La semaine du 8 au 14 décembre 2025
La Cour constitutionnelle valide les hausses d’impôts mais reporte la décision sur les régimes spéciaux de retraite / La justice roumaine sous tension / Ciprian Ciucu élu maire de la capitale roumaine / Les conséquences politiques des élections partielles / Première visite du président roumain en France
Ştefan Stoica, 14.12.2025, 10:47
La Cour constitutionnelle valide les hausses d’impôts mais reporte la décision sur les régimes spéciaux de retraite
En milieu de semaine, la Cour constitutionnelle a rejeté la saisine déposée par les députés populistes et validé la loi prévoyant, dès le 1ᵉʳ janvier prochain, l’augmentation des impôts sur les logements, les automobiles, les dividendes et les revenus issus des transactions en crypto-monnaies. La Cour constitutionnelle roumaine a toutefois choisi de différer à la fin de l’année sa décision la plus attendue : celle concernant la réforme des pensions spéciales des magistrats, pour laquelle le gouvernement a engagé pour la deuxième fois sa responsabilité devant le Parlement. Les juges de la Haute Cour ont contesté le projet, estimant qu’il introduirait une discrimination entre magistrats et autres bénéficiaires de pensions de service, tout en portant atteinte à l’indépendance de la justice. Mesure clé du Plan national de relance et de résilience, le texte élaboré par l’exécutif prévoit de plafonner les pensions des juges et procureurs à 70 % de leur dernière rémunération nette, et d’augmenter progressivement leur âge de départ à la retraite jusqu’à 65 ans.
La justice roumaine sous tension
Hasard ou non du calendrier, la Cour constitutionnelle roumaine a reporté sa décision à un moment particulièrement sensible pour la justice roumaine. Une enquête des journalistes du média roumain indépendant Recorder, publiée sous le titre Justiţie capturată (La justice capturée), révèle, avec l’aide de magistrats en activité et retraités, comment des affaires de corruption à grande échelle ont été classées sans suite grâce au remplacement de plusieurs juges, et les conséquences de la centralisation du pouvoir entre certains magistrats proches des politiciens. « Nous en sommes arrivés à réinventer le droit », déclare l’un des magistrats dans le documentaire, avertissant que le « massacre de l’idée de justice démobilise les magistrats et désarme les citoyens ». Les révélations ont déclenché des manifestations massives à Bucarest, devant le Conseil supérieur de la magistrature, et dans d’autres grandes villes, où les manifestants scandaient « Justice, pas mafia » et « Nous voulons la justice, pas l’immunité ». Le courage des magistrats à dénoncer les pratiques toxiques et la collusion avec le monde politique a inspiré de nombreux collègues à exprimer leur solidarité. Principalement visées par le documentaire, les directions du Conseil suprême de la magistrature et de la Cour d’appel de Bucarest ont réagi en dénonçant ce qu’elles qualifient d’attaque concertée contre le pouvoir judiciaire, une tentative de délégitimation et de discrédit du système.
Ciprian Ciucu élu maire de la capitale roumaine
Le libéral Ciprian Ciucu a été élu maire général de Bucarest pour un mandat jusqu’en 2028. Réputé pour ses succès à la tête du secteur 6, Ciucu a cette fois conquis un électorat plus large, obtenant plus de 36 % des voix lors des élections locales partielles de dimanche 7 décembre. Le poste était vacant depuis que Nicuşor Dan, réélu en 2024, s’était présenté avec succès à la présidentielle de cette année. Derrière Ciucu, la journaliste Anca Alexandrescu, soutenue par des formations populistes et ultranationalistes, a récolté 22 % des voix, tandis que le social-démocrate Daniel Băluţă, maire du secteur 4 et favori selon de nombreux sondages, a obtenu un score similaire. Le candidat de l’USR, l’ancien leader Cătălin Drulă, a terminé en quatrième position, alors même que Bucarest était considéré comme un bastion du parti centriste. Les analystes s’inquiètent d’un phénomène préoccupant : l’apathie croissante des électeurs, reflétée par un taux de participation très faible, inférieur à 33 %, qui interroge sur l’engagement démocratique de la capitale.
Les conséquences politiques des élections partielles
Suite aux élections municipales de Bucarest, bastion traditionnel du centre, l’ascension des soi-disant « souverainistes », extrémistes de droite, doit intriguer le Parti National Libéral, même s’il a obtenu un succès électoral majeur, l’Union Sauvez la Roumanie et le Parti Social Démocrate. La victoire de Ciprian Ciucu renforce à court terme la position du Premier ministre Ilie Bolojan, qui a du faire face aux contestations de son partenaire social démocrate. Suite à un nouvel échec électoral et à cause de la menace des extrémistes de droite, les sociaux-démocrates ont annoncé une période d’analyse interne après les six mois de participation au sein du gouvernement conduit par le libéral Ilie Bolojan. Selon les sociaux-démocrates, suite à cette évaluation, probablement le mois prochain, ils décideront s’ils passent ou non dans l’opposition. Aux dires du président des sociaux-démocrates, Sorin Grindeanu, l’évaluation tiendra compte de la manière dont les propositions du Parti Social Démocrate concernant le budget, le SMIC ou la réforme de l’administration seront traitées. Et pourtant le Parti Social Démocrate a décidé de ne pas voter la motion de censure initiée par les parlementaires ultra-nationalistes et populistes qui a été présentée ce lundi au Parlement. La motion semble être une invitation à collaborer, adressée au Parti Social-Démocrate et demande explicitement la sortie de l’Union Sauvez la Roumanie du Gouvernement.
La première visite du président roumain en France
Le président Nicusor Dan s’est entretenu ce lundi à l’occasion de la première visite officielle à Paris avec des membres de la diaspora, qu’il a remercié pour les efforts qu’ils faisaient pour garder l’identité roumaine. Le président a promis que l’administration présidentielle essayait de créer une interface pour la collaboration avec les communautés des Roumains de la diaspora. Les pourparlers avec le président Emmanuel Macron ont visé la modalité dont les compagnies françaises pouvaient contribuer aux investissements majeures que la Roumanie prépare dans l’industrie de la défense par le programme européen SAFE (Security Action for Europe). Le président Dan avait déjà mis en discussion le sujet à l’occasion d’un entretien avec les représentants des compagnies du domaine de la défense et des technologies émergentes. La Roumanie fera des investissements significatifs dans le domaine de la défense mais non seulement en tant que simple acheteur, a souligné Nicusor Dan. Selon lui, Bucarest souhaite des partenaires qui apportent au pays de la production, de la technologie, des emplois et des capacités d’exportation. Monsieur Dan n’a pas exclu la croissance du nombre de militaires français déployés en Roumanie dans le cadre du groupe de combat de l’OTAN, mais aucune décision n’a été prise jusqu’à aujourd’hui. « Face aux menaces actuelles l’UE dispose d’une force capable d’être mobilisée à tout moment pour défendre la Roumanie » a assuré le leader de Bucarest.