Les grands hommes qui ont fait la Grande Roumanie
Les archives du Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion roumaine conservent un document sonore exceptionnel : la voix du cardinal Iuliu Hossu, alors évêque gréco-catholique, survivant plus tard des geôles communistes, celui qui lut à la foule rassemblée à Alba Iulia les résolutions de l’Assemblée.
Steliu Lambru, 01.12.2025, 10:31
Le 1er décembre 1918, à Alba Iulia, des milliers de Roumains approuvaient l’acte d’union avec le Royaume de Roumanie. Par ce vote, la Transylvanie, le Banat, la Bucovine, la Bessarabie et le Royaume de Roumanie posaient les bases de la Grande Roumanie. Les archives du Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion roumaine conservent un document sonore exceptionnel : la voix du cardinal Iuliu Hossu, alors évêque gréco-catholique, survivant plus tard des geôles communistes, celui qui lut à la foule rassemblée à Alba Iulia les résolutions de l’Assemblée. Le document résume les aspirations politiques, économiques, sociales et civiques des Roumains de l’époque. L’enregistrement fut réalisé clandestinement en 1969, un an avant la mort de ce grand homme de la nation roumaine. Le cardinal Hossu :
« Frères ! Voici l’heure où s’accomplit le destin. Lorsque Dieu tout-puissant prononce, par son peuple fidèle, sa justice, tant désirée depuis des siècles. Aujourd’hui, par notre décision, s’accomplit la Grande Roumanie, une et indivisible, et tous les Roumains de ces terres proclament avec bonheur : nous nous unissons pour toujours avec la mère-patrie, la Roumanie ! J’ai prononcé ces mots, moi, serviteur de Dieu, l’évêque Iuliu Hossu de Cluj-Gherla, d’une voix plus faible, mais avec amour, dans Ton amour et dans Ta miséricorde, Seigneur, que Tu répands sur notre nation et sur notre pays et dont Tu les protèges de tout danger. Afin qu’ils s’élèvent dans la justice et la vérité. »
La pleine liberté nationale pour tous les peuples cohabitants
Les paroles d’Iuliu Hossu, ecclésiastique et homme politique d’envergure, portaient la voix de tous ceux qui croyaient en la création de la Grande Roumanie :
« L’Assemblée nationale de tous les Roumains de Transylvanie, du Banat et du Pays Hongrois, réunis par leurs représentants légitimes à Alba Iulia le 1er décembre 1918, décrète l’union de ces Roumains et de tous les territoires qu’ils habitent avec la Roumanie. L’Assemblée nationale proclame en particulier le droit inaliénable de la nation roumaine sur l’ensemble du Banat, compris entre les rivières Mureș, Tisza et Danube. L’Assemblée nationale réserve aux territoires susmentionnés une autonomie provisoire jusqu’à la réunion de la Constituante, sur la base du vote universel. Aussi, pour la construction du nouvel État roumain, l’Assemblée nationale proclame : la pleine liberté nationale pour tous les peuples cohabitants ; chaque peuple s’instruira, administrera et jugera dans sa propre langue, par des individus issus de son ethnie. Chaque peuple recevra un droit de représentation proportionnel à son nombre dans les corps législatifs et dans le gouvernement du pays. Égalité de droits et pleine liberté pour toutes les confessions religieuses de l’État. Mise en place d’un régime pleinement démocratique dans tous les domaines de la vie publique : vote universel, direct, égal, secret, par communes, proportionnel, pour les deux sexes à partir de 21 ans, pour la représentation dans les communes, les départements ou au Parlement. Liberté totale de la presse, d’association et de réunion, libre expression de pensées. La réforme agraire radicale se fera par l’inscription de toutes les propriétés, notamment les grandes. Le paysan devra pouvoir créer une propriété au moins suffisante pour qu’il puisse la travailler, lui et sa famille. Le principe directeur de cette politique agraire vise d’une part l’équité sociale, et d’autre part l’accroissement de la production. À la classe ouvrière industrielle seront assurés les mêmes droits et avantages que ceux légiférés dans les États industriels les plus avancés de l’Occident. »
Le cardinal Iuliu Hossu a perçu ce moment d’élévation avec une clarté rapportée au monde de son époque :
« L’Assemblée nationale exprime son souhait que le Congrès de la paix établisse la communauté des nations libres de manière à assurer la justice et la liberté pour toutes les nations, grandes ou petites, et qu’à l’avenir la guerre soit éliminée comme moyen de régler les relations internationales. Les Roumains réunis dans cette assemblée nationale saluent leurs frères de Bucovine, libérés du joug austro-hongrois et unis à la mère-patrie, la Roumanie. L’Assemblée nationale salue avec amour et enthousiasme la libération des nations jusqu’ici asservies par la monarchie austro-hongroise : les nations tchécoslovaque, austro-allemande, yougoslave, polonaise et ruthène, et décide que ce salut soit porté à la connaissance de toutes ces nations. L’Assemblée nationale s’incline humblement devant la mémoire des braves Roumains qui, dans cette guerre, ont versé leur sang pour la réalisation de notre idéal, et sont morts sur le champ de bataille pour la liberté et l’unité de la nation roumaine. L’Assemblée nationale exprime sa gratitude et son admiration aux puissances alliées qui, par leurs combats éclatants menés avec ténacité contre un ennemi préparé depuis des décennies à la guerre, ont sauvé la civilisation des griffes de la barbarie. »
Les paroles du martyr Iuliu Hossu sont parvenues jusqu’aux Roumains d’aujourd’hui comme un témoignage de la légitimité de ce qui fut accompli alors, pour un présent et un avenir digne des sacrifices des générations de l’Union.
(Trad Ionut Jugureanu)