L’hippodrome de Floreasca
Avant 1945, dans la capitale roumaine, les courses de chevaux se déroulaient sur l’hippodrome de Băneasa. Les amateurs de chevaux et de sport équestre s’y réunissaient pour socialiser et poursuivre leur passion. Au début du XXe siècle, l’hippisme gagnait en popularité en Roumanie aussi, et bientôt l’hippodrome de Băneasa allait s’avérer insuffisant pour faire face aux demandes d’événements. Ainsi est née la construction du deuxième hippodrome, celui du quartier Floreasca, au nord-est de Bucarest.Après la Première Guerre Mondiale, l’humanité commençait à se remettre des traumatismes provoqués par la grande conflagration et essayait de s’habituer à la nouvelle réalité géopolitique. La guerre avait laissé de profondes traces et l’élan de la reconstruction et d’un nouveau départ était visible partout. Même dans un nouveau monde, les gens ressentaient le besoin de continuer leur vie d’avant. Ainsi, les loisirs et les passe-temps favoris occupaient une place importante dans la vie des gens, l’hippisme en faisant partie.
Steliu Lambru, 22.11.2020, 13:30
Avec l’historien Cezar Buiumaci, nous avons égrené l’histoire de l’hippodrome Floreasca, l’endroit où fut écrite une partie de l’histoire de l’hippisme de Bucarest : «Après la Grande Guerre, les courses de chevaux ont commencé à gagner en popularité parmi les habitants de Bucarest. De plus en plus de passionnés sont devenus propriétaires de chevaux de race. Parce que leur nombre augmentait constamment et l’espace de l’hippodrome de Băneasa se révélait limité, l’idée de construire un nouvel espace pour les courses de chevaux est apparue. Celui qui a posé les bases du nouvel hippodrome est l’ingénieur Ion Matak, propriétaire de haras. Au début des années 1930, il a acheté, à la « Société de Logements Bon Marchés », un terrain de 180.000 mètres carrés, du côté de l’avenue Ștefan cel Mare. L’investissement s’est élevé au montant fabuleux de 6 millions de lei de l’époque.»
L’initiative de l’ingénieur Ion Matak porte ses fruits et la nouvelle construction prend corps. Le projet a été confié à l’un des meilleurs spécialistes de l’époque, raconte Cezar Buiumaci: « Les bâtiments de l’hippodrome ont été dessinés par l’architecte Paul Smărăndescu, l’un des représentants importants du style néo-roumain. Le nouveau bâtiment, érigé avec la façade des tribunes se terminant au deuxième étage, était dans ce style. Il avait une galerie ouverte et des piliers en bois sculpté. Pour avoir une bonne visibilité, les tribunes étaient complètement ouvertes. Le complexe de bâtiments comprenait trois tribunes: le pavillon officiel, le pavillon royal et le pavillon public, tous reliés par des couloirs et des passages.»
À partir de 1924, les habitants de Bucarest avaient un deuxième endroit pour profiter de leur passion. Un film sur l’ouverture de l’hippodrome a été réalisé et présenté dans les cinémas de la capitale roumaine. Cezar Buiumaci dit que pendant ses 13 ans d’existence, l’hippodrome Floreasca a eu une activité intense : « Inauguré à l’automne de la même année de sa construction, l’hippodrome a été un succès, avec une participation croissante. En seulement 5 ans, des courses nocturnes ont été organisées ici grâce à l’éclairage électrique. Les courses les plus importantes étaient celles de trot et le programme était le suivant: dimanche et jeudi pour les courses de galop, mercredi et samedi pour les courses de trot. Cependant, la quatrième décennie allait apporter des problèmes pour l’hippodrome Floreasca, en raison d’un cumul de facteurs. C’était surtout une mauvaise gestion, mais aussi la crise économique de 1929-1933. L’implication du roi Carol II en 1935, année de la première célébration du Mois de la ville de Bucarest, a été de bon augure, entraînant la renaissance de l’hippodrome, grâce à la première course internationale qui s’y est déroulée. Mais les problèmes n’ont pas trouvé de solutions et deux ans plus tard, en 1937, l’hippodrome Floreasca est fermé. Les courses ont continué à se tenir uniquement à l’hippodrome Băneasa.»
L’hippodrome Floreasca commençait à vivre des temps difficiles. Le déclin amorcé à la fin des années 1920 a conduit à son effondrement, au début de la décennie suivante. Cezar Buiumaci : « Après la démolition de l’hippodrome, l’endroit a été parcellé afin d’y construire un ensemble de logements bon marché. Cependant, le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale a mis un terme à cette démarche, reprise pendant les années 1960 par les autorités communistes, qui y ont construit un ensemble d’immeubles d’appartements, un quartier dont les rues portaient des noms de compositeurs. Le centre sportif Dinamo a été construit sur un côté de l’ancien hippodrome. Il y a également un espace vert au milieu de ce nouveau quartier Floreasca, le parc Verdi, où a été construit plus tard le cinéma Floreasca.»
Le nouveau régime communiste d’après 1945 avait d’autres priorités urbaines, précise Cezar Buiumaci: « On peut dire que, tout comme dans le cas de l’hippodrome Băneasa, il y a eu un chevauchement des bâtiments du nouveau régime, une transformation avec un symbolisme de propagande, les nouveaux bâtiments prenant la place de ceux d’un régime considéré comme décadent. Cependant, des rumeurs circulaient dans les années ’60 et ’70 du 20-e siècle selon lesquelles un nouvel hippodrome devait être construit à l’extrémité du quartier Drumul Taberei à Bucarest. Cependant, dans la littérature spécialisée, nous n’avons pas trouvé de détails sur ce projet, et l’arrivée au pouvoir de Nicolae Ceaușescu a signifié dans une large mesure l’abandon de certains projets de développement de cette zone au profit d’autres. »
L’ancien emplacement de l’hippodrome Floreasca est aujourd’hui méconnaissable. Seulement une ancienne écurie de trot de la rue Vornicul Manolache rappelle encore le paysage urbain d’il y a 100 ans. (Felicia Mitraşca)