La Roumanie aux Jeux Interalliés
C’est à l’initiative des Américains qu’à l’été 1919, environ 1.500 athlètes se sont affrontés à Paris, sur le nouveau stade Pershing qu’ils venaient de construire, dans 19 disciplines sportives réunies sous le nom de Jeux Interalliés. La Roumanie avait également été invitée à y participer : un bataillon roumain a défilé en juillet 1919 lors de la parade précédant les Jeux. Les athlètes roumains se sont engagés dans les épreuves de football, rugby, tir, athlétisme, équitation, tennis, natation, lutte et boxe, sans toutefois obtenir de résultats notables.
Steliu Lambru, 17.11.2025, 10:14
C’est à l’initiative des Américains qu’à l’été 1919, environ 1.500 athlètes se sont affrontés à Paris, sur le nouveau stade Pershing qu’ils venaient de construire, dans 19 disciplines sportives réunies sous le nom de Jeux Interalliés. La Roumanie avait également été invitée à y participer : un bataillon roumain a défilé en juillet 1919 lors de la parade précédant les Jeux. Les athlètes roumains se sont engagés dans les épreuves de football, rugby, tir, athlétisme, équitation, tennis, natation, lutte et boxe, sans toutefois obtenir de résultats notables. L’historien Bogdan Popa, de l’Institut d’Histoire « Nicolae Iorga », raconte l’histoire de la participation roumaine aux Jeux Interalliés de 1919 :
« Le Parlement français a décidé de célébrer la victoire de la Première Guerre mondiale et a invité tous les Alliés à prendre part au défilé sous l’Arc de Triomphe. Il fut ouvert par les commandants français, Pétain, Douglas Haig était présent, tout comme le général Pershing, commandant du Corps expéditionnaire américain, ainsi que tous les autres alliés. Les blessés et mutilés de guerre ont ouvert la parade et, comme signe des temps nouveaux, les chars et les forces aériennes l’ont clôturée tard dans la nuit. »
C’était la première sortie internationale professionnelle des athlètes roumains, jusque-là amateurs et pourvus des moyens limités. Bogdan Popa :
« Les premiers clubs sportifs, au vrai sens du mot, sont apparus à Bucarest au début du XXe siècle. Il y avait des clubs d’automobilistes, de tennis, de football, dont les membres faisaient partie de l’élite sociale et financière du moment. Posséder une voiture signifiait quelque chose. Cela constituait une marque de richesse et de prestige. Il fallait être assez fortuné pour acheter une automobile ou un avion et pratiquer ce que cela s’apparentait à du sport alors. Les clubs de football, eux, étaient au départ des initiatives allemandes et britanniques. C’était une époque où la Roumanie s’ouvrait largement aux investissements étrangers et au mode de vie occidental. »
Les débuts du sport de masse furent souvent mis en lien avec l’armée et les guerres, et la Roumanie n’a pas fait exception. Déjà en 1913, durant la Seconde Guerre balkanique, l’armée roumaine était composée majoritairement de paysans, sans presque aucune formation. Mais c’est seulement pendant la Grande Guerre que sera mise à l’épreuve leur préparation et leur endurance, notamment après l’occupation du sud du pays par les Puissances centrales en 1916.
Bogdan Popa :
« Durant les étés 1917 et 1918, l’armée remplace ses anciens commandants et met en place l’entraînement des soldats axé sur la préparation physique. Les hommes sont mieux entraînés. On ne les forme plus seulement à tirer et à aimer leur patrie, mais aussi à se défendre dans les combats rapprochés. La cavalerie, par exemple, n’est plus formée pour charger, mais pour se déplacer à cheval jusqu’au champ de bataille, puis combattre à pied. »
Même si les combats cessent en 1918 après la capitulation des Puissances centrales, les conflits régionaux se poursuivent. À l’intérieur, la Roumanie fait face à l’instabilité et au risque d’anarchie, et à l’extérieur, aux attaques des bolcheviques. En 1919, elle combat sur trois fronts : à l’est, au nord et à l’ouest. Bogdan Popa explique :
« Dans ce contexte trouble, le Corps expéditionnaire américain, vers janvier 1919, envoie une invitation à l’armée roumaine pour l’informer de l’organisation des Jeux Interalliés à Paris. Que représentaient ces Jeux et pourquoi étaient-ils organisés ? La Roumanie devait-elle y participer ? Bien sûr : c’était pour les États-Unis l’occasion d’affirmer leur puissance politique, militaire et économique. »
Bogdan Popa nous offre aussi des détails sur la composition de la délégation roumaine et sur ses performances :
« La Roumanie forme un détachement militaire sportif : 118 athlètes roumains sont envoyés à Paris. Parmi eux, 53 étaient déjà actifs avant 1916. Il s’agissait de lycéens et d’hommes d’environ trente ans, dont beaucoup avaient étudié en France, où ils avaient appris à jouer au rugby, au tennis et parfois au football. Ces hommes allaient constituer le noyau du mouvement sportif roumain de l’entre-deux-guerres. Aux Jeux, la Roumanie perdit presque toutes ses épreuves. Le major Filip Iacob, cavalier, fut le seul à obtenir un résultat notable. L’équipe de tennis, bien que prometteuse, ne confirma malheureusement pas. »
La participation de la Roumanie aux Jeux Interalliés constitua aussi un geste politique : une manière de montrer à ses alliés occidentaux qu’elle était un partenaire fiable. Bogdan Popa :
« En dépit de l’absence de toute tradition sportive, il y avait clairement un message politique derrière ces Jeux. La Roumanie avait envoyé une armée entraînée par des officiers français, elle avait reçu l’aide des Alliés et voulait prouver que cet investissement en valait la peine. J’ai retrouvé un seul rapport, celui d’un officier de l’équipe de tir, qui écrit que l’expérience avait été extraordinaire. Les officiers étaient logés séparément des soldats, les grades étaient respectés. Une fois la compétition terminée, on leur fit visiter Paris, ses musées, la tour Eiffel et d’autres attractions. Ce fut, je crois, le seul moment de l’histoire roumaine où l’armée agit indépendamment de toute décision politique. »
La Roumanie eut une présence honorable aux Jeux Interalliés de 1919. Et comme on le dit souvent dans le sport : l’important, ce n’est pas de gagner, mais de participer. Ces Jeux ne firent que confirmer le vieil adage.
(Trad Ionut Jugureanu)