La culture des fruits exotiques en Roumanie
L’acclimatation des plantes tropicales en Roumanie n’est plus une utopie agricole, mais un chantier en pleine expansion. Il s’agit d’un processus exigeant, nécessitant l’adaptation d’espèces originaires de zones chaudes et humides à un climat tempéré, parfois capricieux. Si l’entreprise reste complexe, elle devient néanmoins viable dans certaines régions bénéficiant de microclimats spécifiques — comme la Dobrogea, dans le sud-est du pays — ou dans des espaces protégés, tels que les serres ou les solariums.

Daniel Onea, 26.06.2025, 12:30
Le concept de « fruits de l’avenir » prend ainsi racine : des cultures résilientes, capables de s’épanouir dans des conditions diverses tout en offrant une richesse nutritionnelle appréciable. À ce titre, la station de recherche de Dăbuleni, dans le département de Dolj, a joué un rôle pionnier en introduisant plus de 20 variétés exotiques sur sols sablonneux. Kiwi, patate douce, pistache et datte y connaissent désormais des rendements prometteurs.
Mais c’est la figue qui semble incarner le mieux cette nouvelle orientation. Résistante à la sécheresse, adaptée aux sols arides, calcaires ou salins, elle peut être consommée fraîche, séchée ou transformée. Un fruit aux multiples usages et parfaitement adapté aux nouvelles contraintes agricoles.
De la recherche à l’expérimentation : l’exemple du kiwi
Parmi les figures majeures de cette révolution agronomique, Florin Stănică, professeur de pomiculture à l’Université des sciences agronomiques de Bucarest, incarne la passerelle entre recherche et terrain. C’est en 1992, lors d’un séjour d’étude à l’université de Pérouse, en Italie, qu’il découvre les similitudes entre les besoins culturaux du kiwi et ceux du pêcher.
« Le kiwi peut être cultivé en Roumanie. Les variétés à gros fruits nécessitent des conditions particulières, que l’on retrouve surtout dans le sud et l’ouest du pays — là où poussent déjà les pêches. Mais des espèces plus rustiques, comme le kiwi de Sibérie ou le kiwi d’été, peuvent être plantées dans quasiment toutes les zones fruitières du pays. Il suffit que les producteurs osent se lancer. »
Cette audace se manifeste notamment à Ostrov, sur les rives du Danube, où les sols et le climat se prêtent parfaitement à ce type de cultures. Là, comme dans d’autres localités de Dobrogea, de nouvelles espèces exotiques tentent de s’ancrer durablement.
Héritages antiques et perspectives d’avenir
Certains fruits exotiques aujourd’hui cultivés en Roumanie rappellent que ces terres ont autrefois accueilli des plantes similaires sous l’Empire romain. Le jojoba et certaines variétés de dattes sont désormais observables dans la région d’Ostrov, non loin de l’ancienne forteresse de Durostorum. On en trouve également à Jurilovca, près des vestiges d’Argamum, ou encore à Mahmudia, à proximité de Salsovia.
« Ces espèces poussent souvent près d’anciennes colonies grecques ou romaines. On sait qu’elles ont été introduites en Europe à l’époque d’Auguste. Les fruits que nous récoltons aujourd’hui sont plus petits, au goût aigre-doux, de la taille d’une baie, mais sans arôme remarquable. »
Le changement climatique accélère ces mutations agricoles. En Roumanie, la hausse des températures moyennes, la raréfaction des gels et l’allongement des saisons chaudes rapprochent certaines régions des standards climatiques du sud de l’Europe. Ce phénomène pourrait transformer le pays en terre d’accueil durable pour une diversité croissante de cultures exotiques.
Alors que les défis agricoles du XXIe siècle s’intensifient, la Roumanie semble prête à s’adapter, en misant sur la résilience des espèces, la recherche scientifique et la redécouverte de son propre patrimoine agro-historique.