Aujourd’hui nous parlons de bonté, de compassion et d’empathie, sur fond de guerre en Ukraine. Une guerre qui n’a eu de positif que l’immense élan de fraternité collective qu’elle a suscité.
Les efforts immenses déployés par les Roumains et le reste de l’Europe ont révélé au grand jour la capacité fondamentale des hommes à se mettre à la place d’autrui, à agir dans l’urgence pour le sortir d’une impasse. L’empathie est une qualité propre à l’homme, et traduit une ouverture profonde et totale à l’autre. Si cette guerre doit avoir un bon côté, c’est bien celui-ci : l’empathie réelle et complète. Il serait peut-être temps alors de méditer un peu sur cette qualité qui nous distingue des autres mammifères. Nous avons échangé avec Elena Maria Dumitrescu, psychothérapeute spécialisée en thérapie cognitive comportementale, autour de cet immense élan de solidarité envers l’Ukraine. Nous lui avons demandé comment cela s’expliquait sur le plan psychologique. Voilà sa réponse :
« Nous faisons tous partie d’un tout que l’on appelle la vie, l’univers, l’énergie, la création ou encore le divin. J’associerais la gentillesse à la compassion, au fait de se soucier des autres, d’avoir envie de les aider. Cette caractéristique s’observe aussi bien au niveau individuel que collectif. Il en existe un très bon exemple dans la nature. La fourmi de feu, qui vit dans des fourmilières au bord des rivières. Lorsque l’eau monte, elle sait qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir seule. Les fourmis de la colonie vont alors s’accrocher les unes aux autres pour former comme un radeau immense. Elles conservent cette position pour se maintenir à la surface de l’eau jusqu’à ce que le niveau redescende. C’est comme ça qu’elles se sauvent les unes les autres, sauvent la fourmilière et surtout l’espèce. La religion et Darwin nous ont montré que chaque espèce était équipée pour survivre. Nous aussi nous avons de quoi offrir au monde. La nature ne se soucie pas de savoir si nous allons ou non survivre. C’est à nous de nous en préoccuper et de nous raccrocher à la vie. »
L’amitié est l’expression la plus forte et la plus pure de notre humanité. Les Roumains ont suscité l’admiration du monde entier en accueillant ainsi à bras ouverts leurs voisins ukrainiens qui fuient la guerre. L’amitié pourrait-elle sauver l’espèce humaine ? Elena Maria Dumitrescu nous répond :
« Nous sommes amis avec les Ukrainiens. Et l’amitié est le moyen de communication le plus pur entre les hommes, aussi bien sur le plan énergétique que psychologique et spirituel. Nous sommes en pleine période du Carême. Et la Bible nous fournit quelques exemples pour illustrer ce propos. Lorsque Jésus fait référence à ses Apôtres et aux femmes dévotes qu’il appelle ses amis. Dans de nombreux contextes on retrouve cette idée d’une amitié puissante, qui guérit les maux physiques, mais aussi mentaux. Du point de vue psychologique, les relations d’amitié sont essentielles pour notre bien-être. Je tiens à souligner ici que l’empathie, la capacité à se mettre à la place d’autrui, n’exige pas de connaitre forcément l’autre personne. L’empathie, la compassion et la bonté donnent du sens à notre existence. Nous avons besoin de cette solidarité, en tant qu’individus, mais aussi en tant qu’espèce. Nous devons dépasser l’autosuffisance, la superficialité et la paresse qui selon moi sont nos plus grands ennemis. Nous devons comprendre que nous avons chacun un rôle à jouer. »
Existe-t-il des limites à l’empathie ? La psychologue Elena Maria Dumitrescu nous explique quelles en sont les limites, les dangers et le juste milieu à trouver :
« La vie se charge de notre équilibre énergétique, spirituel et de l’équilibre du système auquel nous appartenons. L’empathie est une position d’équilibre dans la sphère du relationnel. Il arrive fréquemment que notre besoin d’aider soit supérieur au besoin d’aide de l’autre. Car nous sommes notre propre point de référence. Ce besoin d’aider peut être motivé par plusieurs choses : surmonter certains aspects de notre vie, atténuer notre culpabilité, répondre à notre besoin de perfectionnismes ou encore aux normes sociales etc. Il arrive parfois que nous franchissions une limite dans l’empathie. Nous nous identifions à l’autre et l’on se place dans la posture du sauveur. Ce faisant, on accentue la posture de victime de l’autre. Nous sommes alors plus attentifs à nos propres besoins qu’à ceux de l’autre personne. Bien souvent, cela implique une consommation inutile de nos ressources biologiques, physiologiques et énergétiques. Et il arrive que cela nuise plus qu’autre chose à notre relation à l’autre, car il y a un décalage avec la réalité de la situation. Tout ce qui va au-delà de cet équilibre pour aller vers les extrêmes n’est pas bénéfique. Il faut savoir doser, car trop donner peut nuire, mais ne pas donner assez ne suffit pas non plus », a conclu la psychothérapeute Elena Maria Dumitrescu.
(Trad.: Charlotte Fromenteaud)