Ciocănești, un village pas comme les autres
Une perle vivante de la Bucovine et sanctuaire de l’œuf décoré.

Ștefan Baciu, 02.06.2025, 12:32
Un des villages les plus pittoresques et culturellement riches du pays
Nichée dans le nord de la Roumanie, au cœur de la Bucovine, la commune de Ciocănești se distingue comme l’un des villages les plus pittoresques et culturellement riches du pays. Si la région est déjà mondialement connue pour ses monastères peints classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, elle recèle également des trésors d’art populaire, dont l’un des plus fascinants est l’art délicat de la décoration des œufs de Pâques.
En Bucovine, la tradition pascale a été sublimée en une véritable forme d’expression artistique. Les œufs peints à la main, ornés de motifs folkloriques, sont bien plus que de simples objets rituels ; certains d’entre eux rejoignent des collections prestigieuses ou sont exposés dans des musées spécialisés. L’un des lieux emblématiques de cette tradition se trouve à Ciocănești, village-musée en plein air où les maisons elles-mêmes sont de véritables œuvres d’art, décorées de motifs directement inspirés des broderies traditionnelles.
Une commune-musée
Marilena Niculiță, directrice du Musée national des œufs décorés de Ciocănești nous raconte :
« Ciocănești a été déclaré en 2003, commune-musée, en raison de l’architecture des maisons. Le conseil municipal a ensuite pris une décision. C’est comme une recommandation à tous les habitants de décorer leurs maisons avec ces motifs traditionnels, et 90 à 95 % des 600 maisons de Ciocănești ont ces motifs. Je pourrais dire que chaque motif est personnalisé. Chaque propriétaire choisit un motif pour sa maison et il y a trois équipes d’artisans à Ciocănești qui perpétuent cette tradition. Ce n’est peut-être pas un hasard si ces motifs sur les maisons de Ciocânești se retrouvent également sur les œufs que l’on écale et sur les costumes folkloriques. »
Un musée unique au monde pour un art séculaire
À Ciocănești, le Musée national des œufs sculptés occupe une place centrale dans la valorisation du patrimoine immatériel local. Structuré en deux salles d’exposition, il présente des milliers de pièces, dont certaines sont de véritables chefs-d’œuvre artisanaux.
Marilena Niculiță, directrice du Musée national des œufs sculptés de Ciocănești explique :
« Dans la première salle du musée, nous avons une exposition de près de deux mille œufs, dont beaucoup ont été récompensés lors du Festival national des œufs en coquille, et nous organisons également une foire aux œufs en coquille pendant cette période. Des œufs qui ont été récompensés, certains même récemment. Les 5 et 6 avril, à Ciocănești, s’est déroulé le festival national des œufs peints, qui a donné l’occasion à des artisans de plusieurs régions du pays d’y participer. La plupart des pièces primées proviennent de Bucovine, car c’est là que cette tradition a été le mieux préservée, et Ciocănești est la ville de Bucovine qui compte le plus grand nombre de sculpteurs. Ce n’est peut-être pas un hasard si Ciocănești dispose également d’un musée national des œufs sculptés, où les touristes peuvent admirer ces petits joyaux. »
Les visiteurs peuvent y découvrir des œufs vieux de plusieurs décennies, issus de collections rares, qui témoignent de l’évolution des techniques artisanales.
Marilena Niculiță, directrice du Musée national des œufs sculptés de Ciocănești nous en dit plus :
« Dans notre musée, il y a également une collection unique, celle du Dr Anton Sednic, avec des œufs vieux de 40, 90, voire 100 ans. Elle comprend près de 1 800 pièces, dont environ 1 500 ont un contenu, c’est-à-dire qu’ils sont bouillis et battus, car dans le passé, ces œufs n’étaient pas vidés. Plus récemment, les artisans ont commencé à les vider avant qu’ils ne soient pochés, car ils sont ainsi beaucoup plus faciles à conserver. Dans cette collection, nous avons également de nombreux objets exposés qui sont peints après avoir été épluchés avec des teintures végétales, fabriquées à partir de colorants végétaux. Il s’agit d’une collection acquise par le Dr Anton Setnic auprès de tous les artisans folkloriques de Bucovine à l’époque. Elle est regroupée dans 40 boîtes. Ces pièces sont regroupées par région ou par artisan. Dans chaque boîte, on peut trouver des oeufs vieux de 40 ans, 60, 70 ou 80 ans. »
Un calendrier culturel et festif animé
Tout au long de l’année, Ciocănești célèbre son identité à travers une série de festivals, dont le plus marquant demeure le Festival national de la truite. Organisé à la mi-août, il attire des centaines de visiteurs venus pour goûter aux spécialités locales et participer à des activités typiques, telles que le rafting. L’événement propose une reconstitution historique du flottage du bois sur la Bistrița Aurie, rappelant l’époque où les troncs étaient transportés par radeaux depuis la forêt jusqu’aux scieries de la vallée. Ces traditions, loin d’être figées, sont ici réinventées chaque année dans un dialogue permanent entre passé et présent.
Ciocănești ne se contente pas d’être un village au charme bucolique ; il est une ode vivante aux racines profondes de l’artisanat roumain. Dans ses maisons peintes, ses musées uniques et ses célébrations populaires, cette commune de Bucovine raconte une autre Roumanie — celle des gestes transmis de génération en génération, de la beauté née dans la simplicité, et d’un art populaire érigé en patrimoine universel. (trad. Charlotte Fromenteaud)