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Les monastères offerts en dévotion

Du XVIᵉ siècle jusqu’au début du XIXᵉ siècle, les princes et les grands boyards roumains offraient à des établissements monastiques chrétien-orthodoxes d’Orient des monastères, dotés de toutes leurs terres et tous leurs biens, situés sur le territoire des Principautés roumaines.

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, 08.12.2025, 10:32

Dans l’histoire ecclésiastique de l’espace roumain, il a existé, du XVIᵉ siècle jusqu’au début du XIXᵉ siècle, la pratique de închinare des monastères, soit des monastères roumains offerts en dévotion. En effet, les princes et les grands boyards roumains offraient à des établissements monastiques chrétien-orthodoxes d’Orient des monastères, dotés de toutes leurs terres et tous leurs biens, situés sur le territoire des Principautés roumaines. Ainsi, 220 établissements monastiques roumains ont été au fil du temps dédiés au Mont Athos, au Saint-Sépulcre de Jérusalem, au patriarcat d’Alexandrie, au monastère Sainte-Catherine du Sinaï et à d’autres centres monastiques prestigieux du monde orthodoxe. Parmi ces monastères dédiés, 130 se trouvaient en Valachie et 90 en Moldavie.

Tudor Dinu, professeur à l’Université de Bucarest et auteur d’un volume consacré aux monastères dédiés, explique le mécanisme :

 

« Selon la coutume, les Roumains dédiaient ces monastères avant tout pour soutenir leurs frères de foi vivant sous domination musulmane. Progressivement toutefois, je me suis rendu compte que la principale raison, parmi les douze que je passe en revue dans mon ouvrage, est la faillite de nos propres monastères. Ils sombraient dans la ruine, et l’on faisait alors appel à des gestionnaires compétents venus de l’étranger. Cela a été pour moi une surprise. Les raisons de cette pratique sont toutefois assez variées, et parmi ces raisons il y avait aussi l’impact provoqué par les visites de personnalités ecclésiastiques venues de l’Orient chrétien, qui fascinaient les boyards roumains. »

L’étude des documents couvrant un intervalle aussi long, trois siècles d’histoire, apporte plusieurs surprises. Tudor Dinu :

 

« J’ai suivi toute la typologie des monastères offerts en dévotion et de l’annulations de ces actes, car il existe aussi des cas de dezînchinare. J’ai vu des dédicaces faites de tout cœur, d’autres abusives. J’ai également constaté que, contre toute attente, le pic du phénomène n’appartient pas à la période phanariote, fin XVIIIe. Il se situe plutôt entre 1620 et 1635 en Valachie, et entre 1665 et 1680 en Moldavie. Nous avons de nombreux cas où les Phanariotes, soit les princes régnants issu de l’élite byzantine du quartier du Phanar de Constantinople et nommées par la Sublime Porte à la tête des Principautés roumains, s’opposent aux dédicaces. Ces derniers cherchaient à préserver un équilibre fragile avec les cercles locaux de pouvoir. Vers 1800, ils ne souhaitaient plus multiplier le nombre de monastères offerts, car cela risquait de leur attirer l’ire de la population locale. »

 

Tudor Dinu s’est intéressé à ceux qui vivaient dans ces monastères dédiés et aux biens qu’ils administraient :

 

« En étudiant la vie monastique, j’en suis arrivé à la conclusion que, contrairement aux monastères gérés par les autochtones, les monastères dédiés comptaient très peu de moines. Les statistiques dont nous disposons montrent que la plupart ne comptait qu’un moine ou deux, souvent des Grecs. Il existait aussi des communautés monastiques mixtes, mais elles étaient rares. Un monastère comptant cinq, six ou dix moines était considéré immense pour l’époque. À ce nombre très faible de moines s’opposait l’énorme diversité des propriétés qu’ils géraient. Il ne s’agissait pas seulement de domaines agricoles ou de vignobles, mais parfois de villes entières. Certaines villes appartenaient intégralement à des monastères roumains offerts en dévotion. L’actuelle capitale de la République de Moldova, Chișinău, appartenait entièrement au monastère Galata et au Patriarcat de Jérusalem. La ville de Botoșani avait été dédié, intégralement, par un Prince phanariote au Patriarcat d’Antioche à travers le monastère Saint-Nicolas Popăuți de Botoșani. L’on trouvait aussi des tavernes, des maisons et ce que nous appellerions aujourd’hui des puits de pétrole, mieux connus à l’époque sous l’appellation des puits de bitume. Les monastères offerts en dévotion géraient parfois des carrières de pierre, des cafés, des bains turcs, des caravansérails. En somme, l’on pourrait voir ces monastères comme de véritables gestionnaires de fortune. Un higoumène isolé, assisté éventuellement de deux adjoints, se trouvait confronté à une activité managériale épuisante. Dans ces monastères, la gestion occupait presque tout le temps des higoumènes. Il existait certes une activité culturelle aux monastères de Cotroceni et de Văcărești, où les communautés étaient plus importantes. Mais l’activité dominante restait spirituelle et surtout économique. »

 

Derrière les revenus générés par les biens de ces monastères se trouvait le travail de nombreux individus. Tudor Dinu :

« Au-delà des moines et de l’higoumène, qui était, dirions-nous aujourd’hui, le DG d’une grande entreprise, se trouvaient ceux qui accomplissaient le vrai travail du monastère. Il existait deux catégories, soit les poslușnici, sorte de serviteur monastique, et les scutelnici, sorte d’affranchi fiscal attaché au monastère. Le plus souvent, ces figures n’étaient pas des locaux, car cela aurait représenté une perte pour les finances de l’État. Ils étaient étrangers. En Valachie, c’étaient principalement des chrétiens balkaniques, mais il y avait aussi des scutelnici hongrois. En Moldavie, ils venaient non seulement des Balkans, mais aussi de l’actuelle Ukraine, de la Russie et de la Galicie. C’étaient des spécialistes, des professionnels, selon le profil économique du monastère. Si le monastère se trouvait dans une zone viticole, beaucoup étaient vignerons. S’il possédait de nombreux ruchers, ils étaient apiculteurs. D’autres avaient des spécialités tout à fait particulières : au monastère des Trois Hiérarques, l’on trouve même un traducteur, un tălmaci, selon la langue de l’époque. »

 

Les monastères offerts en dévotion possédaient également des serfs, dont le statut variait selon les époques et les propriétaires. Le professeur Tudor Dinu :

 

« Il y avait également des Tsiganes esclaves. Parfois, les grands monastères, tel Cotroceni ou Radu-Vodă, possédaient plusieurs centaines d’âmes. Ce sont bien ces derniers avec leurs familles qui accomplissaient la majeure partie des travaux, et dont les conditions de vie les poussaient souvent à fuir. Malheureusement, les higoumènes préféraient trop souvent multiplier les ordres de recherche plutôt que d’améliorer leurs conditions de vie, ce qui les aurait incités à rester. Les Tsiganes n’étaient pas toujours spécialisés, mais leurs métiers étaient remarquables : en plus des métiers traditionnels de forgeron, chaudronnier, briquetier ou fabricant de cuillers, l’on trouvait de nombreux cuisiniers, musiciens et cochers. »

 

En 1863, sous le règne du prince Alexandru Ioan Cuza et avec le soutien de l’ensemble de la classe politique l’État roumain a sécularisé l’ensemble des biens appartenant aux monastères offerts en dévotion au fil de siècles.

(Trad Ionut Jugureanu)

 

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