Décès d’un acteur-clé de la transition postcommuniste
Ion Iliescu, premier président démocratiquement élu de la Roumanie après 1989, s'est éteint à l’âge de 95 ans.
Corina Cristea, 06.08.2025, 12:45
Le décès de l’ancien président roumain Ion Iliescu, survenu à l’âge de 95 ans, n’a guère surpris : hospitalisé depuis deux mois à Bucarest, il avait été diagnostiqué d’un cancer du poumon. Première figure de la Roumanie postcommuniste, Iliescu a dirigé le pays durant 11 années marquées par de profondes mutations. Il a notamment joué un rôle central dans l’ancrage stratégique du pays à l’Ouest, en œuvrant à l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne et à l’OTAN. Son habileté politique a permis de rallier l’ensemble des partis à ces objectifs communs. Mais cette trajectoire politique est loin de faire l’unanimité : ancien dignitaire du Parti communiste tombé en disgrâce sous le régime de Ceaușescu, Ion Iliescu demeure une figure éminemment controversée.
Un héritage terni par les violences de la transition
Accusé d’avoir instauré un climat de chaos à l’issue de la chute du dictateur en décembre 1989, Iliescu est tenu pour responsable par plusieurs historiens de la dérive violente du pouvoir mis en place par le Front de salut national. Plus de 800 personnes ont été tuées par balle avant même l’exécution de Ceaușescu. Les « mineriades », répressions brutales des protestations étudiantes au début des années 90, lui ont également valu d’être mis en cause pour crimes contre l’humanité. Ces événements, qui ont fait plusieurs morts et des centaines de blessés, ont freiné la transition démocratique et économique du pays, refroidissant les investisseurs étrangers à une époque cruciale pour la reconstruction de la Roumanie.
Hommages officiels et devoir de mémoire
Malgré ces zones d’ombre, de nombreuses voix du monde politique ont salué la mémoire d’Ion Iliescu. Sorin Grindeanu, président par intérim du PSD, a rappelé son rôle déterminant dans les grandes décisions de l’histoire récente, notamment l’intégration euro-atlantique. Le PNL a souligné qu’il fut le premier président démocratiquement élu après 1989 et une figure-clé de la politique post-décembriste. Pour sa part, Dominic Fritz (USR) a tenu à rappeler les souffrances engendrées par les événements sanglants de la révolution et des mineriades, insistant sur le fait qu’« on ne peut ignorer le sang versé pour la liberté ». Le président Nicuşor Dan a plaidé pour que l’Histoire fasse toute la lumière sur cette période charnière, tandis que le Premier ministre Ilie Bolojan a salué la fin d’un chapitre majeur de la transition roumaine. Des messages de condoléances ont également été adressés par les anciens présidents Emil Constantinescu, Traian Băsescu et Klaus Iohannis.