Brăila, carrefour d’histoires oubliées
Nichée sur la rive gauche du Danube, Brăila séduit par son plan urbain unique en Roumanie. Observée depuis les airs, la ville ressemble à une immense toile d’araignée : ses rues dessinent de larges arcs de cercle, entrecoupés d’axes radiaux qui convergent vers le fleuve.

Ștefan Baciu, 11.06.2025, 10:27
Nichée sur la rive gauche du Danube, Brăila séduit par son plan urbain unique en Roumanie. Observée depuis les airs, la ville ressemble à une immense toile d’araignée : ses rues dessinent de larges arcs de cercle, entrecoupés d’axes radiaux qui convergent vers le fleuve. Cette organisation trouve son origine dans les anciennes fortifications ottomanes, érigées en 1540, après la conquête de cette colonie par les Turcs. À l’époque médiévale, Brăila représentait la plus grande forteresse ottomane sur le Danube, dotée de cinq murs d’enceinte, bâtie sur un promontoire dominant le fleuve. Démantelée en 1829, à l’issue de la guerre russo-turque, la fortification n’a laissé que de rares traces visibles, mais son empreinte structurelle demeure au cœur de l’organisation urbaine actuelle.
Vestiges d’un passé cosmopolite au cœur de la ville
Le quartier historique de Brăila, avec ses bâtiments imposants et son front de mer chargé de mémoire, rappelle les heures fastes de la cité au tournant du XXe siècle, lorsqu’elle était un centre commercial effervescent. L’afflux de plus de vingt communautés ethniques au XIXe et XXe siècle a façonné l’âme cosmopolite de la ville.
Gabriel Lâlă, guide touristique expérimenté explique :
« Pour ceux qui découvrent Brăila, surnommée la perle du Danube, une promenade à travers les rues au charme d’antan du centre historique est incontournable. Plusieurs d’entre elles abritent encore des constructions remarquables datant du XIXe et du début du XXe siècle. Le visiteur pourra admirer l’actuel théâtre, aujourd’hui le Théâtre dramatique Maria Filotti, ainsi que l’ancien hôtel ou l’auberge Rally Inn, tout comme la Philharmonie et le Palais de la Lyre. Il est également recommandé de visiter les lieux de culte du centre historique, tels que l’église grecque, l’église Saint-Nicolas et l’ancienne mosquée située sur la place Traian, au cœur de la ville, transformée aujourd’hui en l’église orthodoxe des Saints-Archanges Michel et Gabriel. D’autres édifices valent le détour, autant pour leur architecture extérieure que pour leurs intérieurs, notamment le Centre culturel Nicăpetre, qui occupe l’ancienne maison Embiricos, autrefois propriété de l’armateur grec Menelaos Embiricos – un bâtiment d’un grand intérêt. »
Entre récits royaux et romances artistiques à Saint-Nicolas
Parmi les communautés qui ont façonné l’identité de Brăila, la communauté grecque a longtemps été l’une des plus dynamiques, laissant une forte empreinte sur la vie économique et culturelle de la ville. De nombreuses entreprises et édifices portaient des noms grecs, témoignage de la présence active d’armateurs, de marchands et d’industriels issus de cette communauté. L’église grecque, érigée en 1872, demeure un symbole de ce patrimoine. Mais c’est l’église Saint-Nicolas qui recèle l’une des histoires les plus inattendues de la ville.
Dans les visites qu’il propose, le guide touristique Gabriel Lâlă est prêt à présenter les sites, mais aussi leurs histoires :
« Une anecdote méconnue, même des habitants de Brăila, concerne l’église Saint-Nicolas située dans le centre historique. Il s’agit d’un édifice remarquable tant par son architecture que par son histoire. Construite peu après 1830, cette église a eu une double fonction pendant près de trente ans : elle servait à la fois de lieu de culte et de caserne de pompiers. En 1859, elle fut ravagée par un incendie, mais elle fut restaurée grâce aux peintures de l’artiste Petre Alexandrescu. C’est à cette occasion qu’il fit la connaissance d’Atena, une jeune femme de Brăila, fille du propriétaire de l’ancien Rally Inn – aujourd’hui le théâtre de la ville. Ils tombèrent amoureux et se marièrent. Atena et Petre Alexandrescu sont ainsi devenus l’un des couples les plus notables de la ville. À l’intérieur de l’église Saint-Nicolas, les visiteurs peuvent découvrir un élément singulier : sur le côté gauche, en allant vers l’autel, se trouve un siège portant une couronne royale. Pourquoi ce trône royal dans une église de Brăila ? Parce qu’ici même, le 14 novembre 1878, en présence du roi Carol Ier, fut proclamée l’union de la Dobrogea avec la Valachie. »
Après cette immersion dans l’histoire, le visiteur peut poursuivre sa balade le long du Danube, s’arrêter au jardin public pour visiter la Maison Mémoriale de l’écrivain Panait Istrati, avant de conclure la journée en savourant les spécialités locales à base de poisson, dans l’un des nombreux restaurants du front de mer. (trad. Charlotte Fromenteaud)