La tradition du verre slovaque en Roumanie
Il y a plus de deux siècles, les Slovaque se sont établis dans ces contrées, attirés par les somptueuses forêts et par la première fabrique de verre de Roumanie, fondée en 1780 à Huta.
Ana-Maria Cononovici, 23.07.2024, 12:58
Arrivée des Slovaques en Roumanie
Les Slovaques représentent 0,1 % du total de la population de la Roumanie. Ils vivent notamment dans l’ouest du territoire. Les plus grandes communautés slovaques de Roumanie se trouvent donc dans le département de Bihor et Arad, où elles représentent respectivement 1,22 % et 1,25 % du total de la population. Aujourd’hui, dans la petite ville de Șinteu (Nova Huta, en solvaque) au cœur des monts Plopiș, qui séparent les départements de Bihor et de Salaj, il ne reste plus que 2000 Slovaques. Pourtant, chacun d’entre eux possède un talent qui se fait de plus en plus rare : travailler le verre, donnant ainsi une nouvelle vie à l’histoire locale.
Pour rappel, il y a plus de deux siècles, les Slovaque se sont établis dans ces contrées, attirés par les somptueuses forêts et par la première fabrique de verre de Roumanie, fondée en 1780 à Huta. 60 ans plus tard, en 1840, cette usine a déménagé dans la Forêt-Noire. Avant la Première Guerre mondiale, environ 20 000 Slovaques habitaient dans la zone.
Découverte du Musée du verre de Stara Huta
De nos jours, c’est le Musée du Verre se trouvant sur place qui rappelle que c’est à Stara Huta qu’avaient été produites les premières bouteilles d’injection pour la pénicilline ainsi que d’autres produits de l’industrie pharmaceutique. D’ailleurs c’est une expérience unique, de voir tout ce qui a été produit ici à cette époque-là, avec des méthodes extrêmement primitives. Le musée garde encore plusieurs artefacts, morceaux de verre et éclats de ces petites bouteilles ayant appartenu à l’ancienne fabrique. On y trouve également la clé de l’usine, ainsi qu’un sceau portant des initiales slovaques, puisque chaque artisan devait appliquer son propre sceau, attestant de la qualité du produit.
À l’intérieur du Musée du verre, deux fabricants qualifiés produisent toujours des objets en verre.
Ils recyclent le verre et en font des gobelets, des boules, des objets d’artisanat, des décorations spécifiques à certaines fêtes, des bouteilles ou autres objets qu’ils vendent aux touristes.
L’un de ces 2 maîtres-artisans est Cornel Lupo, qui a fait ses études à l’école professionnelle de Turda et travaille le verre depuis plus de 40 ans. Voici ce qu’il nous a raconté sur son métier : « Travailler le verre est un métier assez compliqué. Après 1996, lorsque la fabrique de la Forêt-Noire a fermé ses portes, je suis parti pour la Hongrie pour travailler dans une autre usine de verre où j’ai passé 11 ans. Là, j’ai participé à un concours de création et j’ai gagné la première place. Après, en 2002, j’ai passé une année en Ukraine. De là, je suis allé à Palma de Majorque, en Espagne, où j’ai passé huit ans à travailler dans le même domaine. Enfin, après l’Espagne je suis arrivé ici à Huta Slavia ».
Quelques exemples d’objets artisanaux
Voyons plus concrètement les objets que les maîtres artisans qui travaillent le verre réalisent aujourd’hui. Notre invité nous donne quelques exemples :
« Un peu de tout, à commencer par des gobelets, tous les types de gobelets qui existent, jusqu’à l’artisanat. Il y a très peu d’artisans qui travaillent le verre. En fait, créer de l’artisanat, cela implique de tout faire à la main, sans moules, sans presse, sans robots. Mais on peut tout faire. Rien n’est impossible. Par exemple des chandeliers ! Dans la Forêt-Noire se trouve la seule usine d’Europe où l’on a fait des chandeliers pour toutes les cathédrales d’Europe, avec plein de décorations, telles que des feuilles, des bras, des abat-jours… »
Et c’est toujours par passion que Frantisek Koritar a commencé à travailler le verre. Il se souvient de ses débuts :
« Il fallait trouver un emploi le plus proche possible de la maison. Et la Forêt-Noire s’est avérée la plus proche. Moi, je suis originaire de Şinteu et maintenant, à mon âge, j’aimerais pouvoir transmettre mon métier aux autres, mais les jeunes ne s’y intéressent plus. Un seul est venu apprendre ce métier, mais il est parti au lieu de rester travailler. Donc il n’y a personne pour prendre la relève ».
Transmission aux nouvelles générations
C’est avec nostalgie que Frantisek Koritar se rappelle de son travail durant sa jeunesse : « Je ne saurais pas vous dire combien d’objets j’ai fait, on était sept dans notre équipe et on avait des normes à remplir. On fabriquait des verres, des bouteilles de vin… On en fabriquait 6 centaines environ en six heures. Cela n’a pas été facile. Il faisait tellement chaud près du four où l’on fait fondre le verre à 1450° et là où on travaille le verre il fait 1100°, donc ce n’était pas du tout facile ».
Nos invités nous ont aussi raconté qu’une route directe relie la Forêt-Noire à cette petite localité de Şinteu, puisque jadis, c’était le chemin par lequel le verre était envoyé de Roumanie en Slovaquie.
Un métier très difficile, donc fait avec passion pendant des décennies par ceux qui ont su comprendre sa beauté. Malheureusement, c’est un métier en voie de disparition, comme nous l’ont expliqué nos deux interlocuteurs. (trad. Valentina Beleavski)