Le Musée national d'art contemporain de Bucarest (MNAC) continue d'être près des gens. Cette fois-ci, un nouveau projet a attiré notre attention. Baptisé « L'art par correspondance », il vise à tisser des liens authentiques entre les seniors, les enfants et l'art contemporain, d'abord à travers une série d'activités pilotes. Démarrées en janvier 2021, elles font partie d'une démarche de longue haleine. En clair, il s'agit de faciliter les échanges entre enfants et seniors par le biais de la correspondance, de créer des liens émotionnels entre eux, mais aussi avec l'art contemporain, à une époque où la solitude pèse lourd, surtout sur les communautés isolées.
Mălina Ionescu, responsable du volet éducation au sein du Musée national d'art contemporain de Bucarest, explique : « Ce modèle de collaboration est largement utilisé à l'étranger, depuis un certain temps. Notre programme « Community Art » s'adresse aux milieux scolaires en général, mais nous essayons également d'atteindre les communautés scolaires qui n'ont pas la possibilité de venir ici, à savoir les communautés défavorisées ou celles qui n'habitent pas Bucarest. Comme nous connaissons les enfants de "Teach for Romania" et les seniors de "Seneca Anticafe", nous avons pensé que le musée pourrait très bien jouer le rôle de liant entre eux. Ce liant est donc la correspondance, car, malheureusement, pour le moment, la visite du musée et le contact direct entre les deux groupes de bénéficiaires sont impossibles dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. »
Notons que Seneca Anticafe est une librairie en ligne dont une partie des recettes sert à envoyer des colis alimentaires aux personnes âgées ; Teach for Romania,c'est le nom du programme qui aide les jeunes dont le talent et les aptitudes leur permettront de devenir des enseignants inspirants, promoteurs d'une pédagogie innovante.
Le projet se propose de créer des équipes formées de seniors et de juniors qui, six mois durant, échangent leurs réflexions par le biais des lettres. Les enfants ont appris des notions d'art contemporain à partir desquelles ils ont écrit des lettres à thème, lors d'un atelier virtuel, organisé sur Zoom.
Mălina Ionescu, notre interlocutrice, détaille : « Jusqu'à présent, nous n'avons eu qu'un seul atelier, pendant lequel les enfants ont présenté aux seniors l'ensemble du projet. Nous leur avons proposé la correspondance comme moyen de créer des liens entre des personnes appartenant à des tranches d'âge qui pourraient leur être très familières : petits-enfants, pour les seniors et grands-parents, pour les enfants. Ils ont donc endossé ces rôles et ont, bien sûr, interagi en tant qu'amis éloignés. Le projet a commencé avec les enfants. Lors du premier atelier, nous leur avons expliqué ce que signifie une correspondance, en général. N'oublions pas que la notion de courrier n'est plus si familière de nos jours, vu que la communication est presque entièrement numérique. Nous avons également parlé de la façon dont une lettre peut devenir une forme d'art. Et là, on se réfère tant à la lettre en soi qu'à l'expédition de la missive. Le projet n'en est qu'à ses débuts. »
La phase pilote du projet rassemble 30 seniors seuls de Giurgiu, inscrits dans le programme « Nos grands-parents », et 30 enfants de 12 à 13 ans, de deux écoles des villages de Herăști et Izvoarele, du département de Giurgiu, incluses dans le programme « Teach for Romania ».
L'enthousiasme initial mis à part, on ignore comment cette correspondance va se dérouler, avoue Mălina Ionescu, qui ajoute : « La première proposition était de considérer que la lettre est en elle-même une forme d'art, au-delà, bien sûr, de son tout premier rôle, à savoir celui de vecteur de communication. Communiquer par des lettres, c'est quelque chose de nouveau pour les enfants. Notre approche légèrement différente de ce qu'est la correspondance postale, à savoir la lettre, l'enveloppe et l'envoi postal a représenté le premier pas vers la notion de mail-art. La lettre peut devenir une forme d'expression artistique, lorsqu'on se rapporte au signe graphique comme à une image, autrement dit si l'on s'intéresse non seulement au contenu, mais aussi à la forme qui l'accompagne. Pour les enfants, le papier à lettre et l'enveloppe sont devenus des feuilles à couvrir de dessins, de peintures. Nous leur avons présenté plusieurs exemples de jeu avec l'enveloppe et l'écriture. On leur a également fourni des crayons de couleur et de l'encre de différents types pour qu'ils puissent aller au-delà d'une simple lettre où tout ce qui compte, c'est le message transmis par les mots. »
Mălina Ionescu nous a parlé de la prochaine étape du projet : « Nous espérons que les seniors seront très réceptifs, qu'ils se laisseront prendre au jeu. Nous souhaitons qu'ils prennent plaisir à échanger avec les juniors, qu'ils portent un regard différent sur la correspondance postale et qu'ils comprennent que la lettre peut servir de forme d'expression personnelle. Pour la prochaine étape, notre objectif c'est d'organiser, lorsque ce sera possible, des rencontres entre seniors et juniors, par le biais des visites du musée et des ateliers, qui permettront aux gens de se rapprocher les uns des autres, mais aussi du musée. »
Dans les mois qui viennent, les enfants pourront participer à un atelier Zoom pour fabriquer différents objets et écrire des lettres, qui parviendront aux seniors au même moment où ils recevront le colis alimentaire envoyé régulièrement par Seneca. L'échange de lettres sera possible grâce aux bénévoles de Seneca et de Teach for Romania. (Trad. Mariana Tudose)