Le courrier des auditeurs du 08.08.2025
Charlotte répond à vos messages

Fromenteaud Charlotte, 08.08.2025, 11:00
Bonjour à tous et à toutes qui nous écoutez, où que vous soyez. Nous nous retrouvons aujourd’hui, pour cette nouvelle rubrique du courrier des auditeurs, en pleine chaleur estivale, et je peux vous dire que la canicule ne faiblit pas à Bucarest. Depuis plusieurs semaines, les températures restent élevées, l’air est lourd, les nuits sont à peine plus respirables que les journées, et la ville tout entière semble chercher désespérément un coin d’ombre. Face à cette chaleur accablante, j’ai choisi, comme beaucoup de Roumains, de m’échapper le temps d’un week-end, en quête d’un peu de fraicheur, ou tout du moins d’un peu d’air.
J’ai mis le cap vers la Mer Noire, mais pas n’importe où : je suis allée à Corbu, une plage sauvage située au nord de la ville de Constanța. Un lieu qui, à mes yeux, mérite vraiment le détour. Là-bas, pas de musique assourdissante, pas de transats alignés à perte de vue, mais du sable fin, des dunes, un vent léger et un calme précieux. C’est une plage familiale, simple, où l’on peut encore étaler sa serviette sans avoir à débourser le moindre leu, se baigner sans bruit, respirer.
Le contraste avec la plage de Constanța, que j’ai également visitée, m’a vraiment frappée. Là-bas, impossible de s’installer sans payer : chaise longue, parasol, tout est tarifé. Et c’est sans compter l’ambiance de boîte de nuit en plein jour, qui transforme la plage en discothèque géante. Cela pose, selon moi, une vraie question d’accès à la mer : faut-il avoir les moyens pour profiter d’un simple coin de sable et d’un peu d’ombre ? Le littoral devrait rester un bien commun, et non devenir un luxe réservé à ceux qui peuvent se le permettre. C’est ce genre de constat qui, au-delà de la détente, donne à une escapade balnéaire une résonance plus profonde. Sans vous parler des conséquence écologique… vous me connaissez assez bien maintenant pour savoir ce que j’en pense !
Et puis, à mon retour, une nouvelle a bouleversé la Roumanie : le décès de Ion Iliescu, à l’âge de 95 ans. Il fut le premier président élu démocratiquement après la chute du régime communiste, en 1990. Une figure historique incontournable, mais aussi profondément controversée. Car si son nom reste associé à la transition démocratique du pays après la révolution anti-communiste de 1989, il est également lié à des épisodes sombres de l’histoire récente, notamment les « mineriades »– ces descentes violentes de mineurs à Bucarest, en 1990, 1991 et 1999, à l’appel ou avec l’aval du pouvoir.
Il a été accusé de crimes contre l’humanité, en lien avec la répression sanglante des manifestations post-révolutionnaires. Un procès a bien été ouvert, mais sans cesse repoussé, puis renvoyé devant la Cour constitutionnelle pour des vices de procédure. En 2022, la Haute Cour de cassation et de justice a décidé de rouvrir l’enquête, mais Ion Iliescu, malade et âgé, ne s’est plus exprimé publiquement. Sa mort survient donc sans que justice n’ait été rendue, laissant de nombreuses questions en suspens sur la mémoire collective roumaine, et sur la manière dont le pays affronte – ou évite – ses propres zones d’ombre.
Et cette disparition intervient à un moment politique hautement symbolique : quelques mois à peine après l’élection d’un nouveau président, Nicușor Dan, perçu comme un candidat pro-européen, dans un climat politique marqué par une montée inquiétante de l’extrême droite ultranationaliste, incarnée notamment par le parti AUR. Le contraste entre l’histoire récente, encore douloureuse et non résolue, et les tensions du présent, nous rappelle à quel point la démocratie est un équilibre fragile, qui se construit jour après jour, scrutin après scrutin.
C’est dans ce contexte brûlant – au sens propre comme au figuré – que s’ouvre donc cette nouvelle chronique. Merci d’être à l’écoute, et comme toujours, merci pour vos messages, vos questions et vos rapports d’écoute que nous allons découvrir ensemble dans quelques instants.
On commence avec notre fidèle auditrice, Maguy Roy de France, qui revient sur les avec un message positif que voici : « Félicitations pour vos émissions variées et fort intéressantes que j’écoute régulièrement et que j’apprécie beaucoup comme le situation politique et économique difficile en Roumanie, le focus sur les destinations de vacances, celles des Roumains et celles des visiteurs de la Roumanie (notamment la ville de Timisoara très dynamique qui fut capitale européenne de la culture en 2023 telle que nous l’a décrite Valentina Beleavski). Cela nous donnerait presque envie d’aller passer quelques jours chez vous quand la conjoncture sera meilleure ! » Merci infiniment pour votre message chaleureux, qui nous fait très plaisir ici à la rédaction du service français de Radio Roumanie Internationale. Vos encouragements et votre fidélité à nos émissions nous touchent profondément. Nous sommes ravis de savoir que vous nous écoutez régulièrement et que nos sujets vous intéressent. Vous mentionnez plusieurs chroniques qui vous ont particulièrement marquée, notamment celles sur la situation politique et économique actuelle en Roumanie. Il est vrai que notre pays traverse une période délicate, avec des tensions sociales, des inégalités persistantes, mais aussi des débats profonds sur la place de la Roumanie dans l’Union européenne, le rôle de l’État, et les attentes croissantes de la société civile. Nous essayons toujours de proposer un regard nuancé et accessible sur ces enjeux, pour que vous, nos auditeurs francophones, puissiez en saisir les grandes lignes sans être noyés dans les détails techniques. Nous sommes également ravis que notre série estivale sur les destinations de vacances en Roumanie vous ait plu ! La chronique de Valentina sur Timișoara, notamment, a reçu de très nombreux retours positifs. C’est une ville vivante, artistique, à l’histoire complexe et au dynamisme contagieux – elle a su porter avec brio son rôle de capitale européenne de la culture en 2023, avec une programmation foisonnante et une belle ouverture à l’international. Et je ne vous cache pas d’ailleurs que c’est ma ville préférée en Roumanie. Je n’y suis allée qu’une fois mais j’ai été conquise !
