Roumanie : un cri d’alarme contre la violence faite aux femmes
Des milliers de manifestants se sont rassemblés dans le centre de la capitale pour dénoncer l’inaction des autorités face à la violence persistante envers les femmes

Daniela Budu, 04.06.2025, 11:43
Mardi soir, une marée humaine a déferlé dans les rues de Bucarest. Des milliers de manifestants se sont rassemblés dans le centre de la capitale pour dénoncer l’inaction des autorités face à la violence persistante envers les femmes. Cette mobilisation, empreinte d’émotion et de colère, fait suite à un drame survenu quelques jours plus tôt : une jeune femme enceinte de 23 ans a été froidement abattue par son ex-compagnon en pleine rue, sous les yeux de sa fillette de trois ans. Malgré les multiples ordonnances de protection et les plaintes déposées, les institutions n’ont pas réussi à la protéger. L’agresseur, déjà connu pour des faits similaires, a agi en toute impunité.
La manifestation a été organisée par plusieurs ONG, dont le Centre FILIA, le Centre de ressources juridiques et Féministes de Roumanie. Ensemble, elles ont mis en lumière une réalité glaçante : cette femme est la 25e victime de féminicide en Roumanie depuis le début de l’année 2025. Les manifestants dénoncent une société qui minimise les abus, une justice qui reste passive, et un système où la victime se retrouve trop souvent blâmée pour les violences subies.
Un système judiciaire défaillant et des chiffres alarmants
Les militants appellent à une réforme urgente du cadre légal et institutionnel. Selon les données du ministère de l’Intérieur, plus de 40 000 cas de violences domestiques ont été enregistrés rien que sur les quatre premiers mois de l’année. Face à cette explosion des chiffres, les ONG présentes devant le siège du gouvernement réclament que le féminicide soit reconnu comme une infraction distincte dans le Code pénal, à l’instar de nombreux pays européens.
Interrogé par une chaîne de télévision privée, le ministre de l’Intérieur, Cătălin Predoiu, a affirmé que les dispositifs législatifs roumains sont comparables à ceux en vigueur en Europe, tout en concédant que des ajustements plus stricts pourraient être nécessaires. Il a également tenu à rassurer l’opinion publique en affirmant que les violences domestiques sont désormais traitées « avec la même rigueur que tout autre crime ».
Des initiatives parlementaires émergent. Le Parti national libéral a ainsi déposé une proposition de loi visant à supprimer les frais de timbre dans les procédures de divorce et de partage des biens, une mesure conçue pour faciliter la sortie des femmes victimes de violences conjugales de situations abusives. Alina Gorghiu, eurodéputée à l’origine du texte, insiste : « Offrir un soutien concret, c’est permettre à ces femmes de retrouver leur autonomie. »
Une urgence européenne : vers une définition commune du féminicide
La Roumanie n’est pas un cas isolé. Selon une étude récente d’Eurostat, relayée par le Parlement européen, une femme sur trois dans l’Union européenne a été victime de violences sexistes depuis l’âge de 15 ans. Près de 17 % ont subi des violences infligées par un partenaire intime. Si la plupart des pays membres disposent de lois en matière de lutte contre les violences fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle, l’absence d’une définition harmonisée du fémicide et de règles juridiques communes reste un frein majeur à l’efficacité des politiques publiques.
Conscient de cette faille, le Parlement européen a réitéré à plusieurs reprises sa demande d’une législation unifiée au niveau de l’UE. Les députés appellent à des mesures plus ambitieuses, allant au-delà des déclarations d’intention, pour enrayer un fléau qui, trop souvent, fait encore l’objet de silences gênants et de réponses institutionnelles insuffisantes.
Alors que la société civile se mobilise en Roumanie et ailleurs, la question n’est plus de savoir si des réformes sont nécessaires, mais combien de victimes faudra-t-il encore pour qu’elles soient réellement mises en œuvre ?