Le Courrier des auditeurs du 29.08.2025
Ioana répond à vos lettres et à vos messages.
Ioana Stăncescu, 29.08.2025, 10:20
Des vacances dans la Charente
Bonjour ou bonsoir, où que vous soyez ! Je suis contente de vous retrouver après mes deux semaines de vacances, dont une, sur Reims et l’autre, dans la Charente. J’ai loué une petite maisonnette dans le village de Saint-Claude et je suis partie à la découverte de cette belle région. Si un jour vous êtes dans le coin, ne ratez pas l’église troglodyte d’Aubeterre-sur-Dronne, une merveille que j’ai eue la chance de découvrir sur la musique de Bach, puisqu’au moment de ma visite, un orchestre d’amateurs était en train de répéter pour un concert prévu le soir même. L’expérience a été magique ! Le village dont le nom vient du latin Alba Terra (terres blanches) et qui doit son nom au massif crayeux blanc sur lequel il se déploie est une étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Labellisée « plus beaux villages de France » cette petite citée dans le sud de la Charente est renommée pour son église sous-terraine aux dimensions gigantesques : 27 mètres de long sur 16 mètres de large et 20 mètres de haut. Sur le site sudcharentetourisme.fr, on apprend qu’à l’origine, il s’agissait d’une simple grotte qui abritait un culte païen. Mais, au début du 12e siècle, Pierre de Castillon, vicomte d’Aubeterre, fait creuser le lieu de culte juste en dessous du château médiéval dont la tour de l’entrée domine la vallée. Elle était, autrefois reliée directement à ce dernier au moyen d’un couloir interne aujourd’hui bouché. De retour de croisade, son bâtisseur s’inspire des modèles rencontrés dans la région de la Capadocce en Turquie pour la technique d’évidage du haut vers le bas (moins dangereuse que l’inverse). Le plus vaste édifice religieux troglodyte d’Europe, l’église souterraine d’Aubeterre demeure l’un des rares sanctuaires de ce type que l’on peut visiter en France avec celle de Saint-Émilion à 60 km de distance, commandée par le même homme. Elle a été réalisée en une seule campagne de travaux sur une vingtaine d’années. En pénétrant dans la grande salle, on remarque les deux piliers octogonaux monolithes qui attirent immédiatement l’attention tant ils sont imposants. Les voûtes taillées dans le roc atteignent près de 20 mètres de hauteur ! Le plus bel élément demeure certainement le reliquaire hexagonal qui trône au centre de l’abside et face auquel, les musiciens jouaient au moment de ma visite. Ce mobilier en pierre à deux étages, inspiré du Saint-Sépulcre de Jérusalem, est taillé d’un seul bloc et haut de six mètres ! Disons aussi qu’une vaste nécropole datant du 9e siècle s’étend à nos pieds avec ses 170 fosses et 80 sarcophages médiévaux. Contrairement à un cimetière classique où l’on retire la terre pour inhumer les morts, ici on posait les sarcophages au sol pour les recouvrir ensuite de terre. L’église souterraine d’Aubeterre accueille de plus en plus de couples britanniques et étrangers qui choisissent ce village fortifié pour célébrer leurs noces. Peut-être cela explique aussi la présence dans ce village d’une famille suédoise qui tenait un petit restaurant avec une vue magnifique sur la vallée.
Et puis, si un jour vous arrivez dans la Charente limousine, n’hésitez pas de faire un petit détour pour visiter le château de La Rochefoucauld, dont l’histoire est indissociable de l’histoire de la famille des La Rochefoucauld. Cette famille s’illustre siècle après siècle par de remarquables personnalités : le cardinal François de La Rochefoucauld, grand aumônier de France, préside le Conseil du roi sous Louis XIII. François VI, opposant à Richelieu, s’impose à la tête de la Fronde des princes, avant de devenir l’un des plus grands écrivains de son époque, auteur en 1664 des célèbres Maximes. La Rochefoucauld d’Anville, membre de l’Académie des sciences, admirateur de la Constitution américaine et ami personnel de Franklin, anime le courant libéral de la noblesse aux états généraux de 1789. Enfin l’ouverture d’esprit et la philanthropie caractérisent l’œuvre de François-Alexandre de La Rochefoucauld-Liancourt (1747-1827), également député de la noblesse aux états généraux, émigré aux Etats-Unis aux heures les plus sombres : à l’origine de l’école des Arts et Métiers, il est aussi le co-fondateur de la Caisse d’Epargne.
Si vous êtes épris de l’histoire du Moyen Age, je vous conseille une visite du château de Peyras. Localisé sur l’ancien village de Roumazières-Loubert, le château possède des origines très anciennes, mentionné dès le XIe siècle comme siège d’une seigneurie qui passera au XVe siècle dans le domaine de la famille des Feydeau. Dominant la vallée depuis une ancienne motte féodale, le château a été remanié à plusieurs reprises mais a conservé nombre d’éléments médiévaux. Le site accueille de nombreuses animations en saison organisées par une association de passionnés (spectacles costumés retraçant l’histoire des lieux et évoquant la vie quotidienne à l’époque médiévale, marchés, pièces de théâtre, expositions d’art). La propriété toujours privée peut également être visitée hors ces manifestations estivales. Le billet d’entrée coûte 7 euros et il faut payer en espèces. Voilà quelques idées pour des vacances dans la Charente. Bien sûr, j’ai visité aussi Limoges, Angoulême et La Rochelle et j’ai même passé une journée au bord de l’océan. Des vacances très réussies qui malheureusement, sont passées trop vite. En revanche, je me suis fait une habitude, dans toutes les villes par lesquelles je suis passée, je me suis arrêtée dans une librairie pour acheter un livre. Du coup, je suis rentrée avec presqu’une dizaine de bouquins de plus, en format poche. Une fois de plus, je dois me mobiliser pour acheter une deuxième bibliothèque, car dans l’actuelle, les livres sont déjà sur deux rangées.
