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Le Festival international de la Jeunesse de 1953

Organiser des événements gigantesques, censés encenser et légitimer la politique du parti communiste, qui avait pris partiellement le pouvoir dès le 6 mars 1945, entièrement après l’abolition de la monarchie, le 30 décembre 1947, est devenue monnaie courante au début des années 50. A l’instar du modèle soviétique, cela comprenait de grands rassemblements populaires, une mobilisation de masse, tout cela pour faire montre de l’adhésion populaire dont, voulait-on le laisser croire, bénéficiait la politique du Parti. Au fond, cela n’était ni plus, ni moins qu’un cirque censé faire oublier au petit peuple les frustrations matérielles qu’il devait affronter au quotidien, voire l’absence des droits et libertés individuels, confisqués par le pouvoir totalitaire.

Le Festival international de la Jeunesse de 1953
Le Festival international de la Jeunesse de 1953

, 15.10.2018, 11:34

Organiser des événements gigantesques, censés encenser et légitimer la politique du parti communiste, qui avait pris partiellement le pouvoir dès le 6 mars 1945, entièrement après l’abolition de la monarchie, le 30 décembre 1947, est devenue monnaie courante au début des années 50. A l’instar du modèle soviétique, cela comprenait de grands rassemblements populaires, une mobilisation de masse, tout cela pour faire montre de l’adhésion populaire dont, voulait-on le laisser croire, bénéficiait la politique du Parti. Au fond, cela n’était ni plus, ni moins qu’un cirque censé faire oublier au petit peuple les frustrations matérielles qu’il devait affronter au quotidien, voire l’absence des droits et libertés individuels, confisqués par le pouvoir totalitaire.

La 4e édition du Festival international de la Jeunesse et des étudiants, déroulée à Bucarest du 2 au 16 août 1953, s’inscrit ainsi dans la lignée des grandes messes dont le communisme rampant avait le secret. Parmi les priorités de ce festival, citons, en tête d’affiche, la « lutte pour la paix » ou encore la « démocratisation du milieu académique et universitaire ». C’est que la première édition du festival avait déjà eu lieu à Prague, en 1947, réunissant pas moins de 30.000 jeunes, originaires de 111 pays autour du slogan : « Non ! Plus jamais ça ! Notre génération bannit la mort et la destruction ! ». C’est alors qu’est apparu le syntagme « carême du festival », dont la connotation religieuse était censée encourager la population à se priver du peu d’aliments encore disponibles sur le marché.

Dans le paysage urbain, le temps des grandes files d’attente qui se dessinaient devant les vitrines des magasins, regorgeant autrefois de marchandises, alors vides, était arrivé. Ces files de la famine rampante, on les retrouvera encore, plus tard, en Roumanie, dans les années 80, lorsque le régime communiste aura achevé de détruire les derniers espoirs de lendemains qui chantent. Pour les visiteurs étrangers, l’Universiade de 1981, accueillie par la Roumanie, constitua l’occasion d’une prise de conscience de la pénurie chronique d’aliments qui constituait le défi quotidien de tout un chacun. Ştefan Bârlea, étudiant en ingénierie à l’époque, a fait partie du Comité d’organisation du Festival de la jeunesse de 1953. Dans son interview de 2002, enregistrée par le Centre d’histoire orale de la Radio roumaine, il remémore ces souvenirs enfouis:

« La nouvelle de l’organisation du Festival nous est tombée dessus tout à coup. Il a fallu se débrouiller pour assurer le nécessaire en aliments et bien d’autres choses, mais il fallait aussi économiser forcément donc, pour faire bref, quelqu’un a eu l’idée du carême du festival. Parce que, vous savez, à la cantine déjà, il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Nous mangions du « crepes », c’était un plat que l’on avait appelé ainsi par dérision, à base de semoule de blé. Alors, moi, je faisais partie à l’époque des leaders des Jeunesses communistes, j’étais même membre du comité du parti à l’Institut polytechnique. Le comité local du parti nous avait convoqués et nous avons constitué une sorte de comité d’organisation du Festival. Nous, les polytechniciens, avions pour tâche d’organiser plus de cent personnes chargées de l’approvisionnement en fruits et légumes. Ils étaient censés s’approvisionner dans les communes limitrophes de Bucarest, pour pouvoir disposer de fruits et légumes frais, des primeurs, durant le Festival. Pendant tout un mois, on nous a préparé à cette mission. Alors, durant cette période nous faisions de véritables campagnes de reconnaissance, en voiture, pour être prêts. Nous ne pouvions pas nous dérober, c’était l’ordre du Parti, donc forcément… D’autres étudiants ont reçu la tâche d’organiser des bandes de musique, pour prendre part aux événements prévus. C’était tout un plan ». Forcément, les autorités communistes ont mis les petits plats dans les grands, et ce en dépit de la précarité des conditions d’accueil, de la qualité du logement. La piètre qualité de l’infrastructure, défaillante à tous les niveaux, n’a malgré tout pas manqué de montrer ses limites. Les files d’attente gigantesques aux comptoirs des cantines, le nombre réduit et l’hygiène précaire des toilettes dans les campus où les jeunes étrangers étaient accueillis, les services médicaux défaillants furent autant de failles visibles à l’œil nu. Ştefan Bârlea remémore les parades que les organisateurs ont trouvés pour pallier au manque de places d’hébergement, mais il se souvient aussi du bon côté des choses, tel qu’il était perçu par le jeune étudiant qu’il était à l’époque: « Ils étaient logés dans les campus qui étaient vides pendant les mois d’été. L’on avait réquisitionné les hôtels qui avaient survécu à Bucarest, mais il n’y en avait pas beaucoup, alors que les visiteurs étaient en nombre. Evidemment, c’étaient des gauchistes. Le Festival était d’ailleurs organisé par l’Union mondiale des Jeunesses démocrates et par l’Union internationale des étudiants. Mais il y avait des participants originaires des pays capitalistes, organisés sous l’égide du Parti communiste français ou du Parti communiste italien. C’était ce que l’on appelait « les nôtres ». En fin de compte, ça a été une réussite. Magnifique. De jeunes talents ont fait leurs premiers pas à l’occasion. Certains se sont remarqués par la suite, ils ont percé. Tenez, Nicolae Niţescu, un grand musicien, en vogue, ou encore Constantin Drăghici, qui a émigré en Allemagne, plus tard. »

Le complexe sportif intitulé « 23 août », érigé pour l’occasion, a été l’hôte d’élection de nombre de manifestations sportives et culturelles. Des colloques et des séminaires ont également été organisés. Ştefan Bârlea: « Il y avait les danses, les feux d’artifices, mais aussi les séminaires internationaux, auxquels prenaient part les représentants des délégations. On parlait des réformes et de la démocratie universitaire. C’était le thème de prédilection. C’était la période d’après la guerre, les gens étaient sensibles au sujet. Les festivités de départ ont eu lieu dans la grande salle, ici même. Et puis, il y a eu les expos, au parc Herastrau. »

Le Festival international de la Jeunesse et des étudiants de 1953 a été malgré tout accueilli dans l’indifférence générale par la grande majorité de la population roumaine, rompue aux soucis provoqués par l’occupation soviétique et la prise de pouvoir des communistes. Ce Festival fut encore l’occasion pour certains Roumains de battre en brèche la chape de plomb de la propagande officielle, pour faire passer leur message à travers le rideau de fer qui avait coupé l’Europe en deux à la fin de la guerre. La réalité factice que voulait encenser le Festival de 1953 n’a finalement pas passé l’épreuve du temps. (Trad. Ionut Jugureanu)

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