Enfin, nous ne pouvons qu’espérer, comme vous l’évoquez, que la conjoncture internationale – et peut-être personnelle aussi – s’améliorera bientôt, pour que vous puissiez venir découvrir la Roumanie par vous-même. C’est un pays aux multiples visages, entre Carpates, Danube et Mer Noire, entre traditions rurales et effervescence urbaine, où les visiteurs sont souvent surpris par l’accueil chaleureux, la diversité des paysages et la richesse culturelle. Nous serions très heureux de vous y accueillir un jour ! Encore merci pour vos mots, et à très bientôt sur nos ondes.
Bien le bonjour à M. Aubier qui nous écrit quand à lui « Avec la défaite de, George Simion, candidat nationaliste et eurosceptique, l’Europe et la Roumanie ont poussé un ouf de soulagement. Pour autant, les résultats des législatives de fin 2024 sont inquiétants avec le renforcement très net de l’Alliance pour l’Union des Roumains, l’arrivée de SOS Roumanie et du Parti de la jeunesse. L’extrême droite, même si, faute d’alliée, ne peut pas faire de coalition demeure une menace pour le pays. Et ce ne sont malheureusement pas les difficiles mesures que devra prendre prochainement le gouvernement pour réduire le déficit qui feront baisser ces partis. Petite critique à ce sujet : vous parlez souvent d’un déficit très important sans – la plupart du temps – préciser qu’il est au-delà de 9%. Je sais que vous ne faites que traduire les articles, mais ce « détail » serait un plus. Mais j’avoue ne pas comprendre le votre des roumains, sachant qu’en avril 2025, un sondage indiquait qu’ils étaient 87% à souhaiter que la Roumanie reste dans l’UE et dans l’OTAN. Certes, 27% seulement estiment qu’en restant dans l’UE, cela améliorerait leur niveau de vie. » Vous avez tout à fait raison de le souligner, je faisais justement par de cela l’autre jour à mes amis. Les Roumains se sont largement mobilisés pour faire barrage à l’extrême droite, c’était un moment très fort et je peux le dire avec d’autant plus d’émotion que j’ai vécu cela ici en direct, et je dois reconnaitre que c’est une sensation étrange de vivre cela de l’intérieur, lorsque l’on est pas roumaine. Ils ont donc choisi de mettre à la tête du pays un homme qu’ils ont considéré davantage digne de confiance, un homme du peuple, issu de la société civile (ancien activiste). C’était pour beaucoup un geste hautement symbolique, d’une part pour faire barrage à l’extrême droite, mais aussi pour marquer leur volonté farouche de rester résolument tournés vers l’UE. Or, à peine élu, le président a mis à la tête du pays un Premier ministre ultra libéral qui, avec son gouvernement, a passé l’été a mettre sur pied des mesures d’austérité d’une extrême violence pour les Roumains qui en ont subi les conséquences immédiates dans leur quotidien. Beaucoup continuent d’affirmer que l’austérité est la seule voie, mais je suis quant à moi persuadée que ces mesures ne vont faire que renforcer la défiance du peuple dans le gouvernement, et probablement consolider la place de l’extrême droite, déjà bien installée en Roumanie. Et d’ailleurs la France n’a aucune leçon a donner à ce sujet, mais je pense que c’est à peu près la même chose chez nous. Personne ne semble vouloir s’interroger sur « pourquoi les gens votent extrême droite ». Et les raisons, que je condamne par ailleurs, sont nombreuses. Il faudra bien un jour se pencher sur le sujet si l’on veut vraiment faire changer les choses. Mais bon, ce n’est que mon humble point de vue. Ce que je peux dire en tout cas, c’est que de là où je me trouve, j’ai constaté que la grille de lecture de l’échiquier politique roumain est bien différente qu’en France. Par exemple, la gauche est inexistante, le libéralisme est encore étroitement associé à l’UE et à la démocratie, mais cela vient heurter de plein fouet les valeurs de cette société profondément traditionnaliste. Ici être pro-UE ne veut pas forcément dire être progressiste. On peut tout à fait être pro-UE mais être profondément raciste et nationaliste. Ce n’est pas incompatible. La psychologie du peuple roumain est très complexe, car s’y côtoient le sentiment d’avoir raté le train de la construction européenne, d’avoir été empêché dans le développement du pays, et surtout il existe une sorte d’attraction répulsion envers l’occident. C’est un mélange qui laisse en fait largement l’espace au déploiement des extrêmes. Sans compter la guerre en Ukraine qui a réveillé d’anciennes peurs et ravivé des revendications territoriales jusque là endormies. Donc tout ça est d’une grande complexité, mais il faudrait des heures pour en parler. En tout cas merci beaucoup pour votre message qui m’a bien inspirée.
Sur ces bonnes paroles je vous souhaite à toutes et tous un excellent week-end et vous dis à très bientôt pour une prochaine édition du courrier des auditeurs !