Une guerre commerciale qui redessine le monde
De nombreux économistes ont tiré la sonnette d’alarme : les mesures adoptées par les Etats-Unis pourraient ralentir l’économie mondiale, accroître le risque de récession et alourdir le coût de la vie pour les familles américaines de plusieurs milliers de dollars par an.

Corina Cristea, 02.05.2025, 11:51
Les récentes taxes douanières annoncées par le président Donald Trump ont provoqué une onde de choc à travers le monde. La date du 2 avril a même été proclamée par le patron de la Maison Blanche comme le « jour de la libération de l’Amérique », et qui restera, selon ses mots, à jamais gravée dans les mémoires comme « le jour de la renaissance de l’industrie américaine, le jour où l’Amérique a repris son destin en main, et celui où nous avons commencé à rendre l’Amérique prospère à nouveau ».
Mais de nombreux économistes ont tiré la sonnette d’alarme : ces mesures pourraient ralentir l’économie mondiale, accroître le risque de récession et alourdir le coût de la vie pour les familles américaines de plusieurs milliers de dollars par an. Des craintes qui ont entraîné un ralentissement de l’activité industrielle mondiale, ce qui n’a pas tardé d’entraîner des répercussions immédiates sur les marchés financiers. La presse internationale a d’ailleurs multiplié les titres alarmistes : « carnage boursier », « bain de sang », « panique », « folie », « situation dramatique » ou encore « Lundi noir », en référence aux conséquences possibles des mesures protectionnistes américaines.
Un bilan en demi teinte
Invité au micro de Radio Roumanie, le président de la Bourse de Bucarest, Radu Hanga, a dressé un état des lieux, pas toujours reluisant. Ecoutons-le :
« Je pense que nous traversons une période complexe, et je ne crois pas que nous en sortirons rapidement. Le monde est en train d’être redessiné, c’est ce que nous voyons autour de nous, et cela prendra du temps. Je ne m’attends pas à ce que nous revenions bientôt au monde tel que nous l’avons connu. Depuis l’annonce de nouveaux tarifs douaniers par les États-Unis, les places boursières mondiales ont enregistré des pertes de 10 à 15 %. Je dirais que la réaction des marchés locaux, dans notre région, y compris celui de Roumanie, a été en revanche plutôt bonne, reflétant en quelque sorte la réalité mondiale. Mais quoi qu’il en soit, la mondialisation recule, le monde se divise, et ces barrières tarifaires commenceront à entraver le commerce international. »
Aussi, si les États-Unis avaient, dans un premier temps, instauré des droits de douane de 25 % sur les importations d’acier, d’aluminium, de véhicules et de pièces automobiles et cela quelle que soit leur origine, ils ont dans une deuxième étape imposé une taxe générale de 10 % sur tous les autres produits importés ainsi que sur certains biens énergétiques et composants électroniques. Pour plusieurs dizaines de pays, des surtaxes s’ajoutaient selon leur niveau de taxation des produits américains et l’ampleur de leur excédent commercial avec les États-Unis.
Des risques qui pourraient en fait aggraver la situation
Le professeur Cristian Păun explique pourquoi ces taxes risquent d’avoir l’effet inverse de celui recherché :
« Les États-Unis ont un déficit commercial important avec le reste du monde, et un déficit budgétaire énorme. Mais malheureusement ces taxes ne résoudront pas ses problèmes. Au contraire, elles vont les aggraver. Si vous taxez les matières premières et les composants à l’entrée du pays, tout ce qui est produit localement deviendra plus cher. Et il est peu probable que les États-Unis puissent relocaliser toute leur production de composantes du jour au lendemain. En parallèle, leurs exportations seront frappées de mesures de rétorsion, rendant leurs produits encore plus chers et moins compétitifs à l’étranger. Résultat des courses : une hausse des prix sur le marché américain, une baisse de la consommation, moins de recettes fiscales et la chute des exportations. Le protectionnisme tarifaire ne permet pas d’atteindre les objectifs annoncés. L’histoire économique nous enseigne que c’est la liberté du commerce qui mène à la prospérité. »
Ce sont peut-être ces arguments qui ont poussé Donald Trump, juste quelques heures avant l’entrée en vigueur de ces nouveaux tarifs, à annoncer une suspension de 90 jours pour plusieurs dizaines de partenaires commerciaux des États-Unis à l’exception notable de la Chine. Pour sa part, Pékin a répliqué avec des hausses de droits de douane allant jusqu’à 125 %, annulant l’effet positif de la suspension partielle des taxes américaines et ramenant les marchés dans le rouge. Le dollar a légèrement baissé face à l’euro, et l’or, valeur refuge par excellence, a atteint de nouveaux records.
Certaines voix avancent que Donald Trump n’a jamais réellement visé l’application durable de ces mesures, mais qu’il cherchait avant tout à provoquer de nouvelles négociations — une stratégie que des responsables américains ont qualifiée de « repositionnement intelligent » dans l’ordre commercial mondial. L’Union européenne, saluant la suspension temporaire des taxes, l’a considérée comme un pas vers la stabilisation de l’économie mondiale et a choisi de différer sa réponse afin de donner une chance au dialogue. (Trad Ionut Jugureanu)