Les lois sur l’Education
Roxana Vasile, 19.04.2023, 10:42
A
l’époque où elle était conseillère du chef de l’Etat roumain, l’actuelle
ministre de l’Education nationale, Ligia Deca, a coordonné le projet La
Roumanie éduquée. Cinq ans plus tard, ce projet est enfin mis en place sous la
forme d’un nouveau paquet de lois sur l’Education. Il convient de rappeler que
depuis la chute du communisme, en 1989, l’Education nationale a souffert de
multiples changements. En effet, tous les ministres de tutelles ont voulu
imposer leurs propres idées, sans pour autant remédier aux défaillances du
système éducatif. Au bout d’une première série de consultations entre 2016 et
2017, le projet La Roumanie éduquée a été soumis au débat public, en 2018. A l’époque,
il se trouvait sous la coordination de Ligia Deca qui a participé à tous les
débats et au lancement officiel du projet, à l’été 2021. Plus de 60 structures
et 13.000 personnes ont contribué à l’élaboration de ce projet censé changer le
visage de l’Education nationale.
On ne saurait donc être surpris de la nomination
l’automne dernier, de Mme. Deca à la tête du ministère de l’Education, une
décision censée accélérer le réajustement du système éducatif roumain. Le
principal objectif des propositions législatives dans l’enseignement préuniversitaire
reste la lutte contre l’abandon scolaire, tandis que la priorité essentielle
dans le système universitaire est le renforcement de la coopération entre les
différentes universités européennes.
La professionnalisation du métier d’enseignant, la
scolarisation précoce, la diminution de l’illettrisme fonctionnel, une école
adaptée aux besoins du marché de l’emploi, des méthodes d’enseignement plus
modernes, un plus grand soutien accordé aux enfants issus des milieux
défavorisés, voilà autant de défis que le Ministère de l’Education nationale
espère relever par l’intermédiaire des nouvelles lois. Pourtant, les élèves et
leurs parents sont plutôt intéressés par les changements que les examens du
Brevet et du Baccalauréat subiront. Il a été déjà annoncé qu’aux épreuves du
Bac de la section choisie par l’élève, s’ajoutera une autre épreuve issue d’une
section différente. Le Bac technologique sera remis en place.
Quant au Brevet
que les Roumains appellent l’Evaluation nationale, la ministre de l’Education,
Ligia Deca, précise :
« Les épreuves du Brevet
continueront à évaluer les connaissances en langue roumaine, en mathématiques
et, dans certains cas, en langue étrangère. En revanche, dans les lycées où le
nombre de places reste inférieur à celui des demandes d’inscription, un examen
d’admission sera organisé pour 60% des places disponibles. Les 40% de places
restantes seront distribué aux élèves en fonction de leur moyenne au Brevet.
Les élèves et leurs parents doivent comprendre que cette nouvelle loi ne sera
pas mise en place ni cette année, ni l’année prochaine, elle ne risque donc pas
d’impacter les enfants actuellement en dernière année de collège. Nous souhaitons
que chacun puisse avoir une visibilité sur son parcours scolaire et donc, les
modifications concerneront seulement la génération qui entrera au collège à
partir de cet automne et qui devrait passer le Brevet après 2027 et le Bac
après 2028-2029. »
Les nouvelles lois de l’Education nationale se proposent
de mettre en place un système éducationnel circulaire, avec un accent mis sur
les besoins de l’élève et sur son potentiel. Comme faire pour atteindre un tel
objectif ? Ligia Deca nous explique : « On vise un changement de
paradigme. Ce ne sera plus l’école qui décide du programme scolaire, mais ce
sera à l’élève de choisir parmi les options proposées par l’école. Nous
souhaitons élargir le choix et mieux l’aligner sur le potentiel des enfants. En
même temps, le dossier de l’élève réunira toutes les informations concernant
son parcours éducationnel et nous permettra d’intervenir en cas de problème
bien plus tôt qu’à l’heure actuelle. Chaque cycle scolaire est réglementé par
des lois qui maintiennent un lien étroit entre le conseiller principal d’éducation,
le professeur principal de la classe, la famille et les autres enseignants, de
sorte qu’il existe un plan individualisé pour chaque élève. Et puis, dans le
cadre du programme national de réduction de l’analphabétisme fonctionnel, des
tests uniques annuels seront mis en place qui nous aideront à savoir où insister
davantage et à déterminer qui pourra ou
non passer au niveau supérieur de complexité dans le cas des enfants qui ont d’excellents
résultats scolaires et ainsi de suite. Bref, il s’agit de lois qui ciblent
beaucoup plus les besoins de l’élève. »
Parlons aussi des enseignants. Les nouvelles lois de
l’éducation proposent une meilleure grille de salaires et une évaluation
différente de leur activité. La ministre Ligia Deca explique en quoi cela
consiste : « Ces derniers mois, le ministère de l’Education
a travaillé de concert avec les principales fédérations syndicales notamment
sur les nouvelles grilles de salaires. Les documents ont été transmis depuis
déjà février dernier au ministère du Travail, pour qu’il nous aide à avoir une
proposition définitive pour les salaires des enseignants. Nous avons eu des
débats directs avec les fédérations syndicales, mais il y en a eu aussi entre
les fédérations syndicales et les représentants des partis de la coalition gouvernementale.
Pour ce qui est de l’évaluation de l’activité des professeurs, nous nous sommes
mis d’accord sur les manières d’adapter les instruments qui existent déjà et
sur les nouveaux instruments à mettre en place, comme par exemple le fait que
2% du fonds des salaires est à la disposition du directeur de l’école pour
motiver les enseignants qui s’impliquent davantage dans les projets menés par
son établissement. »
Pour l’instant, le décrochage scolaire est un des
problèmes les plus graves de l’éducation roumaine. Les statistiques d’Eurostat
le confirment, la Roumanie étant l’Etat-membre où le plus grand nombre
d’enfants quittent l’école. C’est valable notamment en milieu rural. Autre
problème : l’analphabétisme fonctionnel, mesuré par les tests PISA que les élèves
roumains passent à l’âge de 15 ans. Leurs résultats sont loin derrière la
moyenne européenne. Autrement dit, un grand nombre d’adolescents roumains de 15
ans ne comprennent pas l’idée d’un texte. Et ce n’est pas tout. Le manque d’enseignant
et de personnel didactique qualifié est un problème grave qui sévit depuis des
années, alors que le taux de réussite aux examens pour devenir professeur
titulaire ne cesse de baisser. A ne pas ignorer non plus les phénomènes de la
violence et de la consommation de drogue dans les écoles roumaines, qui
semblent s’amplifier ces derniers temps. Autant de problèmes urgents à résoudre
pour le ministère de l’Education, qui pense améliorer la situation en promulgant
ces nouvelles lois.
Cependant, les contestataires de la réforme de
l’Education nationale pointent du doigt le fait que le projet présidentiel « La
Roumanie éduquée », sur lequel elles se fondent, n’a pas comme point de départ
les problèmes concrets existants, mais n’est qu’une liste d’idées générales.
C’est pourquoi, certains estiment que malgré les changements apportés, ces
nouvelles Lois de l’Education ne feront qu’empirer les choses.
Notons pour terminer que 3 milliards d’euros ont été
alloués à ces réformes dans le cadre du Plan national de relance et de
résilience approuvé par Bruxelles. Reste à voir si une fois arrivé entre les
mains des bénéficiaires, cet argent sera vraiment utilisé pour améliorer la
qualité de l’enseignement roumain.
(Trad. Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)