Timisoara, la ville où la Révolution de 1989 a commencé.
A plus de trois décennies depuis la chute du communisme, les Roumains continuent à évoquer les événements de décembre 1989.
Bogdan Matei, 16.12.2025, 12:23
Installée par les troupes d’occupation soviétiques, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la dictature communiste a résisté en Roumanie presqu’un demi-siècle et s’est effondré en une semaine, tel un colosse aux pieds d’argile. Las de la politique d’austérité extrême imposée par le régime Ceausescu, confrontés des années durant à la pénurie sévère d’aliments, de gaz, de chauffage ou d’électricité, exaspérés par l’absence de libertés élémentaires et encouragés par la chute de plusieurs dictatures en Europe de l’Est, les Roumains n’ont eu besoin que d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres.
Timisoara- la révolte commence le 16 décembre 1989
Le 16 décembre 1989, une manifestation de soutien au prêtre réformé d’origine hongroise László Tőkés, que les autorités voulaient expulser de Timişoara (ouest), s’est transformée en une véritable révolte. Des centaines, puis des milliers, puis des dizaines de milliers d’habitants de Timişoara, de différentes ethnies et confessions, ont rejoint les quelques dizaines de protestataires réunis dans un premier temps. Les forces de l’ordre ont immédiatement réagi et procédé à des arrestations. Puis, l’armée, la milice et les membres de la Securitate (la police politique du régime) ont ouvert le feu et tiré sur les manifestants. Les usines, les fabriques, l’université se sont mises en grève, les ouvriers et les étudiants se sont joints aux protestations, et l’armée s’est retirée dans les casernes.
Le 21 décembre, la révolution gagne le pays
Le 20 décembre, Timişoara devenait ainsi la première ville roumaine affranchie du communisme. Le 21 décembre, la révolte populaire gagne d’autres grandes villes de l’ouest et du centre du pays pour culminer par les protestations massives de Bucarest que les communistes tentèrent à nouveau à noyer dans un bain de sang. Le 22 décembre, le couple de dictateurs Nicolae et Elena Ceauşescu s’enfuit à bord d’un hélicoptère du toit du siège du comité central du parti, assiégé par des centaines de milliers de personnes.
Le couple Ceausescu, exécuté le 25 décembre
Capturés, jugés rapidement et exécutés le 25 décembre, Nicolae et Elena Ceausescu ont laissé derrière eux un pays ruiné et ensanglanté. Les événements de 1989 ont coûté la vie à plus de 1 100 personnes. À l’époque, ces victimes ont été attribuées à des soi-disant terroristes, fidèles à la dictature, dont l’identité n’a jamais été révélée. Les procureurs militaires en charge du dossier de la Révolution tiennent pour principal responsable le leader de l’époque, Ion Iliescu. Membre du gouvernement Ceausescu dans les années 70, tombé par la suite en disgrâce, Ion Iliescu, premier président de la Roumanie postcommuniste et ses collaborateurs sont accusés d’avoir alimenté en 1989 et juste après, une véritable psychose terroriste qui a contribué à faire des victimes parmi les Roumains sortis dans les rues.
Ion Iliescu, accusé d’avoir alimenté la psychose terroriste
En mai 1990, Ion Iliescu a remporté dès le premier tour et haut la main, avec 85% des voix, les premières élections libres organisées par la Roumanie postcommuniste. Son parti, le Front du salut national, occupait, lui, deux tiers des sièges au sein du Parlement nouvellement créé. Selon les procureurs, Ion Iliescu et son équipe se sont constitués en « un groupe dissident dont le but était d’écarter Nicolae Ceauşescu du pouvoir, tout en gardant le pays dans la sphère d’influence de l’URSS ». Un scénario qui a échoué, si l’on regarde le parcours européen et euro-atlantique de la Roumanie, membre de l’Union européenne et de l’OTAN et profondément attachée aux valeurs démocratiques occidentales.