Le Caloian
Jadis, dans la campagne roumaine, dans la période comprise entre Pâques, lAscension et la Pentecôte, les pratiques agraires marquaient le début dun nouveau cycle annuel. Le principal intérêt des communautés rurales était dobtenir des récoltes aussi riches que possible. Et elles nhésitaient pas à faire appel aux rituels. Par exemple, dans le sud et le sud-est de la Roumanie, dans des régions vouées à la sécheresse telles lOlténie, la Munténie ou encore la Dobroudja, la pluie était invoquée par le biais dun personnage appelé Caloian, une tradition qui existe encore de nos jours. Pour plus de détails, nous invitons au micro Delia Suiogan, ethnologue à lUniversité du Nord de Baia Mare:
Monica Chiorpec, 02.05.2020, 12:34
« Tous les mardis et les jeudis entre Pâques et la Pentecôte sont marqués par des rituels, strictement observés afin davoir des récoltes riches. La fête de Saint Georges (célébrée le 23 avril) marque le début de lannée agraire et pastorale. Par conséquent, toutes les fêtes qui senchaînent après sont des célébrations de la richesse de lannée, tant pour les cultures que pour lélevage des animaux. Le 3e mardi après Pâques est le jour dun rituel très ancien, aux origines daciques : le Caloian. Cest un rituel dinvocation de la pluie fondé sur un rite solaire de lantiquité. Cette fête est marquée notamment à lextérieur de larc des Carpates roumaines, elle na pas dattestation documentaire exacte à lintérieur de larc. Quest-ce que le Caloian ?
Cest un rituel par lequel, le matin du 3e mardi daprès Pâques, les jeunes filles confectionnent une poupée en terre glaise. Une fois la poupée terminée et séchée au soleil, le mardi suivant, les jeunes filles et les vieilles femmes du village forment un cortège et portent cette poupée appelée le Caloian près dune rivière, où elles lenterrent. Elles la pleurent comme si cétait une vraie personne. Leur geste symbolise « lenterrement du père du soleil », dans lespoir que le soleil arrêtera de briller pour quelques instants et laissera la place à la « mère de la pluie ». Le jeudi qui suit ce mardi symbolique, la poupée est retirée de terre et cassée en plusieurs morceaux que lon jette par la suite dans la rivière. »
Souvent, cette poupée anthropomorphe en terre glaise est décorée des coquilles dœufs rouges peints à Pâques. Des fois, on lui confectionne même un cercueil en bois en miniature, porté à la rivière par le cortège des femmes. Evidemment, le rituel du Caloian varie dune région du pays à lautre. Par endroits, la poupée est enterrée au croisement des routes importantes du village ou bien aux confins du village, justement pour faire référence directe à la frontière entre le monde réel et celui de lau-delà.
Dailleurs, lenterrement du Caloian respecte toutes les normes dun enterrement réel, étant suivi par un repas charitable. Les jeunes filles se réunissent dans une maison, où elles apportent de la nourriture et organisent une sorte de veillée.
Il faut dire aussi que parmi tous les rituels de passage, lenterrement est, sans doute, le plus complexe. Il se fonde sur la conception religieuse de la communauté qui le pratique, mais aussi sur la vision de cette dernière sur la vie et sur la mort. La culture traditionnelle roumaine part de lidée que lhomme ne meurt pas, il passe dans une autre dimension. Il en va de même pour la notion de temps. Par conséquent, par le biais de lenterrement symbolique du Caloian, le temps est renouvelé.
Avant de terminer, précisons que la signification profonde de ce rituel nappartient pas exclusivement à lespace roumain. Ses racines sont à retrouver dans un rituel romain dinvocation du dieu Jupiter en tant que maître de la pluie, mais chaque communauté le décline à sa manière, selon ses spécificités culturelles. (Trad. Valentina Beleavski)