Ornitodata : le portail dédié à la connaissance des espèces d’oiseaux
Ornitodata, la base de données de la Société ornithologique roumaine, a atteint deux millions d'observations publiques. Ce nombre ne marque pas seulement une réussite quantitative, mais aussi une véritable maturation du volontariat et de la rigueur scientifique des informations recueillies.
Daniel Onea, 31.10.2025, 13:39
Un cap symbolique, et pourtant essentiel
Un cap symbolique, et pourtant essentiel, vient d’être franchi : Ornitodata, la base de données de la Société ornithologique roumaine, a atteint deux millions d’observations publiques. Ce nombre ne marque pas seulement une réussite quantitative, mais aussi une véritable maturation du volontariat et de la rigueur scientifique des informations recueillies. Né d’un besoin interne, le projet s’est transformé au fil des années en un outil numérique complexe, doté d’une application mobile, impliqué dans de partenariats internationaux.
Aujourd’hui, il dessine une carte vivante de la présence, de la répartition et des migrations des oiseaux, toutes des données devenues indispensables aux efforts de conservation. Derrière ce succès se trouve une équipe dévouée, mais surtout une vaste communauté de bénévoles. Des ornithologues chevronnés jusqu’aux simples amoureux de la nature, des milliers de personnes sortent sur le terrain et, grâce à leur téléphone portable, contribuent à cet effort remarquable. Chaque espèce observée, de la plus commune à la plus rare, ajoute une pièce au puzzle complexe de la biodiversité.
L’importance d’avoir sa propre base de données
Pour mieux comprendre l’histoire, les défis et l’impact de cette initiative, nous avons rencontré Cristian Domșa, écologue au sein de la Société ornithologique roumaine, l’un des spécialistes chargés d’analyser les données intégrées au système :
« Les études de terrain reposent sur des volumes considérables de données. Plus elles sont nombreuses, plus les conclusions peuvent être pertinentes. Au début, nous dépendions beaucoup d’applications internationales. Nos collègues collectaient les informations, puis nous les envoyaient pour les centraliser manuellement dans des formats hors ligne, comme Access ou Excel. À un moment donné, le besoin d’avoir notre propre base de données s’est imposé naturellement. C’est ainsi qu’a débuté l’aventure, autour de 2014, lorsque nous avons commencé à travailler sur la première version de notre base de données, intitulée Ornitodata. Début 2016, la plateforme est devenue publique et accessible à tous, mais uniquement en ligne. Les observateurs devaient rentrer du terrain et saisir manuellement chaque observation sur ordinateur. »
Plus de deux millions d’observations
Les plus de deux millions d’observations validées reflètent non seulement la diversité de l’avifaune roumaine, mais aussi l’engagement d’une communauté grandissante, dont plus de 90 % des contributions proviennent de bénévoles. Cristian Domșa :
« Le système Ornitodata est avant tout un model structuré de collecte de données de terrain. Il peut s’agir de relevés spécialisés effectués par des experts dans le cadre de programmes de suivi, ou d’observations ponctuelles transmises par toute personne capable d’identifier avec certitude une espèce. Ces informations sont envoyées instantanément et intégrées à la base commune, qui atteint aujourd’hui deux millions d’enregistrements. C’est un chiffre impressionnant, qui illustre la force du concept de Science citoyenne, dont les données sont recueillies par des passionnés, pas forcément des scientifiques, et où les premiers peuvent jouer un rôle décisif. Et il faut souligner que plus de 90 % de ces données reposent sur le bénévolat. »
La technologie au service de l’ornithologie
L’évolution technologique a joué un rôle clé dans l’expansion du projet. Aussi, le passage à une application mobile a-t-il radicalement simplifié le processus et a ouvert la voie à un public plus large.
Cristian Domșa : « Avec les progrès technologiques, nous avons ressenti le besoin d’évoluer. En 2017, nous avons lancé une première application, « Uite Barza » (Voici la cigogne), destinée à collecter exclusivement des données sur la cigogne blanche – une espèce emblématique et facile à reconnaître. C’était une porte d’entrée idéale pour le grand public. Puis, début 2020, nous avons publié la version modernisée d’Ornitodata, accompagnée d’une application mobile disponible sur Android et iOS. Ce fut un véritable tournant : le nombre d’utilisateurs et de contributions a explosé, et la collecte de données s’est envolée. »
La question du financement est constante
Cette interface conviviale cache cependant des efforts considérables. Comme beaucoup de projets portés par des ONG, la question du financement est constante. Cristian Domșa :
« Nos défis sont nombreux, mais le plus important reste sans doute le financement. En tant qu’organisation non gouvernementale, nous dépendons de projets, et il faut reconnaître qu’au départ nous n’avions pas évalué correctement l’ampleur financière d’un tel système. La technologie évolue vite, et le développement, l’adaptation, la création de nouvelles fonctionnalités coûtent cher. Trouver des ressources est une course permanente. Un autre défi majeur concerne les observateurs : certains contribuent énormément, d’autres plus occasionnellement. Les motiver tous, les fidéliser, les encourager à partager régulièrement des données demande un effort soutenu et continu. »
Un impact qui dépasse les frontières de la Roumanie
L’impact d’Ornitodata dépasse désormais les frontières de la Roumanie. Le projet s’est récemment étendu en République de Moldova, et les données collectées sont intégrées à des plateformes continentales, contribuant ainsi à mieux comprendre les tendances des populations d’oiseaux et leurs routes migratoires. Chaque observation locale prend ainsi une importance européenne. Cristian Domșa :
« Toutes les décisions de conservation et les analyses scientifiques reposent sur des volumes massifs de données. Dans ce contexte, le bénévolat est essentiel. Nous adressons notre gratitude à tous les bénévoles, car en leur absence, ce système n’existerait tout simplement pas. Leur engagement continu est crucial pour son avenir. Et ces informations ne restent pas confinées au niveau local. Ornitodata, comme d’autres bases de données internationales, alimente activement des initiatives européennes. Cela signifie que le grand public roumain, par sa générosité, son temps et ses ressources, contribue à la compréhension des phénomènes à l’échelle du continent, depuis les routes de migration des oiseaux à l’état de conservation des espèces. »
Ornitodata est en effet bien plus qu’une plateforme numérique : c’est une communauté vivante, unie par la passion de la nature et la volonté de la protéger. Cette base de données deviendra un outil essentiel pour les futures générations de chercheurs et pour les décisions environnementales qui façonneront notre avenir. (Trad. Ionut Jugureanu)