L’UE porte son attention sur l’alimentation des bébés
Essentiel pour la vie des nouveaux-nés, l’allaitement n’est plus, depuis longtemps déjà, la modalité exclusive de nourrir les bébés pendant les premiers mois de vie. Sur les 137 millions d’enfants qui naissent annuellement dans le monde, 32,6% bénéficient d’une alimentation exclusive au sein. A part les problèmes de santé, qui peuvent empêcher certaines mères d’allaiter leurs enfants, s’ajoute une autres cause importante: l’abondance des formules de lait proposées sur le marché. Cette alternative est adoptée par les mères qui soit se sentent fatiguées, soit prêtent trop facilement l’oreille à ceux qui leur présentent le lait de vache ou en poudre comme étant meilleur pour la santé du bébé.
Christine Leșcu, 04.12.2013, 13:55
Voici le témoignage d’une mère qui a nourri son enfant au sein pendant un an et demi. Elle parle des difficultés physiques et psychiques de l’allaitement : « Il se crée une forte dépendance entre la mère et l’enfant, ce qui retarde le moment où l’enfant acquiert son autonomie. Dans mon cas, suite à une période d’allaitement excessivement longue, l’enfant a eu des difficultés à assimiler les protéines et une carence en fer. Pourtant, je ne pense pas que l’introduction des formules de lait soit utile. Moi, je recommanderais le sevrage à un an. Je pense que l’allaitement pendant un an suffit, si l’enfant n’a pas de problèmes de santé. A partir du 4e ou du 5e mois, on doit diversifier son alimentation, en accordant beaucoup d’attention aux protéines. »
Afin de contrecarrer plus vite l’anémie de son enfant, notre interlocutrice a essayé la nourriture pour bébé se trouvant, en petits pots, sur le marché : « Il en a mangé très peu, après quoi il les a refusés. Je ne sais pas si je dois faire confiance à ces produits, bien qu’apparemment ils soient bons et que les ingrédients proviennent de l’agriculture biologique. Pourtant, évidemment, nous ne pouvons rien contrôler, nous ne pouvons pas savoir ce qu’ils contiennent. »
Notre deuxième interlocutrice a un petit garçon d’un an qu’elle allaite encore, bien qu’à la maternité personne ne l’y eût encouragée : « Là-bas, on lui donnait du lait en poudre et alors évidemment, l’enfant, n’ayant plus faim, ne tétait plus. Heureusement, ma famille m’a soutenue, car l’allaitement est un véritable défi du point de vue psychique. C’est quelque chose de nouveau, on a des symptômes nouveaux, des douleurs d’un autre genre… Pourtant, j’ai persévéré — bien qu’à un moment donné j’aie été sur le point de le sevrer. L’enfant a eu des problèmes de santé et alors j’ai décidé de continuer à l’allaiter ».
Elle a commencé à diversifier son alimentation lorsque le bébé avait 6 mois, mais ce ne fut pas avec des produits prêts à l’emploi que l’on trouve dans les magasins, elle a préparé elle-même ses aliments : « C’est beaucoup plus sûr. Les purées en petits pots, j’en achète lorsque nous nous déplaçons en voiture et que nous faisons des trajets plus longs, car ce que je prépare à la maison risque de s’altérer. »
Les mamans qui se sont exprimées au cours de ce reportage font partie d’une catégorie de plus en plus rare en Roumanie : celles qui allaitent exclusivement et qui n’utilisent pas les formules de lait en poudre. Selon une étude réalisée en 2011 par l’Institut de protection de la mère et de l’enfant en partenariat avec le ministère roumain de la Santé et l’UNICEF, en Roumanie, seules 12,6% des jeunes mamans choisissent l’allaitement exclusif, un des taux les plus bas d’Europe. Ce qui est surprenant, c’est qu’en milieu rural, ce taux est même inférieur que dans les villes, affirme Voica Popa, experte spécialisée dans la protection de l’enfance au sein d’UNICEF Roumanie : « Malheureusement, le niveau d’information dans la période prénatale, après la naissance, dans la maternité est à la maison est très bas au milieu rural. Il y a beaucoup de femmes qui ne consultent jamais un médecin spécialiste durant la période prénatale. Or, des conseils sur comment soigner un bébé, y compris comment l’allaiter, sur la nutrition de la mère pendant l’allaitement, tout ces informations donc devraient être fournies aux femmes dès le début de la grossesse. »
Ce qui demeure difficilement explicable, c’est la perte des traditions liées à l’allaitement dans les villages roumains et notamment la raison pour laquelle les pratiques saines et naturelles ont été abandonnées : « Hormis le lait maternel et les formules, il faut aussi évoquer les différents produits qui se trouvent sur le marché et qui bénéficient d’une publicité agressive. Ces produits sont consommés dès un âge auquel les enfants devraient être nourris exclusivement de lait maternel, c’est-à-dire avant d’avoir 6 mois. La diversification par étapes commence après cet âge. Selon notre étude, il y a des enfants qui mangent des frites à 7 ou 8 mois. Or à cet âge-là ils devraient manger des fruits. La pomme qui, en milieu rural, est à portée de tous a été remplacée par la banane. Ce qui plus est, les légumes en bocaux sont préférés aux légumes frais, cultivés dans le potager derrière la maison. C’est un paradoxe qui tient du manque d’information et d’éducation. »
Afin d’améliorer cette situation au niveau européen, les institutions de Bruxelles ont récemment adopté une directive qui réglemente l’étiquetage des produits alimentaires pour enfants, mais aussi le contenu du lait en poudre. L’eurodéputée roumaine Daciana Sârbu comte parmi les partisanes de cette directive censée clarifier le contenu de la nourriture pour enfants commercialisée sur le marché unique : « Les consommateurs sauront clairement ce que ces petits pots contiennent, quels sont leurs ingrédients. Par ailleurs, toute la publicité pour ces produits sera modifiée afin d’encourager l’allaitement. A mon avis, le public devrait comprendre l’importance de l’alimentation naturelle. Cet aspect devrait être mieux expliqué parce que dans ce cas nous luttons contre la publicité et contre la plus importante source d’information des citoyens — la télé. C’est une lutte difficile, puisque les gens, occupés et ayant une vie agitée, choisissent les sources d’informations les plus faciles d’accès. »
Sur la toile de fond de la création de nombre de sites consacrées à l’allaitement et de la parution de campagnes telle « La semaine mondiale de l’allaitement », tenues début août, Daciana Sârbu est optimiste et table sur une amélioration du niveau d’information du public. (trad.: Dominique)