Le culte des reliques en Roumanie et le passage des reliques de la Sainte Hélène en Roumanie
Le passage des reliques de la sainte Hélène en Roumanie n’est pas seulement un événement religieux, mais c’est aussi une preuve de la collaboration entre les Eglises orthodoxe et catholique en ce qui concerne le patrimoine chrétien commun de l’Europe.

Andra Juganaru, 14.05.2025, 18:14
Les relations étroites entre les cultes chrétiens orthodoxes et catholiques se sont concrétisées par un nouvel événement. L’ensemble des reliques de l’Impératrice romaine Hélène (ca. 250 – ca. 330), mère de l’Empereur Constantin Ier (surnommé « le Grand » 272-337), ont été amenées fin avril en Roumanie, pays majoritairement orthodoxe. Ensuite, une délégation de l’Eglise romaine-catholique dédiée à Sainte-Hélène de Venise, sous la garde de laquelle se trouvaient les reliques, a accompagné le reliquaire vers le monastère de Pantocrator dans le département de Teleorman (sud). Pourquoi cet événement revet-il une telle importance en Roumanie ? Explorons ce détail culturel et son histoire en.
L’impératrice Hélène a été enterrée à Rome (probablement dans les environs de l’an 329), puis ses reliques ont été transférées à Constantinople. En 1211, lors d’une croisade, les chevaliers occidentaux les ont transportés à Venise, d’où ils n’ont été emmenés en pèlerinage que huit siècles plus tard. La Roumanie est le deuxième pays orthodoxe, après la Grèce en 2017, dans lequel les reliques ont séjourné depuis leur transport à Venise. Cet événement s’inscrit dans une série d’événements tout aussi marquants, cette année, les 100 ans de la création de la Patriarchie orthodoxe roumaine. Précisons que les chrétiens de confession catholique comme les orthodoxes attachent beaucoup d’importance aux reliques, auxquelles ils réservent une place essentielle dans le culte.
Le culte des saints : une tradition de l’antiquité tardive
Dans les deux confessions chrétiennes, catholique et orthodoxe, le culte des saints s’enracine dans les premiers siècles de l’Eglise. A une époque où le christianisme n’était pas légale, et donc où les persécutions faisaient rage, les chrétiens honoraient les martyrs condamnés à mort pour leur foi par les autorités impériales de l’Empire romain. Leurs sépultures devenaient des lieux de prière, et les objets ou restes corporels leur appartenant étaient considérés comme porteurs de grâce divine.
Même après la fin de l’époque des persécutions, lorsque le christianisme est devenu légale dans l’Empire romain, les corps des saints ont été vus comme des temples du Saint-Esprit. L’on croyait que même après la mort, leur puissance miraculeuse demeurait. Qui plus est, au fil du temps, l’Eglise orthodoxe a enraciné la tradition de faire contenir une relique à chaque autel. Les pèlerinages – une tradition de l’antiquité païenne – sur les tombeaux des saints sont devenus fréquents. Les reliques ont dès lors été perçues comme des liens tangibles avec le Royaume des cieux.
Dans le catholicisme, les reliques sont classées en trois catégories : de première classe (parties du corps), de deuxième classe (objets ayant appartenu au saint) et de troisième classe (objets ayant touché une relique). Le Concile de Trente (1545-1563) a confirmé leur rôle dans la vie de l’Église. Les grands sanctuaires comme Lourdes, Saint-Jacques-de-Compostelle ou Rome attirent des millions de pèlerins chaque année.
En dépit des différences dogmatiques, les deux traditions partagent la conviction que les saints intercèdent pour les vivants et que leurs reliques sont des instruments de grâce.
Sainte Hélène
Sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin le Ier, est l’une des figures féminines les plus vénérées dès l’antiquité tardive. Issue probablement d’un milieu modeste, elle est devenue impératrice après l’ascension de son fils au pouvoir. Les sources décrivant sa vie et celle de son fils la présentent comme fervente Chrétienne, qui aurait entrepris, vers l’an 326, un pèlerinage en Terre Sainte durant lequel elle aurait découvert la vraie Croix sur laquelle le Christ avait été crucifié.
Son nom reste associé à la construction d’églises en Palestine, notamment la basilique de la Nativité à Bethléem et celle du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Elle est morte après son retour à Rome, vers l’an 329. Elle a été enterrée dans un mausolée impérial situé sur la Via Labicana, dont une partie subsiste aujourd’hui sous la forme du musée des Thermes de Dioclétien.
Au IVe siècle, une partie de ses reliques a été transférée à Constantinople, nouvelle capitale chrétienne de l’Empire, connue aussi comme la nouvelle Rome. La translation des reliques a été à la fois un acte politique et spirituel : elle ancre Constantinople dans la continuité sacrée de l’Empire romain et de l’Eglise.
Les événements liés aux croisades ont modifié le destin des reliques impériales. En 1204, lors du sac de Constantinople par les chevaliers de la quatrième croisade, de nombreux trésors byzantins ont été dérobés. C’est probablement à ce moment que les reliques de sainte Hélène sont parvenues en Occident.
En 1211, elles ont été installées à Venise, dans l’église San Salvatore, puis transférées à l’église Sant’Elena, spécialement construite sur l’île éponyme pour les abriter. Depuis le XIIIe siècle, elles n’ont que rarement quitté la cité lagunaire, ce qui a rendu leur présence en Roumanie d’autant plus exceptionnelle.
Le passage des reliques de la sainte Hélène en Roumanie n’est pas seulement un événement religieux, mais c’est aussi une preuve de la collaboration entre les Eglises orthodoxe et catholique en ce qui concerne le patrimoine chrétien commun de l’Europe.