La justice en débat, entre le président et les magistrats
Lundi, le président roumain Nicușor Dan a rencontré les magistrats pour se pencher sur les problèmes du système de Justice.
Leyla Cheamil, 23.12.2025, 14:18
Le chef de l’Etat roumain, Nicușor Dan, s’est entretenu à Bucarest avec plusieurs magistrats venus lui présenter les problèmes auxquels le domaine de la Justice est confronté. Tout cela, suite à la récente publication d’un documentaire qui pointe du doigt les irrégularités du système. Parmi elles : des situations où les accusés des enquêtes de grande corruption qui ont été trouvés coupable en première instance et qui ont par la suite été définitivement acquittés, dans des procès qui se sont étalés sur de longues années.
Selon la plupart des magistrats qui ont répondu à l’invitation du président de venir discuter de tous ces aspects, il est urgent de changer les Lois de la Justice, étant donné que les modifications législatives opérées en 2022 ont permis, à leur avis, de mettre sur pied un système oligarchique qui a favorisé certains groupes d’intérêt. Ils dénoncent également des ingérences des chefs des tribunaux et parquets tout comme le fait que des enquêtes disciplinaires auraient été lancées sans s’appuyer sur des motifs réels.
Les consultations avec le président ont débuté avec un groupe formé de 11 actuels et anciens magistrats qui ont accepté de s’exprimer publiquement sur les irrégularités du système judiciaire roumain. 40 autres magistrats se sont présentés à une deuxième réunion, qui a pourtant eu lieu à huis clos. Encore une fois, l’urgence de modifier les Lois de la Justice adoptées en 2022, l’existence d’un système oligarchique de haut niveau, notamment au sein de la Haute Cour de Cassation et de Justice et du Conseil supérieur de la Magistrature et le rapprochement entre certains magistrats et acteurs politiques – autant d’aspects qui ont refait surface lors de ce 2e round de débats. S’y ajoutent des abus de l’Inspection judiciaire contre plusieurs magistrats jugés « incommodes », la manière dont sont opérés les transferts entre les différents départements ou encore les pressions de la Direction nationale anticorruption sur certains procureurs.
Plus encore, la procureure Laura Deriuş a confirmé les problèmes dévoilés par le documentaire lancé la semaine dernière par le média privé Recorder en ce qui concerne le changement des juges dans le dossier de corruption à l’encontre d’un ancien maire du 6e arrondissement de Bucarest, ainsi que la manière dont la direction du Parquet anticorruption « contrôle » l’activité des procureurs.
A son tour, le procureur Bogdan Pîrlog affirme que « des bandes à l’intérieur du système vont main dans la main avec des bandes de l’extérieur du système », ayant réussi à amener le système judiciaire « en état de mort clinique ». Il a aussi expliqué la manière dont une majorité formée au niveau de la Section pour les juges du Conseil Supérieur de la Magistrature a réussi à contrôler l’ensemble du système judiciaire et qu’il existe de graves irrégularités dans la manière dont les dossiers sont répartis entre les différents tribunaux.
En fin, le juge Dragoş Călin affirme à son tour que les problèmes de la justice roumaine dérivent des Lois adoptées en 2022 et que la seule solution pour remédier à la situation est une modification rapide de la législation.
A l’issue de ce premier round de consultations, le président Nicusor Dan a conclu que ce fut un débat utile pour que le grand public puisse mieux comprendre les conditions de travail des magistrats. Les débats se poursuivront, a-t-il encore précisé. (trad. Valentina Beleavski)