Jacques Elias
La communauté juive séfarade de Bucarest a donné des personnalités importantes à l’histoire de la Roumanie. Parmi elles, se détache le nom de l’homme d’affaires et philanthrope Jacques Elias. Portrait.
Steliu Lambru, 07.12.2025, 10:21
La communauté juive séfarade de Bucarest a donné des personnalités importantes à l’histoire de la Roumanie. Parmi elles, se détache le nom de l’homme d’affaires et philanthrope Jacques Elias.
Données biographiques
Né à Bucarest en 1844, Elias avait réussi à accumuler une immense fortune en investissant dans plusieurs domaines : industrie du sucre, agriculture, secteur minier, système bancaire, secteur immobilier, bourse. Il avait fait partie des conseillers royaux du roi Carol I. Malgré ses possibilités financières impressionnantes, il avait préféré vivre modestement, il ne s’était jamais marié, ni n’avait eu d’enfants. Jacques Elias est mort en 1923 à Bucarest, sa ville natale ; sept ans avant son décès, il avait légué toute sa fortune à l’Académie roumaine. En 1925, l’institution créa la Fondation Menachem Elias, nommée ainsi en hommage au père de Jacques Elias, comme il l’avait indiqué dans son testament.
L’hommage de l’Académie roumaine
Lors du centenaire de la Fondation, le président de l’Académie roumaine, Ioan-Aurel Pop, a parlé de la personnalité de Jacques Elias en citant les mots d’un ancien académicien.
« L’homme était membre de l’Académie roumaine et s’appelait Nicolae Cajal. Je cite: <Loin du bruit du monde, Elias a mené une vie sobre, dans la plus grande discrétion, s’intéressant aux affaires, en fait aux affaires de sa banque, de ses compagnies, ainsi qu’à ses actions caritatives. Il a été un noble bienfaiteur et pour l’Académie roumaine, travailler et veiller à la réalisation de ses nobles idées humanitaires et patriotiques est un devoir d’honneur, pour que le nom de Jacques Elias et celui de son père tant aimé restent dans notre mémoire, ainsi que pour/à la gloire du pays dans lequel il avait vécu et qui a produit des âmes tellement nobles.> »
Philanthrope passionné de culture
Ioan-Aurel Pop a tenu à rappeler aux Roumains d’aujourd’hui que Jacques Elias avait tout donné à son pays natal.
« Lorsqu’ils entendent son nom, de nombreux intellectuels roumains pensent peut-être à lui en tant que grand industriel, grand banquier, propriétaire de près de 1.300 hectares de terrains, et ensuite en tant que philanthrope. Peu de monde connait pourtant l’ampleur de l’activité de bienfaiteur et de mécène déployée par Jacques Elias pour l’Académie roumaine en particulier et pour la culture roumaine en général. Il faisait partie d’une famille juive de rite espagnol et il avait obtenu la nationalité roumaine à l’âge de quarante-six ans. Il avait été citoyen d’honneur de la ville de Bucarest, décoré des ordres de l’Etoile de Roumanie, de la Couronne de Roumanie, du Mérite commercial et industriel et autres. »
L’Académie roumaine s’est construite à partir de 1867 grâce à des dons, dont le plus important avait été fait par Jacques Elias.
« Jacques Elias a réussi à acquérir, durant une vie longue de presque quatre-vingts ans, une immense fortune, avec des propriétés immobilières en Roumanie, à Vienne, Berlin, Rome, Paris, New York, Londres, Bruxelles, Prague, Belgrade. Mais, au-delà des richesses matérielles, cet homme d’affaires a eu une grande âme de bienfaiteur. Par son testament rédigé à la veille de la Grande Guerre, en 1914, il avait désigné l’Académie roumaine comme légataire universel, et c’est à l’Académie qu’il avait légué toute ses biens meubles et immeubles, je cite: <où qu’ils se trouvent, au pays ou à l’étranger >, une fortune évaluée, à l’époque, à environ un milliard de lei ou deux cents millions de dollars. »
Idéaux humanistes
Les idéaux humanistes d’Elias sont allés de pair avec ses idéaux patriotiques. Ioan-Aurel Pop.
« L’acte le plus important de l’Académie a été la création de l’hôpital Elias, doté, selon les propres mots du donneur, <d’au moins 100 lits et des conditions (équipements) les plus modernes.> Ce fut en effet le plus moderne hôpital d’Europe en 1938, lorsque le Grand Voïvode Mihai (ndlr : le prince héritier de la Couronne roumaine) et la reine-mère Elena avaient assisté à l’inauguration de l’établissement. Ce fut quelque chose de prestigieux pour notre pays. Dans son testament, il avait précisé <l’obligation de construire et d’entretenir l’hôpital >, mais aussi le fait que <à l’hôpital seront admis des malades des deux sexes, israélites et d’autres confessions. Les consultations et les médicaments y seront gratuits.> »
Passionné d’éducation et de culture, le généreux philanthrope a légué une grande partie de sa fortune à ces deux domaines.
« Il a prévu des dons au développement des institutions culturelles, a demandé la construction d’établissements scolaires, je cite de nouveau <pour des élèves israélites et de tout autre confession.> Il s’est intéressé aux cantines scolaires, aux prix et bourses Elias pour les enfants pauvres, au financement de l’enseignement médical, des hôpitaux et des orphelinats, des temples et des écoles juives de rite espagnol, ainsi qu’au financement de toute construction qui serait en mesure de produire de la culture. »
Postérité
Homme d’une grande discrétion, Jacques Elias avait quitté ce monde sobrement. Il n’avait pourtant pas été seul, l’État roumain et les institutions, qu’il avait lui-même créées, lui ayant apporté leur soutien. Ioan-Aurel Pop.
« Il s’est éteint discrètement, en 1923. Chose rarissime, le gouvernement de la Roumanie au complet avait assisté à son enterrement. Ultérieurement, selon sa propre volonté, sa dépouille a été déposée dans le caveau familial de Vienne, où il se trouve toujours. »
La mémoire de Bucarest ne saurait ignorer Jacques Elias. Ainsi, une rue porte son nom, à proximité du monument qui marque le kilomètre 0 de la ville. (Trad. Ileana Ţăroi)