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L’humour au temps du communisme

La diversité de l’humour populaire à l’époque communiste, une époque qui se prêtait rarement à la gaité, à la bonne humeur et à la joie de vivre, faisait sans doute le quotidien un peu plus supportable.

L’humour au temps du communisme
L’humour au temps du communisme

, 01.07.2024, 11:45

La diversité de l’humour populaire à l’époque communiste

 

Les régimes politiques dictatoriaux, autoritaires et antilibéraux apprécient rarement l’humour. Manifestation par excellence de la liberté de l’individu et de la créativité de l’esprit humain, qu’il s’agisse du ludique, du sarcasme, de la farce ou de l’ironie, l’humour est à la fois craint et haï par les dictatures.

 

La diversité de l’humour populaire à l’époque communiste, une époque qui se prêtait rarement à la gaité, à la bonne humeur et à la joie de vivre, faisait sans doute le quotidien un peu plus supportable. Un humour populaire aux visées politiques, sociales et sociétales, qui ridiculisait le plus souvent le culte de la personnalité, l’absurdité des slogans officiels et les prétendues avancées et victoires engrangées par le régime politique communiste.

 

Notre invité, un journaliste et humoriste, victime de la censure communiste

 

Le poète, journaliste et humoriste Ioan T. Morar, victime de la censure du régime avant 1989, a étudié de près les formes d’expression de l’humour populaire qui ont été de mise à l’époque.

 

Ioan T. Morar : « Dans son ouvrage « Le Rire : essai sur la signification du comique », Henri Bergson voit le rire telle une punition infligée par la société envers les êtres qui se laissent aller à la raideur et oublient la souplesse exigée par la vie. J’ai une autre définition intéressante de l’humour ou plutôt une définition de la manière dont entendait le régime soumettre et se servir de l’humour, définition appartenant à Nicolae Ceaușescu, je cite de mémoire : « Utilisez l’arme de l’humour, ironisez les défauts qui se manifestent dans la société et chez les gens, faites de votre art un outil d’amélioration continue de la société et de l’homme, d’affirmation de la justice sociale et de notre manière de vivre ». L’humour utilisé en arme contre les ennemis du régime donc, c’était bien celle-là la vision du dernier leader communiste de la Roumanie. Une arme qui s’est en fait beaucoup plus souvent retournée contre lui. »

  

Les deux périodes de l’humour roumain à l’époque communiste

 

L’histoire de l’humour populaire d’avant 1989 peut être divisé, temporellement, en deux périodes : celle d’avant 1965, où pour une plaisanterie à connotation politique venant à l’encontre du régime, l’auteur pouvait écoper de lourdes années de prison, et celle d’après 1965, riche et foisonnante en manières d’expression. Il y a aussi l’humour officiel, celui dont parlait Nicolae Ceausescu, et puis l’humour populaire, bien différent du premier.

 

Pour ce qui est du premier, Ioan T. Morar précise : « Il était de coutume d’organiser sur certains chantiers, dans les entreprises, des clubs où les animateurs rivalisaient entre eux pour ridiculiser ceux qui ne se soumettaient pas aux lois, coutumes et normes socialistes. Prenez un couplet, diffusé par la télévision publique de l’époque : « Du travail tire sa sève / L’entreprise de construction de Deva ». C’était assez pitoyable. Et puis il y avait l’humour stupide des publicités. La Roumanie produisait à l’époque deux marques d’aspirateurs : Pratique et Idéal. Et la publicité disait : l’aspirateur Pratique est idéal, et l’aspirateur Ideal est pratique. Plutôt minable. »

 

 L’humour « officiel »  

 

 La publication humoristique Urzica, « L’ortie », est l’expression aboutie de cet humour officiel, promu par le régime. Une revue à succès dans ces années-là.

 

Ioan T. Morar : « Le magazine Urzica s’en prenait aux serveurs, aux belles-mères, aux coiffeurs. Je travaillais à l’époque à la revue « La vie estudiantine ». Craignant que Ceaușescu ne soit éternel, j’ai visé un poste à Urzica. Dans ce magazine le culte de la personnalité, omniprésent ailleurs dans la presse, n’existait pas. Ceaușescu n’a jamais fait la couverture et aucun article n’a été écrit sur lui. Ce magazine constituait une bouffée d’oxygène dans le paysage médiatique roumain de l’époque »

 

L’humour à double sens

 

 L’humour ambigu, à double sens, commence à voir le jour dans les clubs étudiants, dont le fonctionnement était autorisé par les administrations universitaires. Des répliques aux connotations ambiguës, la gestuelle des acteurs amateurs, l’intonation des voix donnaient naissance à des plaisanteries en apparence inoffensives, mais connotées politiquement. Mais les plaisanteries et les blagues ouvertement politiques constituaient l’apanage par excellence de l’humour officieux, de l’humour populaire.

 

Ioan T. Morar : « Dans la catégorie des blagues interdites par la censure du régime se trouvaient les blagues politiques, même si l’on soupçonne que parfois certaines de ces blagues, de ces jeux de mots étaient utilisés par la Securitate, la police politique du régime, pour prendre le pouls de certains groupes sociaux. Mais cet humour populaire avait le don de tisser des liens, en utilisant une sorte de langage codé, inaccessible aux non-initiés. »

 

 L’humour populaire

 

Avant 1989, l’humour populaire avait créé son personnage, sorte d’héros nigaud en apparence et qui s’avère un redoutable roublard.

 

Ioan T. Morar : « Le rire est tonique. Et c’est bien ce sens d’humour tonique, pétillant, ironique, incisif qui nous a sauvé. Cet humour populaire endossait ce rôle de soupape, censée faire baisser la pression et apporter un peu de joie de vivre au sein d’une société traumatisée. Sous son apparence ridicule, Bula était un sage et l’un de nos sauveurs psychiques. Son personnage disparut après le changement de régime de 1989. C’est tout dire sur la fonction qui fut la sienne. »  

 

 L’humour populaire qui était de mise avant 1989 ne peut être compris qu’en relation avec les réalités de son époque. Pour comprendre le sens de cet humour, les générations futures auront besoin de se pencher longuement sur le contexte social et politique qui l’a fait naître. (Trad. Ionut Jugureanu)

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