il s’est déroulé le long d’un cours d’eau, le Râușorul, qui était très envahi par cette espèce. Avec nos collègues de la fondation, nous avons montré aux habitants, aux enfants et à plusieurs représentants de la presse, comment on peut contrôler cette espèce en la coupant régulièrement. Nous leur avons également expliqué et ils ont pu voir, concrètement, sur le terrain, ce que signifie une zone envahie par la Renouée du Japon ».
Bien que le problème puisse sembler parfois insurmontable, le biologiste Oliviu Pop souligne que chaque personne peut jouer un rôle crucial dans la limitation de ce phénomène. La prise de conscience commence dans son propre jardin et un geste apparemment insignifiant, comme jeter les déchets végétaux de manière responsable, peut faire une énorme différence. La prévention est la méthode la plus efficace, car une fois qu’une espèce envahissante s’établit sur une grande superficie, son éradication devient presque impossible.
Pour un jardinage responsable
Notre invité conclut : « Tout d’abord, les gens devraient s’informer. Les habitants devraient cesser de cultiver ces espèces de plantes potentiellement envahissantes dans leurs jardins, car cette Renouée du Japon était à l’origine une belle plante cultivée dans les jardins. Elle peut atteindre trois mètres de haut. Ses racines peuvent s’étendre jusqu’à 30 mètres. Voilà pourquoi elle est si dangereuse ! Et surtout, lorsque les jardins sont nettoyés, les déchets végétaux ne doivent pas être jetés au bord des rivières ou dans la nature. Car c’est ça, avant tout, la source de l’apparition de ces espèces exotiques envahissantes dans la nature. Parce que les habitants ont jeté les déchets de leurs jardins, y compris les racines ou les graines de ces plantes, au bord des rivières ».
Une chose est sûre : les plantes envahissantes ont un impact profond sur les écosystèmes. Elles causent d’énormes pertes économiques dans l’agriculture et la sylviculture et peuvent dégrader de manière irréversible des habitats entiers, affectant ainsi les chaînes alimentaires. Accélérée par le commerce et le tourisme, leur propagation a transformé ce phénomène en une crise écologique mondiale difficile à gérer. (trad. Ionut Jugureanu)