Le courrier des auditeurs du 23.05.2025
Ioana répond à vos lettres et vos messages.

Ioana Stăncescu, 23.05.2025, 10:56
Madame, Monsieur, bien le bonjour à vous tous et merci de nous écouter où que vous soyez ! J’espère que vous allez bien et je suis certaine que nombre d’entre vous sont restés un œil sur les élections de Roumanie. J’espère que vous avez écouté les témoignages des Roumains de France diffusés dans le cadre d’un nouvel épisode de RRI Alternative. Alors, puisque nous avons reçu des retours de votre part sur la victoire à la présidentielle du maire de Bucarest, le pro-européen, Nicușor Dan, face à George Simion, candidat nationaliste et eurosceptique, je vais m’attarder un peu plus sur la scène politique de Roumanie.
Le résultat de dimanche a été fêté dans les rues par des centaines de Roumains. A Bucarest, les gens sont sortis spontanément au centre-ville, devant le siège de la Municipalité, pour saluer la victoire de M. Dan et donc, la victoire du parcours européen de la Roumanie.
Jean Michel Aubier de France sur les élections en Roumanie
« Surprise et soulagement de voir le candidat pro-européen remporter l’élection présidentielle. La partie était pourtant très mal engagée pour Nicusor Dan. Mais avec une hausse de la participation, l’extrême droite a finalement été battue. Bien sûr, cela ne va pas radicalement améliorer le sort des roumains, qui très souvent, ont du mal à vivre décemment. Mais le populisme n’a jamais été une solution et il eût été dangereux pour la Moldavie de voir la Roumanie s’ancrer dans le camp pro-russe, aux côtés de la Slovaquie et de la Hongrie.Engluée dans des problèmes de corruption depuis de nombreuses années, la Roumanie doit faire face à de nombreux défis avec un parlement fragmenté et une extrême droite malgré tout très présente. Je reste pour ma part plutôt pessimiste pour l’avenir, car nous avons été trop souvent déçus depuis 1989 » écrit notre auditeur Jean Michel Aubier de France.
Même si nous restons assez prudents, en Roumanie, la victoire de Nicusor Dan, cet indépendant de 55 ans qui a réussi en deux semaines, de renverser le score électoral en sa faveur, alimente notre confiance et optimisme. Déjà parce que la Roumanie a échappé à un président extrémiste et souverainiste. Ensuite, parce que le PSD a enfin perdu le pouvoir. D’ailleurs, le vote des Roumains, quelle que fut leur option au second tour, a été un vote contre le système corrompu en place depuis trop longtemps. Ensuite, il convient de rappeler que le parcours politique de Nicusor Dan a tous les ingrédients d’un parcours correct. Élève brillant, il remporte deux médailles d’or aux Olympiades internationales de mathématiques en 1987 et 1988. Il intègre la Faculté de mathématiques de l’Université de Bucarest, puis part en 1992 en France poursuivre ses études à l’École normale supérieure. Il y obtient un DEA puis soutient en 1998 un doctorat en mathématiques à l’Université Paris XIII. Spécialiste de mathématiques fondamentales, il revient en Roumanie en 1998 et devient chercheur et professeur de mathématiques à l’Institut de Mathématique de l’Académie Roumaine. Il s’engage d’abord dans l’activisme civique et lutte contre la corruption de l’urbanisme de la capitale roumaine. En 2006, il fonde l’association SalvațiBucureștiul (« Sauvez Bucarest ») et remporte des dizaines de procès pour bloquer les projets immobiliers illégaux. En 2015, il fonde la formation libérale Union sauvez Bucarest (USB), devenue l’Union sauvez la Roumanie (USR) l’année suivante. Il démissionne de l’USR et il devient maire de Bucarest. Il se porte candidat indépendant à l’élection présidentielle de 2025 et remporte le scrutin face à George Simion.
Maguy Roy sur les élections roumaines
« BRAVO à votre pays qui a su déjouer les pièges d’ingérence de réseaux étrangers, de manipulations, de fausses informations et mobiliser les électeurs face au danger de l’extrême droite » s’exclame notre auditrice Maguy Roy, du DX Club d’Auvergne. « Je suis toujours étonnée de voir que la diaspora exprime un vote majoritairement extrémiste alors qu’elle ne vit pas en Roumanie. Quel pourcentage de votants représente la diaspora ? Quelles sont les causes principales de l’immigration de ces Roumains vers d’autres pays (pauvreté, corruption ….) ou autre ? » s’interroge-t-elle.