Des livres lus et non lus dans nos bibliothèques.
Et en parlant de livres, notre auditeur Paul Jamet, m’a fait découvrir un article du journal Le Monde, signé par l’écrivain et journaliste Thomas Chatterton Williams qui voit, dans l’accumulation d’ouvrages dans sa bibliothèque, la beauté d’un monde inexploré. En fait, explique M. Jamet, « dans cet article Thomas Chatterton Williams célèbre la beauté et la noblesse de l’accumulation de livres, lus ou non. Une bibliothèque n’est pas seulement un espace de savoir déjà acquis, mais une réserve d’avenir et de possibles. Pour Thomas Chatterton Williams posséder des livres non lus n’est pas une preuve de paresse mais un signe de vitalité intellectuelle. Les livres permettent une « contraction du temps », reliant l’auteur et le lecteur à travers les décennies. Dans un monde saturé de distractions numériques, ils restent un miracle technologique et une manière de conserver un esprit libre. »
Cher Paul Jamet, je partage entièrement cette idée de Thomas Chatterton Williams. Dans la maison de mes parents, il existe dans chacune des quatre pièces une bibliothèque dont la plus grande occupe tout un mur et recense des centaines de livres. Impossible de tout lire. En revanche, quel sentiment de richesse que tous ces livres peuvent-ils offrir ! Chez moi, l’espace est beaucoup plus étroit et pourtant, j’ai des livres partout : dans la bibliothèque, sur la table, sur des étagères, à côté du lit. Je trouve cela sécurisant, c’est comme si le nombre de vies serait illimité.
Umberto Eco, qui possédait 50 000 livres, disait à propos des bibliothèques à domicile : « Il est fou de penser que vous devez lire tous les livres que vous achetez, car il est fou de critiquer ceux qui achètent plus de livres qu’ils ne pourront jamais lire. Si, par exemple, nous considérons les livres comme des médicaments, nous comprenons qu’il est bon d’en avoir beaucoup à la maison plutôt que quelques-uns : quand vous voulez vous sentir mieux, alors vous allez dans la « armoire à pharmacie » et choisissez un livre. Pas un hasard, mais le bon livre pour ce moment. C’est pourquoi vous devriez toujours avoir un choix nutritionnel ! Les Japonais ont inventé un terme pour désigner ce besoin d’avoir plus de livres que l’on ne peut en lire. Ils appellent cela le tsundoku. Mais moi, je préfère les propos d’Umberto Eco qui disait « ceux qui n’achètent qu’un seul livre, ne lisent que celui-ci et ensuite s’en débarrassent Ils appliquent simplement la mentalité du consommateur aux livres, c’est-à-dire qu’ils les considèrent comme un produit de consommation, Ceux qui aiment les livres savent qu’un livre est tout sauf une marchandise. »
Donc voilà, cher Paul Jamet, il ne faut surtout pas culpabiliser pour ne pas pouvoir lire tous les livres que nous aimerions bien lire ou que nous devrions lire. Personne ne peut le faire. En revanche, je pense qu’il suffit tout simplement de continuer à lire, car la littérature est capable de sauver des vies et de corriger des destins, tout en nourrissant l’imagination, l’empathie et le besoin de s’évader. Je pense que les livres sont des amis fidèles qui sont toujours là pour nous.
Les changements climatiques
Restons en France pour un petit coucou amical à Christian Ghibaudo qui déplore les catastrophes climatiques qui ont touché tous les pays en cette année 2025. La Roumanie a vécu des inondations terribles, la France, l’Espagne, le Portugal et la Grèce ont été en proie aux incendies de végétation, la planète souffre et le tourisme aussi. D’après les professionnels, le mois de juillet a été très décevant sur la côté d’Azur, nous apprend notre auditeur. Il y a eu peu de touristes et surtout très peu de dépenses. Et Christian Ghibaudo de déplorer les mesures fiscales annoncées par les gouvernements aussi bien roumain que français et qui risquent de nous plonger dans une crise sociale qui mettra nos gouvernements en difficulté. Vous avez entièrement raison, cher ami, d’ailleurs à l’heure où l’on parle, les syndicalistes de l’Education nationale de Roumanie prépare d’amples manifestations au moment de la rentrée pour dénoncer les mesures d’austérité adoptées récemment par lesquelles, le pays essaie de corriger son déficit public, le plus élevé de l’UE.
Merci à vous pour le rapport d’écoute qui sera confirmé par une carte QSL électronique et à très bientôt sur nos ondes. Madame, Monsieur, c’est tout pour aujourd’hui. Ioana vous remercie de votre attention et vous donne rendez-vous dans un petit mois au micro du courrier. En attendant, portez-vous bien et prenez soin de vous !
