De l’histoire de la Gendarmerie roumaine
La Gendarmerie roumaine est une des institutions de l’Etat roumain les plus anciennes, dont les premières unités ont été créées en 1850, avec pour principale mission : assurer l’ordre public. Mais les gendarmes roumains ont également participé aux deux guerres mondiales. Histoire.
Steliu Lambru, 06.10.2025, 10:46
Les débuts de la Gendarmerie roumaine
L’État roumain a commencé à se doter de structures de force dès le milieu du XIXe siècle. Parmi elles, la Gendarmerie, créée en 1850 dans la principauté de Moldavie. Mais des structures chargées de l’ordre public et de la défense des citoyens existaient déjà auparavant, sous divers noms : « milice », « garde » ou « garde nationale », notamment après 1829, à la suite du traité de paix entre la Russie et l’Empire ottoman.
Avec des effectifs réduits, la Gendarmerie a participé à la guerre d’Indépendance de la Roumanie en 1877-1878, puis à la deuxième guerre balkanique en 1913, ainsi qu’aux deux guerres mondiales. En 1893, la Gendarmerie rurale est créée. En 175 ans d’existence, son histoire comporte des pages héroïques, mais aussi des pages sombres, comme la répression de la révolte paysanne de 1907 ou sa participation à l’Holocauste dans les années 1940. Abolie par le régime communiste en 1948, la Gendarmerie renaît en 1990, après la révolution anticommuniste de 1989.
Témoignages
Les archives du Centre d’Histoire Orale de la Radio roumaine conservent des entretiens avec d’anciens gendarmes, témoins directs de ces événements.
La rebellion de janvier 1941
Le colonel Grigore Meculescu se souvenait, en 1995, de son rôle d’élève à l’École de gendarmes lors de la rébellion légionnaire d’êtreme droite de janvier 1941 : « A un certain moment, l’École d’officiers de gendarmes avait pour mission de protéger l’Inspection générale de la Gendarmerie. Nous, élèves, avons dressé un plan de défense du bâtiment. Si les légionnaires attaquaient, nous devions tenir bon. Ils sont venus en masses, criant “Nous voulons Horia Sima !”. L’information circulait qu’un assaut était possible. Nous étions en position, les mitrailleuses prêtes à tirer. Ils se sont arrêtés devant l’Inspection, puis, voyant notre dispositif, ils ont renoncé et ont continué leur route. »
Le 23 août 1944, un tournant dans l’histoire de la Seconde guerre mondiale
Un autre gendarme, le général de division Mihail Baron, évoquait en 1995 la journée du 23 août 1944, lorsque la Roumanie a changé d’alliance et s’est retournée contre l’Allemagne nazie. Il était alors officier de service au régiment de gendarmes à pied et a participé à la neutralisation des troupes allemandes dans Bucarest :
« Le 24 août, vers huit heures du matin, un capitaine de cavalerie, très agité, m’a demandé de l’aide : les Allemands risquaient de briser l’encerclement. J’ai réuni deux pelotons et une section de mitrailleuses. Pris sous le feu, les Allemands ont hissé le drapeau blanc au bout d’une demi-heure. Escortés vers le régiment, nous avons essuyé des tirs depuis le Grand Hôtel. Nos hommes ont pénétré de force, arrêté les officiers allemands logés là, et les ont amenés dans la cour du régiment. En tout, environ 230 prisonniers : officiers, sous-officiers, soldats, et même deux ou trois dactylos. »
La Gendarmerie, dissolue par les communistes
Le général Emil Mihuleac, se rappelait toujours en 1995 de la période de l’après-guerre, quand le nouveau régime communiste a dissous l’École de gendarmes et, de facto, la Gendarmerie. Pour certains historiens, c’était une punition infligée à une arme d’élite, considérée par le nouveau pouvoir communiste comme le « chien de garde des capitalistes » et un « instrument des propriétaires fonciers » :
« L’école avait une excellente réputation par la qualité de ses élèves et de ses cadres. Beaucoup d’officiers de l’Inspection générale étaient diplômés de l’École supérieure de guerre. C’étaient des militaires d’élite. La formation de trois ans donnait une préparation complexe, et cela a produit des officiers remarquables, qui se sont illustrés pendant la guerre, sur le front de l’Est comme sur celui de l’Ouest. »
La Gendarmerie roumaine a été une institution constitutive de l’État roumain, suivant avec lui les aléas de l’histoire, écrivant des pages lumineuses ou plus sombres de son histoire. (Trad Ionut Jugureanu)