Eh bien, conformément aux chiffres fournis par le ministère des Affaires Etrangères, à l’heure où l’on parle, le nombre des Roumains vivant à l’étranger serait de quelque 5,7 millions de personnes. Parmi les pays où vivent les communautés roumaines les plus nombreuses, mentionnons l’Italie et l’Espagne, avec un million de Roumains chacune, la Grande Bretagne, avec presqu’un million de ressortissants, l’Allemagne, près de 800.00 ou encore les Etats-Unis, avec plus de 450.000 milles. Une centaine de milliers de Roumains vivent aussi en France. La plupart des migrants roumains sont des citoyens âgés de 15 à 64 ans, cela veut dire qu’ils sont encore en âge de travailler. Les principales raisons qui poussent les roumains à changer de pays sont, dans l’ordre : les opportunités économiques, notamment des salaires plus élevés et des perspectives de carrière plus importantes, la faible qualité des services publiques roumains, notamment les problèmes auxquels se confrontent la santé et l’éducation nationale, le souhait d’échapper à la corruption et à la bureaucratie excessive, l’instabilité politique de la Roumanie et la méfiance envers les dirigeants, la volonté d’offrir aux enfants un avenir meilleur et notamment une éducation de qualité ou encore la réunification familiale, dans le cas des Roumains ayant déjà de la famille ailleurs.
Selon des déclarations officielles, c’est notamment la pauvreté et la pénurie des emplois qui poussent les Roumains à chercher fortune ailleurs. Voilà pourquoi, un discours populiste comme celui de George Simion risque de faire des adeptes parmi les ressortissants roumains qui pensent qu’un changement radical de politique pourrait réinstaurer l’ordre et la justice en Roumanie. En fait, plusieurs aspects ont contribué au vote de la diaspora en faveur du souverainiste Simion. En l’absence de tout sens critique, nombre de Roumains de l’étranger ont opté pour le candidat déclaré comme défenseur de la famille traditionnelle, de l’orthodoxie, du nationalisme, sans se poser des questions sur des chapitres importants tels l’économie, le parcours européen, la défense, la santé, la garantie des droits de l’homme.
Paul Jamet sur la victoire de Nicusor Dan
« Plus de la moitié de la Roumanie respire mieux depuis dimanche soir ! » affirme notre auditeur français, Paul Jamet dans un mail. Avec un président mathématicien, les comptes vont s’améliorer, poursuit notre ami qui rappelle que par cette victoire de l’indépendant Nicusor Dan, le hongrois V. Orban et le slovaque R. Fico n’ont pas pu accueillirun compagnon de route en la personne de G. Simion. Le parcours politique de celui-ci a été moins brillant que celui de son contre candidat. Avant de fonder le parti Alliance pour l’Unité Roumaine (AUR, ce qui signifie « or » en roumain), il a été à la tête du groupe de supporter « ultra » de l’équipe nationale et il s’est distingué par son goût pour la violence. Il a gagné en sympathie électorale notamment en pandémie, quand il a plaidé contre la vaccination et le confinement. Aux élections de 2020, à la surprise générale, l’AUR a remporté 9 % des voix au Parlement.
Notre auditeur, Paul Jamet a fortement raison de s’inquiéter de cette faille créée au sein de la société roumaine, profondément divisée en ce moment entre, d’une part, une Roumanie pro-européenne, confiante et éduquée et une Roumanie appauvrie, facilement manipulable et surtout en colère. Effectivement, cher ami, vous avez raison d’affirmer que la question qui se pose en ce moment est comment le président devrait-il faire pour réunir ces deux moitiés qui regardent dans des directions diamétralement opposées. Surtout que le contexte politique, mais aussi économique est très difficile. Nous sommes parfaitement conscients que le prochain gouvernement devra mettre en place des mesures d’austérité, puisque la Roumanie affiche un déficit très élevé et un taux d’inflation inquiétant. La Banque nationale de Roumanie (BNR) a relevé sa prévision d’inflation pour la fin de l’année à 4,6 %, contre 3,8 % précédemment. Lors d’un point presse mardi dernier, le gouverneur MugurIsărescu a précisé que cette nouvelle estimation repose sur des données antérieures au 1er mai, n’intégrant pas les effets des récentes élections, ce qui pourrait entraîner une révision ultérieure. Il a toutefois insisté sur le fait que le principal défi de l’économie roumaine reste le déficit budgétaire structurel. Isărescu a également révélé qu’au cours du mois en cours, le marché des changes avait subi une forte pression, marquée par des sorties de capitaux parmi les plus importantes de l’année. Pour stabiliser le taux de change, la BNR a dû intervenir de manière significative. Donc voilà à quel point c’est compliqué. Je n’ai pas donc de réponse à votre question. J’espère que M. Nicusor Dan et son gouvernement arrivent à gagner la confiance de tout l’électorat. Mais pour cela, il faudrait déjà que les gens comprennent les risques et les dérapages politiques et économiques qu’une direction souverainiste aurait supposé.
Je voudrais également remercier M. Paul Jamet de nous avoir fait part d’un article sur Mediapart qui nous apprend que « les services secrets français craignent qu’une ingérence étrangère ne vienne fausser la présidentielle de 2027. Ils s’inquiètent de « l’infiltration » par la Russie « des milieux politiques français » et de la manipulation de l’information sur les réseaux sociaux », fin de citation. Une chose est certaine : la guerre hybride et la manipulation sur les réseaux ne sont plus de mythes, elles sont bien réelles et pleines de lourdes conséquences. Donc, il faut rester vigilant et surtout chercher à s’informer de plusieurs sources. C’est très important ! Madame, Monsieur, c’est tout pour aujourd’hui. Ioana vous donne rendez-vous d’ici un mois au micro du courrier. En attendant, portez- vous bien et prenez soin de vous !